Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 novembre 2014, Mme A..., représentée par Me C... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 septembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2014 pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans le délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sous le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, en sa qualité de demandeur d'asile, dans le délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers frais et dépens de la présente instance.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation en ce qu'il a omis de statuer sur le moyen opérant tiré du vice de procédure et de la méconnaissance des garanties fondamentales reconnues aux demandeurs d'asile en application des dispositions des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 (remise des formulaires uniformes et entretien préalable confidentiel) et de l'article 29 du règlement n° 603/2013 dit Eurodac ;
- la décision est insuffisamment motivée au titre de l'article 17-1 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier et complet de sa situation ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure en méconnaissance des droits et des garanties accordées aux demandeurs d'asile par les articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 et de l'article 29 du règlement n° 603/2013 dit Eurodac, dès lors qu'elle n'a pas bénéficié d'un entretien individuel et confidentiel auprès des guichets de la préfecture préalablement à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, qu'elle n'a pas été informée de ce que son rendez-vous en préfecture pouvait être accompagné d'un interprète, qu'il ne lui a pas été remis la copie du résumé de l'entretien succinct effectué au guichet, qu'elle n'a pas été mise en possession du formulaire uniforme d'information quant au déroulement de la procédure de réadmission sur le fondement du règlement n° 604/2013 dit Dublin III, ni des voies et délais de recours ; il n'est pas établi qu'elle aurait reçu l'ensemble des informations prévues par les articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 ; la remise des brochures " A " et " B " à l'occasion de la notification du refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile du 18 juin 2014 est tardive ; la procédure étant irrégulière, la décision de réadmission est, par suite, irrégulière ; elle n'a pas reçu les informations concernant l'application du règlement " Eurodac " ce qui la prive d'une garantie essentielle ;
- l'arrêté s'appuie sur des faits erronés ; elle établit avoir quitté le territoire des Etats membres pendant une durée au moins égale à trois mois suite à sa reconduite forcée au Nigéria par les autorités espagnoles ;
- le préfet s'est cru en situation de compétence liée au regard des résultats obtenus à la suite du relevé d'empreinte Eurodac et n'a manifestement pas examiné la possibilité que la France puisse se reconnaître compétente pour examiner sa demande d'asile ; le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas la possibilité de reconnaître la France comme Etat responsable de sa demande d'asile ; le préfet a fait une interprétation restrictive et erronée de l'article 17-1 du règlement n° 604/2013 ; il a porté une atteinte manifestement illégale et grave au droit d'asile de MmeA... ;
- les 2 et 3 de l'article 19 du règlement n° 604/2013 ont été méconnus ; le préfet a omis de procédé aux vérifications utiles auprès des autorités espagnoles quant à ses déclarations relatives à sa reconduite forcée au Nigéria ; il a omis de solliciter des autorités espagnoles la communication de la décision de reconduite à la frontière et des documents liés à l'embarquement en avion au début du mois de décembre 2013 ou de produire les éléments mentionnés au fichier " Dublinet " qui mentionnent l'intervention de cette décision ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des faits et de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- si les deux brochures n'avaient pas été jointes à son courrier portant refus d'admission provisoire au séjour du 18 juin 2014, il appartenait à la requérante de prendre attache avec la préfecture afin d'en avoir la communication ;
- la communication de ces brochures n'étaient pas tardive au sens de l'article 5-2 b) du règlement n°604/2013 ; que l'intéressée a bénéficié d'un entretien lors de sa venue en préfecture le 6 mai 2014 conformément à l'article 5 du règlement et a bien été mise en mesure de fournir toutes les informations pertinentes pour déterminer correctement l'Etat membre responsable avant qu'une décision de transfert éventuelle soit prise conformément à l'article 26§1 puisqu'elle a été invitée par la décision du 18 juin 2015 devenue définitive à présenter des observations dans un délai de 15 jours ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 est inopérant, dès lors que cet article n'était pas entré en vigueur à la date de la décision attaquée ;
- le droit à l'information de Mme A...n'a pas été méconnu ;
- les deux documents produits sont dénués de toute valeur probante et ne suffisent pas à prouver que l'intéressée aurait quitté le territoire des Etats membres pour une durée de plus de 3 mois au sens de l'annexe 2 du règlement d'exécution (UNION EUROPEENNE) n°119/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- ayant obtenu un accord des autorités espagnoles, aucune vérifications auprès de ces autorités n'étaient nécessaires, l'intéressée étant tenue d'apporter la preuve de sa reconduite forcée dans son pays d'origine par les autorités espagnoles ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 2725/2000 du conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
