Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2014, M. A...D...B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 avril 2014 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure administrative préalable, qu'il avait soulevé dans son mémoire complémentaire.
S'agissant du refus de délivrance de titre de séjour :
- la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 janvier 2016, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que le moyen sur lequel le tribunal administratif aurait prétendument omis de statuer a été articulé après clôture de l'instruction ; que l'incapacité à voyager de l'intéressé n'est pas établie par le seul avis du médecin de l'agence régionale de santé.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à M. B...par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 juillet 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bourrachot, président,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., ressortissant guinéen né le 13 juin 1987, a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 26 novembre 2012, la préfète de la Loire a opposé un refus à M.B..., qui l'a contesté par un recours gracieux, reçu à la préfecture de la Loire le 14 décembre 2012 ; que M. B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de délivrance de titre de séjour et de la décision implicite de rejet née du silence conservé par la préfète de la Loire sur son recours gracieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) " ; que lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant d'une partie à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser ; que s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte, après l'avoir visé et, cette fois, analysé, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ;
3. Considérant que M. B...soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure administrative pour défaut de communication préalable de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et des documents d'ordre général sur lesquels l'autorité administrative a fondé sa décision de refus de délivrance de titre de séjour, qu'il avait soulevé dans son mémoire complémentaire produit le 20 mars 2014 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que ce moyen a été soulevé dans un mémoire complémentaire enregistré par télécopie au greffe du tribunal administratif de Lyon, le 19 mars 2014, et régularisé le lendemain par la production de l'original, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée par ordonnance du magistrat rapporteur au 11 mars 2014 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...n'était pas en mesure de soulever ce moyen, qu'il n'appartient pas au juge de relever d'office, avant la clôture de l'instruction ; que, par suite, en n'examinant pas ce moyen soulevé dans un mémoire parvenu postérieurement à la clôture d'instruction, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une omission à statuer ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. " ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi susvisée du 16 juin 2011 dont elles sont issues, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire ;
6. Considérant qu'il incombe au préfet de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen d'une demande de titre de séjour "vie privée et familiale" présentée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger malade, de disposer d'une information complète sur l'état de santé de l'étranger, y compris sur sa capacité à voyager sans risque à destination du pays dont il a la nationalité ou dans lequel il est légalement admissible ; qu'à cet égard, la circonstance que, depuis l'intervention de l'arrêté susvisé du 9 novembre 2011, le médecin de l'agence régionale de santé n'est pas tenu de se prononcer sur le point de savoir si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays est sans influence sur l'étendue des obligations du préfet ; que la circonstance que le préfet n'assortit pas son refus de délivrance de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français est sans incidence et ne l'exempte pas de son obligation de prendre en compte la capacité de l'étranger à supporter un voyage, dès lors que les dispositions de l'article R. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent à l'étranger à qui il est refusé la délivrance d'un titre de séjour de quitter le territoire français ;
7. Considérant, toutefois, que lorsqu'il est établi que le défaut de prise en charge médicale n'est pas susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressé, ce dernier ne peut utilement invoquer son incapacité à voyager pour obtenir un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'une telle circonstance, à la supposer établie, est seulement susceptible d'être prise en compte par le préfet à l'occasion de l'examen de la possibilité de régulariser la situation administrative de l'intéressé ;
8. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
9. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l 'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction ;
10. Considérant que, pour refuser à M. B...la délivrance du titre de séjour qu'il avait sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Loire s'est fondée sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 17 octobre 2012, selon lequel, si l'état de santé de M. B...nécessite une prise en charge médicale durant vingt-quatre mois et si le traitement requis n'existe pas en Guinée, pays vers lequel son état de santé ne lui permet pas de voyager sans risque, sauf sur avis médical, le défaut de cette prise en charge médicale n'est pas susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressé ;
11. Considérant que les documents produits par M.B..., notamment le certificat médical établi le 4 décembre 2012 par un médecin généraliste, selon lequel M. B...présente un syndrome persécutoire chronique avec possibles bouffées délirantes aigües et passages à l'acte suicidaire et présente un risque de décompensation aigüe en cas de retour en Guinée, ne précisent pas les modalités du suivi mis en place ni le traitement administré ; qu'il ressort seulement des pièces du dossier que M. B...rencontre régulièrement un infirmier de l'équipe mobile psychiatrie précarité du centre hospitalier universitaire de St-Etienne dans le cadre d'un soutien psychologique ; qu'ainsi, les pièces produites au dossier sont insuffisamment circonstanciées pour remettre en cause l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressé en cas de défaut de prise en charge médicale ;
12. Considérant que si M. B...soutient également qu'il ne peut voyager sans risque vers la Guinée, l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 17 octobre 2012 indiquant également qu'il " y a absence de traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé, que son état de santé ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays de renvoi sauf sur avis médical " , une telle circonstance est sans influence sur la légalité du refus de séjour qui lui a été opposé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et les conclusions tendant au remboursement des frais d'instance non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...B..., au préfet de la Loire et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 16 février 2016 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
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N° 14LY02906
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