Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 août 2015, Mme B... épouseA..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 juillet 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 27 mars 2015 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à défaut, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de réexaminer sa demande et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
Mme B... épouse A...soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- si le préfet lui avait délivré, dès 2013, la carte de résident de 10 ans à laquelle elle pouvait prétendre en application des articles L. 313-11 4° et L. 314-9 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'aurait pas pu lui opposer un refus ;
- le refus de titre de séjour méconnait l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car, ainsi que le prouve la plainte qu'elle a déposée le 7 mai 2014, elle a été victime de violences conjugales qui l'ont contrainte à quitter le domicile conjugal ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de prendre à son encontre un refus de titre de séjour puisqu'elle était au nombre des étrangers pouvant bénéficier de plein droit d'une carte de résident de 10 ans ;
- le refus de titre de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation car elle était enceinte de sept mois à la date de la décision litigieuse et ne pouvait entreprendre, dans les 30 jours, un voyage vers la Thaïlande et son fils âgé de 11 ans était scolarisé.
Le préfet de la Haute-Savoie, à qui la requête a été régulièrement communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 7 avril 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mai 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
1. Considérant que Mme B... épouseA..., née le 11 avril 1980, de nationalité thaïlandaise, est entrée en France le 13 juin 2009 sous couvert d'un visa long séjour portant la mention " visiteur " ; qu'elle s'est mariée le 27 juin 2009 avec M.A..., de nationalité française ; que cinq cartes de séjour temporaires en qualité de conjoint de français lui ont été délivrées du 4 septembre 2009 au 1er décembre 2014 ; que, le 17 novembre 2014, Mme B... épouse A...a demandé le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par décisions du 27 mars 2015, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que Mme B... épouse A...relève appel du jugement en date du 23 juillet 2015, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 27 mars 2015 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
Sur le refus de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français " ; qu'aux termes de l'article L. 314-9 du même code : " La carte de résident peut être accordée : (...) / 3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition qu'il séjourne régulièrement en France, que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale "." ;
3. Considérant que pour contester le refus de titre de séjour qui lui a été opposé par le préfet de la Haute-Savoie en qualité de conjointe d'un français, Mme B... épouse A...fait valoir qu'elle aurait dû obtenir, dès 2012, une carte de résident en tant que conjoint d'un ressortissant français ; qu'elle doit ainsi être regardée comme soulevant l'exception d'illégalité du refus du préfet de lui avoir délivré une carte de résident en 2012 ; que, toutefois, et alors qu'il n'est pas même établi que l'intéressée aurait demandé, en 2012, à bénéficier d'une telle carte de résident, Mme B... épouse A...ne peut utilement exciper de l'illégalité d'une telle décision à l'encontre de la décision litigieuse, qui ne trouve pas sa base légale dans ce précédent refus ;
4. Considérant que pour refuser le renouvellement du titre de séjour sollicité par Mme B... épouseA..., le préfet de la Haute-Savoie, qui a constaté que l'intéressée résidait à Bons en Chablais, alors que son mari était domicilié... ; que le préfet a également indiqué que si Mme B... épouse A...prétendait avoir quitté le domicile conjugal en raison de violences conjugales, elle ne pouvait, faute d'avoir établi la réalité de ces allégations, obtenir un titre de séjour conformément aux dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la seule pièce produite par Mme B... épouse A...afin de contester cette appréciation portée par le préfet est un procès verbal d'audition de police réalisé le 7 mai 2014, lorsque l'intéressée s'est rendue au commissariat de Bons en Chablais afin de signaler qu'elle avait quitté le jour même le domicile conjugal au motif que la situation de son couple dégénérait, principalement quand son conjoint buvait de l'alcool et qu'il lui parlait mal et l'insultait, qu'il ne l'avait jamais frappée, mais qu'il l'avait bousculée, ce qui l'avait fait tomber à terre ; qu'eu égard tant à la nature de ce document, qui émane des seules déclarations de l'intéressée, qu'à la teneur desdites déclarations, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait inexactement apprécié la situation de l'intéressée en refusant de renouveler son titre de séjour ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que Mme B... épouse A...fait valoir qu'elle vivait régulièrement en France depuis cinq ans lorsque le préfet a refusé de renouveler, le 27 mars 2015, son titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français et qu'elle était hébergée chez sa mère, qui résidait régulièrement en France, avec son fils, né d'une précédente union, venu la rejoindre en France, en octobre 2011, à l'âge de huit ans, où il est depuis lors scolarisé ; que, toutefois, il est constant que la communauté de vie avec son époux avait cessé depuis mai 2014 ; que si Mme B... épouse A...était enceinte, à la date de la décision litigieuse, d'un ressortissant portugais, qui a reconnu de façon prénatale l'enfant à naître en décembre 2014, le couple n'entretenait pas de communauté de vie, le père de l'enfant à naître vivant en Suisse alors qu'elle-même résidait en France ; que si l'intéressée a indiqué, dans sa demande de renouvellement de titre de séjour, qu'elle occupait un emploi en contrat à durée indéterminée depuis mai 2013, il ressort de la déclaration de reconnaissance prénatale qu'elle était sans emploi en décembre 2014 ; qu'enfin, Mme B... épouse A...n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Thaïlande, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans et où résident ses grands parents, son père, son frère et sa soeur ; que, dans ces conditions, malgré la durée de sa présence en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme B... épouse A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le préfet de la Haute-Savoie n'a, ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
7. Considérant que la seule circonstance que le fils aîné de la requérante, âgé de sept ans lors de son arrivée en France, y a été scolarisé pendant trois ans et demi, et que la décision litigieuse le contraindrait à reprendre sa scolarité en Thaïlande, ne suffit pas à démontrer que cette décision méconnaitrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que, par ailleurs, Mme B... épouse A...ne peut utilement invoquer, sur le fondement de ces dispositions, la naissance, postérieurement à cette décision, d'un enfant issu de sa relation avec un ressortissant portugais ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code susvisé auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme B... épouse A...n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour temporaire en application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou une carte de résident en application de l'article L. 314-11 du même code ; que le préfet n'était, dès lors, pas tenu, en application de l'article L. 312-2 de ce code de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
Sur la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
9. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;
10. Considérant qu'en se bornant à faire valoir qu'elle était enceinte de plus de sept mois à la date de la décision litigieuse et qu'elle avait prévu d'accoucher en France, sans produire de documents justifiant de raisons médicales l'empêchant de voyager à ce stade de sa grossesse, Mme B... épouse A...ne justifie pas d'une circonstance exceptionnelle au sens des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; qu'en outre, la seule circonstance que son fils aîné était scolarisé en France ne justifiait pas qu'un délai plus long lui soit accordé pour quitter le territoire français ; qu'ainsi, en lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas commis d' erreur manifeste d'appréciation ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...épouse A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.
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N° 15LY02985
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