1. Considérant que Mme B...A..., née le 10 août 1988 à Warri Delta, ressortissante du Nigéria, entrée irrégulièrement en France le 28 avril 2014 selon ses dires, a sollicité l'asile le 6 mai 2014 auprès de la préfecture du Rhône ; que le relevé d'empreintes effectué à cette occasion au moyen du système EURODAC, ainsi que le prévoit le règlement CE n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000, a révélé qu'elle avait sollicité l'asile en Espagne le 1er octobre 2008 sous l'identité de Mme D...B... ; que l'Espagne, en réponse à la demande de prise en charge de l'intéressée adressée par les autorités françaises le 3 juin 2014 en application de l'article 18-1-b du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, a fait connaître son accord pour sa réadmission le 13 juin 2014 ; que, par décision du 18 juin 2014, notifié le 30 juin 2014, le préfet du Rhône a refusé de d'admettre provisoirement au séjour Mme A..., et l'a invitée à rejoindre l'Espagne, Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, en précisant qu'au vu des éléments du dossier, il n'était pas apparu opportun de faire application des dispositions de l'article 17-1 et 17-2 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni de régulariser sa situation à titre exceptionnel ; qu'après lui avoir rappelé que la décision de réadmission auprès des autorités espagnoles pouvait être exécutée d'office, le préfet l'a invitée à présenter ses observations dans un délai de quinze jours ; qu'à défaut de réponse, le préfet a estimé que l'intéressée n'avait pas d'observations à formuler et en a conclut qu'elle entrait dans le champ d'application des articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté en date du 1er septembre 2014, le préfet du Rhône a décidé la remise de l'intéressée aux autorités espagnoles et par un arrêté du 23 septembre 2014, l'a assignée à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours ; que Mme A...a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ; que, par la présente requête, elle relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er septembre 2014 décidant sa remise aux autorités espagnoles ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que Mme A...soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation au motif qu'il aurait omis de statuer sur le moyen qui n'est pas inopérant tiré du vice de procédure et de la méconnaissance des garanties fondamentales reconnues aux demandeurs d'asile en application des dispositions des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 (remise des formulaires uniformes et entretien préalable confidentiel) et de l'article 29 du règlement n° 603/2013 dit Eurodac ; que, toutefois, il ressort de la lecture du jugement attaqué que l'intéressée n'a soulevé oralement à l'audience que le moyen tiré de ce que la préfecture ne lui aurait pas remis de formulaire comprenant une information complète sur ces droits et que la remise de ce formulaire aurait été tardive ; qu'il ressort des motifs du jugement, au point 12 de celui-ci, que le magistrat désigné a retenu que " le courrier du préfet du Rhône en date du 18 juin 2014 indique qu'il comportait en pièces jointes " deux brochures en anglais sur les informations pour les demandeurs d'une protection internationale dans le cadre d'une procédure de Dublin en vertu de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 " ; que si lesdites brochures ne figuraient pas dans ce courrier, il appartenait à la requérante de prendre l'attache de la préfecture afin d'en avoir communication ; que ces brochures d'information en anglais lui ont été remises au début du délai de quinze jours par lequel elle a été mise en mesure de présenter des observations, conformément aux dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, les moyens tirés d'un défaut d'information ou d'une information tardive sur ses droits ne peuvent qu'être écartés " ; qu'ainsi, le jugement du tribunal administratif de Lyon n'est pas entaché d'omission à statuer ; que le moyen doit, par suite, être écarté comme manquant en fait ;
Sur la légalité de la décision du préfet du Rhône du 1er septembre 2014 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
3. Considérant que Mme A...soutient, d'une part, que lors du dépôt de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, elle n'a pas été mise en possession du formulaire uniforme d'information concernant le déroulement de la procédure de réadmission sur le fondement du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni des voies et délais de recours relatives au recours suspensif à l'encontre de l'exécution de la mesure de réadmission prévus à l'article 27 de ce règlement, et, d'autre part, que la remise par le préfet des brochures " A " et " B " conformes à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 susvisé à l'occasion de la notification de sa décision de refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile du 18 juin 2014 était tardive ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. " ; qu'aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats. " ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 49 du règlement n° 604/2013 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne. / Il est applicable aux demandes de protection internationale introduites à partir du premier jour du sixième mois suivant son entrée en vigueur et s'appliquera, à compter de cette date, à toute requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de demandeurs, quelle que soit la date à laquelle la demande a été faite. La détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite avant cette date se fait conformément aux critères énoncés dans le règlement (CE) n° 343/2003. