Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2014, le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 juin 2014 en tant qu'il a annulé la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour de Mme B... A...et qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de fait en annulant à tort une décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour, alors qu'il a pris en 2011 une décision expresse de refus :
- la demande dirigée contre cette décision est tardive ;
- la décision en litige n'est pas entachée d'incompétence ;
- elle est suffisamment motivée ;
- elle n'est entachée ni de vice de procédure, ni d'erreur de droit ;
- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2015, Mme C...B...A..., représentée par Me D...B..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune erreur de fait ;
- le préfet de la Haute-Savoie ne critique pas utilement ce jugement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Drouet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 26 juin 2014 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a annulé une décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour de Mme B...A...et qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2. Considérant qu'il est constant que Mme B...A...a saisi le préfet de la Haute-Savoie, le 23 octobre 2009, d'une demande de titre de séjour et qu'elle a complété son dossier de demande par un courrier de son conseil du 13 avril 2010 ; que, par arrêté du 22 février 2011, le préfet de la Haute-Savoie a rejeté cette demande ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...)" ; que selon l'article 5 de cette même loi : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. " ;
4. Considérant que si le silence gardé par l'administration sur une demande fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979, se substitue à la première décision ; qu'il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent ;
5. Considérant qu'il suit de là, d'une part, que la demande de Mme B...A..., tendant à l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par le préfet de la Haute -Savoie sur sa demande de titre de séjour doit être regardée comme dirigée contre la décision explicite du 22 février 2011 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a confirmé ce rejet, et, d'autre part, que cette décision dûment motivée s'étant substituée à la décision implicite initialement intervenue, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision implicite en méconnaissance des dispositions de l'article 5 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, ne peut qu'être écarté ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande d'annulation de la décision implicite de refus de titre de séjour au motif que le préfet n'avait pas communiqué à Mme B...A...les motifs de cette décision implicite dans le délai d'un mois prévu par les dispositions de l'article 5 de ladite loi ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...A...devant le tribunal administratif de Grenoble à l'encontre du refus de titre de séjour ;
7. Considérant, en premier lieu, que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
8. Considérant que Mme B...A..., née le 31 octobre 1979 et de nationalité cap-verdienne, fait valoir qu'elle vit en France depuis 1999 et que ses deux enfants sont nés dans ce pays respectivement en 2000 et en 2009 ; que, toutefois, il n'est pas contesté que son aîné a été confié dès sa naissance à sa tante qui réside en région parisienne et qui l'élève depuis lors ; que l'intéressée n'établit sa présence en France que depuis 2009 ; que la décision du 22 février 2011 de refus de titre en litige n'aura pas pour effet de séparer Mme B...A...de son aîné qui vit déjà séparé d'elle et ne fait pas obstacle à ce que son enfant né en 2009 l'accompagne en cas de retour dans son pays d'origine ; que le préfet soutient sans être contredit sur ce point par l'intéressée que les membres de sa famille vivent pour la plupart au Cap-Vert ; que, dans ces conditions et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de délivrer un titre de séjour à la requérante ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et ne méconnaît pas ainsi les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la décision contestée n'apparaît pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de Mme B...A... ;
9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. / (...) " ; que selon l'article R. 312-2 dudit code : " Le préfet ou, à Paris, le préfet de police saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-8, quatrième alinéa, L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. / La commission est également saisie dans les cas prévus aux articles L. 313-14 et L. 431-3. / (...) " ; que le deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du même code dispose : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ; que Mme B...A...ne justifiant pas résider en France habituellement depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée et ne remplissant pas les conditions pour obtenir un titre de séjour, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 8, le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant d'opposer un refus à sa demande de titre de séjour ;
10. Considérant qu'il résulte tout de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour de Mme B...A..., lui a enjoint de réexaminer la demande et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le préfet est dès lors fondé à demander, dans cette mesure, l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de première instance ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'intimée devant la Cour au titre de ses frais non compris dans les dépens doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 5 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 juin 2014 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme B...A...devant le tribunal administratif de Grenoble auxquelles il a été fait droit par les articles 2, 3 et 5 du jugement du 26 juin 2014 et ses conclusions d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 février 2016.
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N° 14LY02861
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