Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 octobre 2018, M. B..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon du 2 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 août 2018 par lequel le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités italiennes, ainsi que l'arrêté du 20 septembre 2018 par lequel il l'a assigné à résidence ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- la décision de transfert litigieuse méconnait l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors que les informations qui devaient lui être remises ne l'ont pas été dès le jour où un rendez-vous lui a été donné pour le dépôt effectif de sa demande d'asile ;
- c'est l'Allemagne et non l'Italie qui était l'Etat membre responsable au sens du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la décision d'assignation à résidence est illégale car elle repose sur une décision de transfert illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2019, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le requérant ne démontre pas en quoi son état de santé justifiait l'examen de sa demande d'asile en France ;
- il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en 1983 et de nationalité togolaise, déclare être entré en France en 2018, où il a présenté une demande d'asile le 20 juillet 2018. Par arrêté du 28 août 2018, le préfet du Rhône, après avoir sollicité les autorités italiennes et allemandes et considéré que les autorités italiennes devaient être regardées comme responsables de la demande d'asile de M. B..., a décidé de la remise de M. B... aux autorités italiennes. Par un arrêté du 20 septembre 2018, la même autorité a décidé de l'assigner à résidence dans le département du Rhône pour une durée de quarante-cinq jours. Ces deux arrêtés ont été notifiés à M. B... le 20 septembre 2018. M. B... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ". Aux termes de l'article 18 du même règlement : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les empreintes décadactylaires de M. B... ont été relevées en Italie le 26 septembre 2014 et en Allemagne le 11 août 2016, pays dans lesquels il a déposé une demande d'asile et, d'autre part, que l'Allemagne, après avoir enregistré la demande d'asile de M. B..., l'a examinée et rejetée, M. B... ayant demandé en vain l'annulation de cette décision devant le juge administratif allemand. L'Allemagne ayant ainsi, comme l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précité l'y autorisait, accepté d'enregistrer et d'examiner la demande d'asile de M. B..., alors même qu'elle aurait pu, en application des dispositions de l'article 18 précité dudit règlement, former une demande de reprise en charge auprès des autorités italiennes et prendre, le cas échéant, une décision de transfert vers l'Italie, cette décision a eu pour conséquence de faire cesser la responsabilité de l'Italie qui découlait de l'enregistrement de la demande d'asile de M. B... en 2014. Ainsi, le moyen tiré de ce que la première demande d'asile formée par M. B... en Italie ne pouvait plus servir de fondement à une décision de transfert doit être accueilli. Cette décision est, par suite, illégale ainsi que, par voie de conséquence, la décision d'assignation à résidence de M. B... prise sur son fondement.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate déléguée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Bescou, avocat de M. B..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Bescou renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 28 août 2018 par lequel le préfet du Rhône a décidé la remise de M. B... aux autorités italiennes, ainsi que l'arrêté du 20 septembre 2018 par lequel il l'a assigné à résidence sont annulés, ainsi que le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon du 2 octobre 2018.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Bescou au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Bescou renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au préfet du Rhône, à Me Bescou et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique le 25 juin 2019.
2
N° 18LY03857
ld