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui a été publié au Journal officiel de l'Union européenne le 29 juin 2013, est entré en vigueur le 19 juillet 2013 ; qu'en vertu de ce même article, ce règlement n'est applicable qu'aux demandes de protection internationale introduites à partir du 1er janvier 2014 et s'applique, à compter de cette même date, à toute requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de demandeurs, quelle que soit la date à laquelle la demande a été faite ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). " ; qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit notamment comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: a) le demandeur a pris la fuite; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. " ;
8. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie ; que la délivrance par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constituant pour le demandeur d'asile une garantie, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi du moyen tiré de l'omission ou de l'insuffisance d'une telle information à l'appui de conclusions dirigées contre un refus d'admission au séjour ou une décision de remise, d'apprécier si l'intéressé a été, en l'espèce, privé de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ;
9. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'administration a satisfait à l'obligation qui lui incombe en application des dispositions précitées ; que, dans un premier temps, seul le préfet est en mesure d'apporter les éléments relatifs à la délivrance d'une information écrite au demandeur ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...a sollicité son admission provisoire au séjour en France en qualité de demandeur d'asile le 6 mai 2014 ; qu'elle a reçu à cette occasion le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires ainsi qu'en atteste le formulaire de demande d'admission au séjour au titre de l'asile signé par l'intéressée et déposé à cette même date à la préfecture du Rhône ; que le préfet du Rhône fait valoir en défense que Mme A...a bénéficié d'un entretien préalable et que lors du refus d'autorisation provisoire au séjour, elle a été invitée à présenter ses observations dans un délai de quinze jours, ce qu'elle n'a pas fait ; que, toutefois, le formulaire intitulé " Guide du demandeur d'asile 2011 " qu'elle soutient s'être vu remettre, à l'occasion de sa demande, ne comportait aucune des mentions exigées par les articles 4, 5 et 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que Mme A...aurait par ailleurs bénéficié de telles informations avant la notification de la décision refusant son admission provisoire au séjour au titre de l'asile ; que cette omission est confirmée par la circonstance que les brochures " A " et " B " conformes à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 susvisé ne lui ont été remises qu'à l'occasion de la notification de la décision de refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile du 18 juin 2014 et non préalablement à l'édiction de cette dernière ; que cette fourniture tardive desdites brochures, alors que le refus d'admission provisoire au séjour, qui les accompagnait, précisait qu'aucun élément ne justifiait l'application de l'article 17-1 ou 17-2 du règlement n° 604/2014 du 26 juin 2013 et n'invitait l'intéressée à présenter des observations que sur l'exécution forcée de la décision de remise et non sur la pertinence du choix de l'Etat responsable, a été de nature à priver effectivement l'intéressée de la garantie prévue par les dispositions précitées ; que, par suite, l'arrêté du 1er septembre 2014 ordonnant sa remise aux autorités espagnoles est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et est, pour ce motif, entaché d'illégalité ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er septembre 2014 par laquelle le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités espagnoles ;
Sur les conclusions de Mme A...aux fins d'injonction :
12. Considérant que le présent arrêt qui annule sur le fondement du vice de procédure la décision ordonnant la remise de Mme A...aux autorités espagnoles n'implique pas, en lui-même, que soit délivrée à Mme A...une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile ; qu'il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder au réexamen de la situation de Mme A...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les dépens :
13. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties.(... ) " ;
14. Considérant que Mme A...ne fait valoir aucun frais compris dans les dépens ; que, dès lors, ses conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à MeC..., conseil de MmeA..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1407383-1407384 du 26 septembre 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il rejète les conclusions présentées par Mme A...à l'encontre de l'arrêté du 1er septembre 2014 par lequel le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités espagnoles.
Article 2 : L'arrêté susmentionné du préfet du Rhône en date du 1er septembre 2014 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me C...la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressé au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 février 2016 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
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N° 14LY03611