Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 août 2015, le préfet du Rhône demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 juillet 2015.
Le préfet du Rhône soutient que :
- la décision attaquée était suffisamment motivée ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2015, M. H...A...conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la mise à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
3°) à la condamnation de l'Etat aux entiers frais et dépens de l'instance.
Il soutient que :
- la requête d'appel du préfet du Rhône est irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- le préfet ne critique pas utilement le jugement attaqué en se bornant à soutenir qu'il a entendu faire application des premier et second alinéas de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de manière cumulative, en l'absence de mention explicite ;
- dans l'hypothèse où la cour estimerait nécessaire d'évoquer l'affaire : la décision contestée est entachée d'un défaut de base légale en ce qu'elle apparaît fondée sur un refus d'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile ; le refus d'admission provisoire au séjour, au motif qu'il constituait une menace grave pour l'ordre public est nécessairement le fondement de la mesure d'éloignement litigieuse dès lors que les dispositions de l'article L. 741-4 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont visées ; sans un refus d'admission provisoire au séjour le préfet ne pouvait ordonner sa reconduite à la frontière sans méconnaître la convention de Genève de 1951 relative au droit d'asile primant sur les dispositions de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :
- l'auteur de la décision est incompétent ;
- cette décision est entachée d'un défaut de base légale, en ce qu'elle apparaît fondée sur un refus d'autorisation provisoire de séjour qui est illégal en ce que :
- le refus d'admission provisoire au séjour est entaché d'un vice de procédure en ce qu'il n'a pas été précédé de la consultation des autorités allemandes, en application de l'article 25 de la convention d'application des accords de Schengen ;
- pour refuser son admission provisoire au séjour en sa qualité de demandeur d'asile le préfet s'est fondé sur un signalement formulé par les autorités allemandes à partir de leur seule liste nationale, le N-SIS allemand, ce qui n'est pas possible selon l'article 92.2 ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure en ce que le préfet a consulté de manière irrégulière le fichier SIS, l'identité de la personne ayant procédé à la consultation du fichier SIS n'étant pas précisée ce qui ne permet pas de vérifier sa compétence en application de l'article 5 du décret n° 95-577 relatif au système informatique national du système d'information Schengen dénommé N-SIS ;
- le préfet a commis une erreur de fait en invoquant des faits qu'il lui appartient de justifier en produisant la fiche Schengen et qui ne sont nullement démontrés et n'ont pas été diffusés par les autorités allemandes ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur des éléments d'information tirés d'évènements survenus dans un autre Etat, sans caractériser la menace à l'ordre public pouvant exister sur le territoire français ; un signalement au fin de non-admission ne peut fonder un refus d'admission provisoire au séjour opposé au demandeur d'asile ; l'article 25 de la convention d'application des accords de Schengen réserve le cas du nécessaire respect des obligations internationales et constitutionnelles à l'instar du droit d'asile et de la convention de Genève de 1951 ;
- le préfet a commis une erreur de droit en motivant l'existence d'une menace grave pour l'ordre public en raison de l'entrée de M. A...sur le territoire français malgré une mesure d'éloignement prise par les autorités allemandes ;
- le refus d'admission provisoire au séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a commis une erreur de fait en décidant sa reconduite à la frontière en se fondant sur des éléments tirés du fichier SIS, la copie de la fiche de signalement ne lui ayant pas été remise ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 531-3 et R. 531-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne se trouve pas dans l'hypothèse visée au 1° de l'article R. 531-5, ni dans celle du 2° :
- pour les mêmes motifs que ceux évoqués précédemment à l'encontre du refus d'admission provisoire au séjour, la mesure d'éloignement est entachée de deux erreurs de droit tenant à ce que la menace à l'ordre public n'est pas caractérisée et ne peut découler du fait qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise par les autorités allemandes, alors que cette mesure ne comportait pas d'interdiction d'entrée ou de séjour ;
- la reconduite à la frontière est entachée des mêmes vices de procédure que le refus d'admission provisoire au séjour ;
- la reconduite est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de son intention de déposer une demande d'asile, dès lors qu'il ne constitue pas une menace grave pour l'ordre public au sens de la directive 2004/38/CE qui suppose une menace actuelle et réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société et ne découle pas de la seule existence d'une condamnation pénale, s'agissant d'évènements qui n'ont pas été diffusés par les autorités allemandes ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- l'auteur de la décision est incompétent ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur de droit, alors qu'il n'a pas été statué sur sa demande d'asile ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard au fait qu'il a fui l'Albanie en raison des risques qu'il encoure pour sa vie ;
