Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2017, M. et Mme A...D..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 mai 2017 ;
2°) de les décharger de ces impositions et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer ;
- la procédure d'imposition est irrégulière au regard de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales ;
- les informations recueillies auprès d'un tiers à la suite de l'exercice du droit de communication n'ont pas été corroborées ;
- la procédure d'imposition est irrégulière par violation des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'ensemble des conditions sont remplies au titre des années en litige et, par suite, le bénéfice du dispositif visé à l'article 199 undecies B du code général des impôts tel qu'interprété par la doctrine administrative, qui ajoute à la loi, devait s'appliquer ;
- le Gouvernement et l'administration fiscale ont illégalement ajouté des conditions non prévues par le code général des impôts ;
- l'administration fiscale a violé les principes de sécurité juridique et de confiance légitime et l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'administration fiscale a violé le principe de non-discrimination reconnu en application combinée de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ont été violés l'exigence d'accessibilité et de prévisibilité de la loi et l'objectif conventionnel d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme prévu par l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'imputation du crédit d'impôt doit être reportée sur l'année 2010 compte-tenu des attestations qu'ils produisent.
Par une ordonnance du 12 octobre 2017, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a décidé de ne pas transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme D... à l'encontre des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur en 2009 et 2010.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut eu non-lieu à statuer partiel et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Le ministre fait valoir que l''administration a prononcé un dégrèvement d'impôt sur le revenu d'un montant de 35 923 euros au titre de l'année 2010, et d'un montant de 6 953 euros au titre de l'année 2011, mais que les autres moyens de la requête ne sont pas fondés et que le bénéfice de la réduction d'impôt pour la fraction qui excède le prix d'acquisition considéré comme normal ne leur est pas accordé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience .
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure ;
- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D... ont imputé sur leur impôt sur le revenu des années 2009 et 2010, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt, résultant d'investissements productifs réalisés en Outre-mer par les sociétés en nom collectif SUNERNERGY 016, SUNERNERGY 017 et SUNERNERGY 018, en 2009 et les sociétés en nom collectif SUNLUX 10, SUNLUX 11 et SUNLUX 12, en 2010, dont ils sont associés, consistant en l'acquisition de panneaux photovoltaïques. A la suite d'un contrôle sur pièces, ces réductions d'impôt ont été remises en cause par l'administration fiscale au motif que les panneaux photovoltaïques n'ayant ni reçu d'attestation de conformité à la réglementation en vigueur, ni été raccordés au réseau électrique avant la fin des années 2009 et 2010, ils ne pouvaient ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de ces années. M. et Mme D... ont demandé au tribunal, directement et par une réclamation soumise d'office, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes. Ils relèvent appel du jugement du 18 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande et leur réclamation transmise d'office.
Sur l'étendue du litige :
2. Pour la première fois en appel, M. et Mme D... ont présenté une argumentation subsidiaire en faisant valoir que les SNC Sunenergy 016, 017 et 018 ont, en tout état de cause, rempli les conditions ouvrant droit au bénéfice de la réduction au cours de l'année 2010, et qu'ils étaient en droit d'y prétendre à tout le moins au titre de cette année là. L'administration a fait droit, dans son mémoire en défense, à cette demande. Ainsi, par une décision en date du 8 janvier 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a prononcé un dégrèvement en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 35 923 euros au titre de l'année 2010, et d'un montant de 6 953 euros au titre de l'année 2011. Les conclusions de la requête de M. et Mme D... relatives à l'imposition établie au titre de l'année 2010 sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Il n'y a en revanche pas lieu, dans la présente instance, de tenir compte du second dégrèvement, l'imposition établie au titre de l'année 2011 n'étant pas en litige devant la Cour.
3. Le dégrèvement prononcé par l'administration n'est que partiel, dans la mesure où l'administration a considéré que les amortissements pratiqués par ces sociétés étaient excessifs. En effet, à la suite d'une vérification de comptabilité de leur fournisseur, la société Sfer, l'administration a remis en cause, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, le prix d'acquisition des centrales photovoltaïques par les SNC Sunenergy, après que l'exercice d'un droit de communication auprès de cinq autres fournisseurs d'installations comparables commercialisées à La Réunion a permis de constater une surfacturation du prix des centrales photovoltaïques. Il résulte de ce qui précède qu'à la date du présent arrêt, les rectifications procèdent, pour l'année 2009, du défaut de raccordement des SNC Sunenergy 016, 017 et 018, et, pour l'année 2010 du défaut de raccordement des SNC Sunlux 10, 11 et 12, partiellement compensé par le bénéfice de la réduction due au titre de cette même année à raison du raccordement des SNC Sunenergy.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Le jugement attaqué a écarté le moyen tiré de la violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les premiers juges n'étaient pas tenus d'écarter un à un tous les arguments invoqués à l'appui de ce moyen. Le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une omission à statuer doit être écarté.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. M. et Mme D... ont, dans leur requête introductive d'instance, contesté la régularité de la procédure d'imposition qui a conduit aux rectifications contestées. Ils n'ont pas répliqué au mémoire en défense par lequel l'administration n'a que partiellement fait droit à leur argumentation subsidiaire en limitant le bénéfice de la réduction d'impôt accordée au titre des investissements réalisés parles sociétés Sunenergy, et n'ont articulé aucune critique ni contre la compensation ainsi opérée par l'administration, ni contre le montant limité des dégrèvements, ni contre la procédure à l'issue de laquelle l'administration a été en mesure de déterminer et de leur opposer, au stade contentieux, un prix qualifié de " normal " des installations acquises. Leur critique de la régularité de la procédure d'imposition, tirée de la méconnaissance de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, de ce que les informations recueillies auprès d'un tiers n'auraient pas été corroborées après l'exercice du droit de communication et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, qui reprend celle qu'ils ont déjà développée en première instance, doit être écartée par adoption des motifs retenus pas les premiers juges.
