Par un jugement nos 2100650-2100651 du 2 février 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a joint et rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 mars 2021, M. B..., représenté par Me Albertin, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 février 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ardèche du 28 janvier 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le Maroc comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Ardèche du 28 janvier 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le Maroc comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le Maroc comme pays de destination de cette mesure d'éloignement méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation et n'ont pas été précédées d'un examen de sa situation personnelle ;
- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 avril 2021.
Par une ordonnance du 8 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
- et les observations de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 2 février 2021 en ce qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ardèche du 28 janvier 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le Maroc comme pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
3. M. B..., ressortissant marocain né le 7 octobre 1985, est entré, selon ses déclarations, au cours de l'année 2013 sur le territoire français, où il a épousé, le 6 juin 2015, une compatriote, résidant en France depuis 2005 et titulaire d'une carte de résident. Deux enfants sont nés de leur mariage, en 2016 et 2019. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des différentes pièces établies à leur adresse commune, que le couple entretient une communauté de vie, à tout le moins depuis 2016 et qui, sans que cela ne soit contesté, n'avait pas cessé à la date de l'arrêté en litige. Dans ces circonstances, et alors même que M. B... relève de l'une des catégories d'étrangers susceptibles de bénéficier du regroupement familial, qu'il était alors titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités espagnoles et qu'il a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 23 décembre 2019, il est fondé à soutenir que, par l'arrêté en litige, le préfet de l'Ardèche a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ardèche du 28 janvier 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le Maroc comme pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Albertin, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat le versement à ce dernier d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 2 février 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ardèche du 28 janvier 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le Maroc comme pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Article 2 : Les décisions du préfet de l'Ardèche du 28 janvier 2021 faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai et fixant le Maroc comme pays de destination de cette mesure d'éloignement sont annulées.
Article 3 : L'Etat versera à Me Albertin une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N°21LY00683