Sur la décision ordonnant son placement en rétention administrative :
- l'auteur de l'acte est incompétent ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen préalable réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- le préfet n'a pas apprécié l'opportunité d'une assignation à résidence sur le fondement de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en se fondant sur les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur de droit ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'absence d'octroi d'un délai de départ volontaire ;
- le préfet a commis une erreur de droit en faisant état d'une insuffisance de garanties de représentation, ce qui atteste d'une insuffisance de motivation et une absence d'examen préalable, sérieux et réel de sa situation personnelle ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, alors qu'il justifie être dans l'impossibilité de quitter la France, qu'il n'a jamais fui, que, l'existence de garanties de représentation n'est pas une condition pour une assignation à résidence, qu'il revenait au préfet d'assurer son hébergement et sa prise en charge matérielle en sa qualité de demandeur d'asile.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et le protocole de New York du 31 janvier 1967 ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
- la directive 2004/38/CE du parlement européen et du conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 95-577 du 6 mai 1995 relatif au système informatique national du système d'information Schengen dénommé N-SIS ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;
1. Considérant que le préfet du Rhône relève appel du jugement du 13 juillet 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 8 juillet 2015 par lesquelles il avait ordonné la reconduite à la frontière de M. H... A..., ressortissant albanais, né le 24 janvier 1973, en fixant le pays de destination et décidé son placement en rétention administrative ;
Sur la fin de non recevoir opposée en défense tirée de la tardiveté de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicable au contentieux des obligations de quitter le territoire français et des arrêtés de reconduite à la frontière : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. / Le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet peut statuer par ordonnance dans les cas prévus à l'article R. 222-1. (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué du 13 juillet 2015 a été notifié au préfet du Rhône le 17 juillet 2015 ; que le délai de recours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, lequel est un délai franc, expirait le 18 août 2015 ; qu'ainsi la requête du préfet du Rhône, enregistrée le 18 août 2015, n'était pas tardive ; que, dès lors, la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la requête opposée par M. A... ne peut qu'être écartée ;
Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon :
4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne a fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision exécutoire prise par l'un des autres Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et qu'il se trouve irrégulièrement sur le territoire métropolitain, l'autorité administrative peut décider qu'il sera d'office reconduit à la frontière. / Il en est de même lorsqu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, qui se trouve en France, a fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des autres Etats membres de l'Union européenne. (...) " ;
5. Considérant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a estimé que l'arrêté litigieux ordonnant la reconduite à la frontière de M. A... était insuffisamment motivé en ce qu'il visait à la fois le premier et le deuxième alinéa de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans préciser sur lequel de ces deux fondements le préfet du Rhône avait entendu fonder sa décision de reconduite à la frontière ; que, toutefois, le jugement attaqué précise que l'arrêté litigieux du préfet du Rhône indiquait que M. A... avait, d'une part, fait l'objet d'un signalement dans le système d'information Schengen et, d'autre part, qu'il constituait une menace pour l'ordre public et n'avait pas respecté l'interdiction du territoire Schengen prononcé à son encontre par les autorités allemandes ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que M. A... dans son mémoire introductif d'instance devant le tribunal administratif de Lyon estimait que le préfet du Rhône s'était fondé sur le 2° alinéa de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour décider son éloignement ; qu'en appel, le préfet du Rhône fait valoir que la décision de reconduite à la frontière litigieuse est fondée à la fois sur le premier et le second alinéa de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sauraient être regardés comme des conditions alternatives, dans la mesure où l'intéressé a fait l'objet à la fois d'un signalement aux fins de non-admission dans l'espace Schengen et d'une décision d'expulsion du territoire prise par les autorités allemandes ; qu'ainsi, l'arrêté litigieux qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement était suffisamment motivé pour permettre à M. A... d'en contester le bien fondé ; que, dans ces conditions, le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 8 juillet 2015 ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon et la cour ;
Sur les autres moyens soulevés par M. A... :
En ce qui concerne la compétence du signataire de la décision de reconduite à la frontière :