Sur le bien-fondé des impositions :
6. Aux termes du premier alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. ". Aux termes du vingtième alinéa du même article : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. (...). ". Aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code dans sa rédaction applicable : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...). ".
7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions accessibles, claires, intelligibles et prévisibles au regard des objectifs de l'article 1er du premier protocole additionnel à la conventions européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en nom collectif en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir était celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date. Le raccordement des installations est nécessaire pour une exploitation effective de ces installations, dès lors qu'il n'est pas contesté que l'électricité produite n'avait pas vocation à être consommée et stockée par les sociétés exploitantes. Il est constant que ce raccordement n'est intervenu qu'au cours de l'année 2010 s'agissant des investissements réalisés par les sociétés en nom collectif Sunernergy 016, Sunernergy 017 et Sunernergy 018 et qu'ils n'ont pas été raccordés au réseau électrique avant la fin de l'années 2010 s'agissant des investissements réalisés par les sociétés en nom collectif Sunlux 10, Sunlux 11 et Sunlux 12.
8. Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".
9. Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations. Par ailleurs, si ces stipulations ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant de lois en vigueur, ayant le caractère d'un bien au sens de ces stipulations, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier.
10. Si les dispositions du II de l'article 16 de la loi du 27 mai 2009 prévoyaient que le dispositif de l'avantage fiscal est applicable aux investissements réalisés entre le 29 mai 2009 et le 31 décembre 2017, le législateur ne peut être regardé comme ayant fixé, dès l'entrée en vigueur de ces dispositions, la période durant laquelle il était possible d'escompter bénéficier de cet avantage, dans la mesure où la réduction d'impôt y afférente n'est pas calculée au regard de l'ensemble de cette période ainsi prédéterminée mais est évaluée annuellement en fonction des investissements réalisés au cours de l'année d'imposition. Au surplus, la suppression envisagée du dispositif avait été rendue largement publique le 29 septembre 2010, date de présentation du projet de loi de finances pour 2011 en conseil des ministres et de dépôt dudit projet sur le bureau de l'Assemblée nationale. Dès lors, les contribuables ne pouvaient faire état de l'espérance légitime de bénéficier de la réduction d'impôt prévue par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts susceptible d'être regardée comme un bien au sens des stipulations précitées. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'article 36 de la loi du 29 décembre 2010 est incompatible avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ".
12. Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts de la loi.
13. Les requérants soutiennent que les dispositions de l'article 36 de la loi du 29 décembre 2010 conduisent à une différence de traitement injustifiée entre, d'une part, les investisseurs ayant souscrit des parts avant le 29 septembre 2010 et ceux ayant souscrit des parts après cette date et, d'autre part, entre les investisseurs de sociétés en participation et les investisseurs de sociétés en nom collectif et qu'elles entraînent ainsi une discrimination prohibée par les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel susmentionné. Il résulte cependant de ce qui a été dit précédemment que les faits invoqués par les requérants n'entrent pas dans le champ de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les requérants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à invoquer la violation des stipulations de l'article 14 de cette convention combinées avec celles de ce dernier article.
14. Au surplus, si les requérants invoquent, de manière théorique, la violation des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ils n'apportent aucune précision sur les effets des dispositions du II de l'article 16 de la loi du 27 mai 2009 et de l'article 36 de la loi du 29 décembre 2010 sur l'imposition qui leur a été assignée au titre de l'année 2009.
15. Les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, qui sont au nombre des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
16. Les autres moyens susvisés tirés de l'application du livre des procédures fiscales, du code général des impôts et du bénéfice de la doctrine administrative invoquée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ont été écartés à bon droit par le jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ces différents points.
17. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leur demande.
Sur les frais non compris dans les dépens :
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme la partie perdante dans la présente instance, une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance exposés par M. et Mme D... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme D... à concurrence d'une somme de 35 923 euros.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme D... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... D...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme B..., première conseillère,
MmeE..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 mai 2018.
2
N° 17LY02739
ld