7. Considérant que le préfet du Rhône, par un arrêté n° 2015082-0010 du 2 avril 2015 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 3 avril 2015, a donné délégation de signature à M. B...E...chef du service de l'immigration et de l'intégration, signataire de la décision attaquée, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme G...C..., directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer l'ensemble des actes établis par la direction de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration, dont relèvent les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers, antérieurement à l'intervention des décisions attaquées ; que le défaut d'empêchement n'est ni établi, ni même allégué par M. A...; que le moyen tiré d'une incompétence du signataire de cette décision doit, par suite, être écarté comme manquant en fait ;
En ce qui concerne la décision de reconduite à la frontière :
8. Considérant que la décision attaquée par laquelle le préfet du Rhône a décidé de la reconduite à la frontière de M. A...comporte les considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement ; que, par suite, elle est suffisamment motivée en fait et en droit au sens des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Lorsqu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne a fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision exécutoire prise par l'un des autres Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et qu'il se trouve irrégulièrement sur le territoire métropolitain, l'autorité administrative peut décider qu'il sera d'office reconduit à la frontière. Il en est de même lorsqu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, qui se trouve en France, a fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des autres Etats membres de l'Union européenne. (...) Pour l'exécution des mesures prévues au présent article, les dispositions de l'article L. 513-2, du premier alinéa de l'article L. 513-3 et de l'article L. 561-1 sont applicables. " ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 531-5 du même code : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 531-2, l'éloignement décidé en application du deuxième alinéa de l'article L. 531-3 intervient à l'égard des ressortissants étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement exécutoire et non suspendue prise par un autre Etat membre de l'Union européenne dans les cas suivants : 1° Menace grave et actuelle pour l'ordre public ou la sécurité nationale dans le cas où l'intéressé a fait l'objet d'une condamnation par l'Etat membre qui lui a délivré le titre de séjour pour une infraction passible d'une peine privative de liberté d'au moins un an ou lorsqu'il existe soit des raisons sérieuses de croire qu'il a commis des faits punissables graves, soit des indices réels qu'il envisage de commettre de tels faits sur le territoire d'un Etat membre ; 2° Non-respect de la réglementation nationale relative à l'entrée et au séjour des étrangers et prise par un autre Etat membre. " ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 3° La présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 de ce code dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (...) " ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article 25 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " 1. Lorsqu'une Partie Contractante envisage de délivrer un titre de séjour à un étranger qui est signalé aux fins de non-admission, elle consulte au préalable la Partie Contractante signalante et prend en compte les intérêts de celle-ci; le titre de séjour ne sera délivré que pour des motifs sérieux, notamment d'ordre humanitaire ou résultant d'obligations internationales. (...). " ;
13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour décider de reconduire M. A... à la frontière, le préfet du Rhône s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé, entré irrégulièrement sur le territoire français, faisait l'objet d'un signalement aux fins de non admission sur le territoire Schengen et qu'il avait, en outre, fait l'objet d'une mesure d'éloignement exécutoire de la part des autorités allemandes ; que saisi d'une demande d'asile par M. A..., le préfet du Rhône a estimé devoir refuser son admission provisoire au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'alinéa 3 de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il constituait une menace pour l'ordre public eu égard à un comportement contraire à l'ordre public et à son infraction à l'interdiction du territoire Schengen dont il a fait l'objet ; qu'il entrait ainsi dans les cas où, après avoir refusé son admission provisoire au séjour sur le territoire français, l'autorité préfectorale peut décider de reconduire l'étranger à la frontière ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision de reconduite attaquée manque en fait ;
14. Considérant que si l'admission au séjour est refusée pour l'un des motifs énumérés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile peut saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui statue alors par priorité, conformément aux dispositions du second alinéa de l'article L. 723-1 ; que l'intéressé bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office, aucune mesure d'éloignement ne pouvant être mise à exécution avant cette décision ; qu'en cas de rejet de la demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le recours susceptible d'être formé devant la Cour nationale du droit d'asile ne présente pas de caractère suspensif ; qu'en l'espèce, l'arrêté litigieux par lequel le préfet du Rhône a décidé la reconduite à la frontière de M. A... prévoit que cette mesure d'éloignement ne sera mise en oeuvre, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'en cas de rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de la demande d'asile formulée par l'intéressé ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit de solliciter l'asile et des obligations de la France au regard des stipulations de la convention de Genève de 1951 relative au droit d'asile doit être écarté ;
15. Considérant que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale : que s'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte ; que les décisions par lesquelles le préfet refuse, en fin de procédure, le séjour à l'étranger dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et l'oblige à quitter le territoire français ne sont pas prises pour l'application de la décision par laquelle le préfet statue, en début de procédure, sur l'admission provisoire au séjour ; que la décision prise sur l'admission au séjour ne constitue pas davantage la base légale du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen invoquant, par voie d'exception, l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour opposé à M. A... en qualité de demandeur d'asile, notamment pour vice de procédure ou méconnaissance de l'article 25 de la convention d'application de l'accord de Schengen, ne peut être utilement invoqué à l'appui de son recours contre la décision par laquelle le préfet a décidé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa reconduite d'office à la frontière, exécutoire en cas de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, toutefois, M. A...peut être regardé comme soutenant également qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, dès lors que le préfet du Rhône ne pouvait refuser son admission provisoire au séjour, refus qui a eu pour effet de le placer en situation de séjour irrégulier en France ; qu'à l'appui de ce moyen il peut seulement faire valoir que sa situation n'entrait pas dans le champ de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, cependant, alors même que M. A...venait de quitter l'Allemagne, les autorités françaises ont pu s'estimer compétentes pour examiner sa demande d'asile lorsqu'il est entré sur le territoire français en application de l'article 17 du règlement susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013
17. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret n° 95-577 du 6 mai 1995 relatif au système informatique national du système d'information Schengen dénommé N-SIS : " Peuvent seuls être destinataires de tout ou partie de ces informations dans le cadre de leurs compétences: - les fonctionnaires et agents de l'Etat du bureau Sirene français; - les autorités judiciaires; - les fonctionnaires de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale dûment habilités qui agissent dans le cadre de leur mission générale de police administrative et de police judiciaire; - les agents des préfectures et des services de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire compétents en matière d'entrée, de séjour et d'éloignement des étrangers et de recherche des personnes, majeures ou mineures, disparues, pour les seules consultations de leurs attributions; - les agents des services du ministère des affaires étrangères chargés de la délivrance des visas, des consulats et sections consulaires d'ambassades, pour les seuls renseignements concernant des étrangers signalés aux fins de non-admission dans l'espace Schengen; - les agents des douanes, pour les informations concernant les étrangers non admissibles; pour les autres catégories de signalement, à l'exception de ceux qui relèvent de l'article 98, les agents des douanes sont informés de l'existence d'un signalement et doivent saisir l'officier de police judiciaire le plus proche; - les autorités et services homologués des autres Etats parties à la convention d'application de l'Accord de Schengen. " ;
18. Considérant qu'aux termes de l'article 92 portant création du système d'information Schengen de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " 1. Les Parties Contractantes créent et entretiennent un système d'information commun, ci-après dénommé "Système d'Information Schengen", composé d'une partie nationale auprès de chacune des Parties Contractantes et d'une fonction de support technique. Le Système d'Information Schengen permet aux autorités désignées par les Parties Contractantes, grâce à une procédure d'interrogation automatisée, de disposer de signalements de personnes et d'objets, à l'occasion de contrôles de frontière et de vérifications et autres contrôles de police et de douanes exercés à l'intérieur du pays conformément au droit national ainsi que, pour la seule catégorie de signalement visée à l'article 96, aux fins de la procédure de délivrance de visas, de la délivrance des titres de séjour et de l'administration des étrangers dans le cadre de l'application des dispositions sur la circulation des personnes de la présente Convention. / 2. Chaque Partie Contractante crée et entretient, pour son compte et à ses risques, sa partie nationale du Système d'Information Schengen, dont le fichier de données est rendu matériellement identique aux fichiers de données de la partie nationale de chacune des autres Parties Contractantes par le recours à la fonction de support technique. Afin de permettre une transmission rapide et efficace des données, comme visée au paragraphe 3, chaque Partie Contractante se conforme, lors de la création de sa partie nationale, aux protocoles et procédures établis en commun pour la fonction de support technique par les Parties Contractantes. Le fichier de données de chaque partie nationale servira à l'interrogation automatisée sur le territoire de chacune des Parties Contractantes. L'interrogation de fichiers de données des parties nationales d'autres Parties Contractantes ne sera pas possible. / 3. Les Parties Contractantes créent et entretiennent, pour compte commun et en assumant les risques en commun, la fonction de support technique du Système d'Information Schengen, dont la responsabilité est assumée par la République française; cette fonction de support technique est installée à Strasbourg. La fonction de support technique comprend un fichier de données assurant l'identité des fichiers de données des parties nationales par la transmission en ligne d'informations. Dans le fichier de données de la fonction de support technique figureront les signalements de personnes et d'objets, pour autant que ceux-ci concernent toutes les Parties Contractantes. Le fichier de la fonction de support technique ne contient pas d'autres données, hormis celles mentionnées au présent paragraphe et à l'article 113, paragraphe 2. " ;
19. Considérant que M. A... soutient que les données relatives à son signalement issues du fichier national allemand N-SIS, qui en application des stipulations précitées du paragraphe 2 de l'article 92 de la convention d'application de l'accord de Schengen n'ont pas vocation à figurer sur la fonction de support technique qui diffuse les signalements aux autres Etats parties à la convention d'application de l'accord de Schengen, ont été obtenues de manière irrégulière, sans consultation préalable des autorités allemandes, sans que la compétence de l'agent qui a procédé à cette consultation ne soit démontrée au regard des disposition de l'article 5 du décret n° 95-577 relatif au système d'information nationale du système d'information Schengen dénommé N-SIS, et qu'eu égard à leurs conditions d'obtention, ces données ne peuvent, sans l'entacher d'un vice de procédure, fonder la décision de reconduite à la frontière dont il a fait l'objet ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que les éléments sur lesquels le préfet du Rhône s'est fondé pour décider de la reconduite à la frontière de M. A... sont issus de la fiche relative au signalement de l'intéressé aux fins de non admission sur le territoire des Etats membre à la convention de Schengen, produite au dossier, renseignée par les autorités allemandes et diffusée au sein du fichier du système d'information Schengen, auquel l'agent du ministère de l'Intérieur habilité à consulter le fichier SIS a pu légalement accéder ; que les autorités compétentes n'étaient pas tenues de lui remettre une copie de cette fiche qui n'est destinée à être consultée que par des personnes habilitées ; que par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du contrôle du fichier SIS, notamment au regard des stipulations de l'article 92-2 de la convention d'application de l'accord Schengen, et du vice de procédure manque en fait et doit être écarté ;
20. Considérant qu'il ressort de la lecture de l'arrêté attaqué, que pour décider de sa reconduite à la frontière sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Rhône s'est fondé sur la circonstance que M. A... avait fait l'objet d'un ordre d'expulsion le 30 janvier 2014 par les autorités allemandes et avait été expulsé d'Allemagne le 16 décembre 2014 pour une durée indéterminée suite à une condamnation à huit ans et deux mois d'emprisonnement le 30 novembre 2011 pour infraction à la législation sur les stupéfiants, l'intéressé ayant purgé en Allemagne, en application de cette condamnation, une peine d'emprisonnement du 19 octobre 2010 au 16 décembre 2014, le parquet de Karlsruhe ayant diffusé un signalement au niveau national, selon lequel il lui resterait 1463 jours à purger ; qu'il ressort des pièces jointes au dossier que ces renseignements sont issus de la réponse adressée le 6 juillet 2015 par les autorités allemandes, à l'origine du signalement concernant M. A... au sein du système d'information Schengen, en réponse à l'interrogation des autorités françaises compétentes, suite à la consultation du fichier SIS où figurent conformément aux stipulations du §3 de l'article 92 précité de la convention d'application de l'accord de Schengen, les signalements de personnes et d'objets qui concernent toutes les parties contractantes ; que M. A... ne soutient, ni même n'allègue que ces éléments seraient erronés ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entachée la décision de reconduite à la frontière litigieuse manque en fait et doit être écarté ;
21. Considérant que M. A... soutient que le préfet du Rhône a omis de caractériser la menace grave à l'ordre public que sa présence sur le territoire français représenterait ; qu'il soutient que cette menace ne peut découler de la seule circonstance que les autorités allemandes ont diffusé son signalement aux fins de non-admission afin qu'il reprenne en cas de retour sur le territoire allemand l'exécution de la peine d'emprisonnement prononcée à son encontre dans ce pays, ni de son entrée sur le territoire français alors qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement de la part des autorités allemandes ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, condamné à une peine de prison qu'il a partiellement exécuté en Allemagne, a fait l'objet d'un ordre d'expulsion pour une durée indéterminée le 30 janvier 2014 exécuté le 16 décembre 2014, et d'un signalement aux fins de non-admission sur le territoire des Etats membres de la convention de Schengen du 19 juin 1990, et est, par ailleurs, connu sous différents alias dans le système d'information Schengen ; qu'il n'est pas fondé à soutenir que le signalement aux fins de non-admission ne vaudrait que pour le territoire allemand, ni prétendre sans l'établir avoir bénéficier d'une " mesure de remise en liberté anticipée de type libération conditionnelle " ; que dans ces conditions et alors que M. A... a multiplié les alias, et a fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire et non suspendue prise par les autorités allemandes, ainsi que d'une condamnation dans ce pays pour une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus d'un an, le préfet du Rhône a pu, à bon droit, estimer qu'il représentait une menace grave et actuelle pour l'ordre public au sens du 1° de l'article R. 531-5 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 3° de l'article L. 741-4 du même code, décider qu'après rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, celui-ci serait reconduit à la frontière ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;
22. Considérant que M. A... ne peut utilement invoquer les termes de la directive 2004/38/CE du parlement européen et du conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, dès lors qu'il n'entre pas dans son champ d'application, n'étant pas membre de l'Union ou parent d'un membre de l'Union ;
23. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, le préfet du Rhône a pu, à bon droit, estimé que M. A... qui n'a pas été empêché de solliciter l'asile en France, nonobstant le comportement "irréprochable" dont il se prévaut sur le territoire français et de "l'ancienneté" des infractions qui lui sont reprochés en Allemagne, représentait une menace grave pour l'ordre public, sans entacher sa décision de reconduite à la frontière d'erreur d'appréciation ; qu'en l'absence par ailleurs d'attaches familiales de M. A... en France, la décision de reconduite à la frontière n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
24. Considérant que si M. A...bénéficiait ainsi du droit de se maintenir en France que jusqu'à la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant sur sa demande, le préfet du Rhône a précisé que, conformément aux dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , la mesure d'éloignement ne serait pas exécutée avant la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
En ce qui concerne le délai de départ volontaire :
25. Considérant que la reconduite à la frontière litigieuse a été prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit que l'autorité compétente peut décider qu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ayant fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision exécutoire prise par l'un des autres Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et se trouvant irrégulièrement sur le territoire métropolitain, ou ayant fait l'objet d'une mesure d'éloignement exécutoire prise par l'un des autres Etats membres de l'Union européenne soit reconduit d'office à la frontière ; que ces dispositions ne prévoient pas l'octroi d'un délai de départ volontaire ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 7 et 10 de la directive " retour " 2008/115/CE est inopérant ;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant l'Albanie comme pays de destination :
26. Considérant, en premier lieu, que Mme F...D..., signataire de la décision litigieuse du 8 juillet 2015, avait reçu délégation à l'effet de signer un tel acte en cas d'absence ou d'empêchement de Mme G...C..., directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration, chef du service de l'immigration et de l'intégration, par un arrêté n° 2015082-0010 du 2 avril 2015 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône le 3 avril 2015 ; que le défaut d'empêchement n'est ni établi, ni même allégué ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée fixant le pays de destination manque en fait ;
27. Considérant que M. A... se prévaut de ce que, sollicitant son admission au séjour au titre de l'asile, il s'est expliqué sur les motifs de cette demande lors de son entretien en préfecture et " que si le préfet du Rhône estimait les éléments communiqués trop succincts, il lui appartenait de solliciter des précisions complémentaires " mais ne pouvait, par une motivation stéréotypée, estimer qu'il n'établissait pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans répondre aux éléments produits au soutien de sa demande ; que, toutefois, la décision litigieuse est suffisamment motivée en fait et en droit, et atteste d'un examen réel et sérieux de la situation de M. A... ; que par suite les moyens tirés de l'insuffisante motivation et de l'erreur de droit doivent être écartés ;
28. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que cet article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énoncent que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
29. Considérant que M. A... soutient, qu'à la date de la décision attaquée, le préfet du Rhône ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, envisager sa reconduite à destination de l'Albanie, dès lors qu'il n'avait pas encore été statué sur sa demande d'asile ; que, toutefois, il ressort de la lecture même de l'arrêté litigieux que le préfet du Rhône a estimé, d'une part, que M. A... n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Albanie et, d'autre part, que l'exécution d'office de la décision de reconduite à destination de tout pays dans lequel il établirait être légalement admissible, était conditionnée à l'existence d'une décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination n'est entachée d'aucune erreur de droit ;
30. Considérant que M. A..., pour contester la décision fixant l'Albanie comme pays de destination, se borne à soutenir, sans l'établir, qu'il serait victime d'une vendetta dans son pays d'origine ; que par ses seules allégations, il ne démontre pas les risques de traitements inhumains et dégradants dont il soutient qu'il serait victime en cas de retour en Albanie ; que par suite, le préfet du Rhône a pu désigner l'Albanie comme pays de destination de la mesure d'éloignement ;
En ce qui concerne la décision de placement en rétention administrative :
31. Considérant, en premier lieu, que Mme F...D..., signataire de la décision litigieuse du 8 juillet 2015, avait reçu délégation à l'effet de signer un tel acte en cas d'absence ou d'empêchement de Mme G...C...directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration, chef du service de l'immigration et de l'intégration, par un arrêté n° 2015082-0010 du 2 avril 2015 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône le 3 avril 2015 ; que le défaut d'empêchement n'est ni établi, ni même allégué ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée de placement en rétention administrative manque en fait ;
32. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 4° Fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission ou d'une décision d'éloignement exécutoire mentionnée à l'article L. 531-3 du présent code ; (...) " ;
33. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, par dérogation à l'article L. 551-1, dans les cas suivants: (...) 3° Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en application de l'article L. 531-3 ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code applicable à l'espèce : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ;
34. Considérant que M. A... soutient qu'en décidant son placement en rétention administrative, sans apprécier l'opportunité d'une assignation à résidence en application des dispositions précitées de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non de celles de l'article L. 561-2 du même code, le préfet du Rhône ne démontre pas avoir procédé à un examen préalable, réel et sérieux de sa situation ; qu'il ressort de la lecture de l'arrêté litigieux que pour décider de placer M. A... en rétention administrative, le préfet du Rhône constatant que l'intéressé ne justifiait ni de circonstances exceptionnelles, ni de garanties de représentation effectives, a relevé qu'il était, en outre, dépourvu de lieu de résidence permanent et n'établissait pas disposer de moyens d'existence ; que les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision attaquée, de défaut d'examen réel et sérieux de sa situation doivent, par suite, être écartés comme manquants en fait ;
35. Considérant qu'aucun principe général du droit n'interdit la mise en rétention d'un demandeur d'asile, dans l'attente de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'en l'espèce, l'intéressé était dans la situation prévue au 4° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit le placement en rétention administrative de l'étranger qui fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission ou d'une décision d'éloignement exécutoire mentionnée à l'article L. 531-3 du code ; qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes justifiant son assignation à résidence sur le fondement des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des termes de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux décisions de retour, notamment le moyen tiré de ce que la décision de placement en rétention administrative serait dépourvue de base légale en l'absence d'octroi d'un délai de départ volontaire, sont inopérants ; que, par suite, le préfet du Rhône, estimant à bon droit eu égard au comportement de l'intéressé que l'effet utile d'une procédure de retour s'en trouverait compromis, a pu sans entaché sa décision ni d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation, décidé sur le fondement du 4° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de placer M. A... en rétention administrative ;
36. Considérant que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant son placement en rétention, le préfet du Rhône aurait méconnu les dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit le droit au maintien sur le territoire français du demandeur d'asile et dispose qu'aucune mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution avant la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dès lors qu'un placement en rétention n'est pas contraire aux dispositions de l'article L. 742-6 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
37. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés, eu égard à l'absence de garanties de représentation de l'intéressé, et sans que M. A... puisse utilement se prévaloir de la circonstance qu'il " n'a jamais fui ", le préfet du Rhône a pu à bon droit, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation décider de le placer en rétention administrative ;
38. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 8 juillet 2015 par lesquelles il a décidé la reconduite à la frontière de M. A..., en fixant le pays de destination et ordonné son placement en rétention administrative ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... tendant à la condamnation de l'Etat au versement des entiers dépens et à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1506120, en date du 13 juillet 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande et les conclusions de M. A... en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A...et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
N°15LY02869 2