Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 juin 2016 le syndicat départemental d'énergie de la Savoie, représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 avril 2016 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme F... ;
3°) de mettre à charge de M me G... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le syndicat s'est transformé et développé fortement à compter de 2011, ce qui l'a conduit à recruter M. E... en qualité de directeur durant le congé pour longue maladie dont a bénéficié Mme G... entre le mois de juin 2010 et le mois de février 2012 ;
- Mme G...a entretenu des relations conflictuelles avec M. E... du fait qu'elle n'acceptait pas qu'il soit son supérieur hiérarchique ;
- la saisine du comité médical est intervenue en raison des nombreux congés médicaux de Mme G..., pouvant laisser supposer que son état de santé n'était pas compatible avec les fonctions qui lui étaient dévolues ;
- le directeur pouvait lui refuser une formation pour des motifs tirés des nécessités de service ;
- le dénigrement du travail de Mme G... n'est attesté que par une personne qui lui est proche et les propos argués de dénigrement ne sont pas précisés ;
- les tâches qui ont été confiées à Mme G... correspondaient à ce qui relevait de sa fiche de poste, compte-tenu du mi-temps thérapeutique avec une durée hebdomadaire de travail de 18 heures 30 ;
- les compétences professionnelles de Mme G... n'ont pas été mises en cause devant le comité médical ;
- l'avancement d'échelon en 2012 au maximum de durée d'échelon est lié aux difficultés professionnelles de Mme G... ;
- la surveillance particulière dont Mme G... soutient avoir fait l'objet n'est pas établie ;
- la réalité du caractère flou ou contradictoire des instructions reçues n'est pas établi ;
- le refus d'accorder la protection fonctionnelle est fondé en absence de présomption de harcèlement moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2017 Mme G..., représentée par Me Laugier, avocate, conclut au rejet de la requête et à la condamnation du syndicat départemental d'énergie de la Savoie à lui verser une indemnité de 25 000 euros en réparation de ses préjudices ou, à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation du syndicat à lui verser 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé et qu'il convient de réévaluer l'indemnisation du préjudice subi du refus de la protection fonctionnelle et du harcèlement moral subi.
L'instruction a été close le 21 juin 2017 à 16 heures 30 par une ordonnance du 9 mai 2017 prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Clément, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public.
1. Considérant que par sa requête susvisée, le syndicat départemental d'énergie de la Savoie relève appel du jugement du 27 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé la décision de son président du 24 octobre 2013 refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle à Mme G... et, d'autre part, l'a condamné à payer à cette dernière une somme de 8 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont le tribunal a considéré qu'elle avait été victime à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ;
2. Considérant que Mme G..., attachée d'administration territoriale, qui exerçait les fonctions de secrétaire générale du syndicat départemental d'électricité de la Savoie depuis 1996, a bénéficié d'un congé pour longue maladie entre le mois de juin 2010 et le 1er février 2012, à l'issue duquel elle a repris son activité en mi-temps thérapeutique en qualité de responsable du pôle administratif et financier du syndicat, sous l'autorité d'un directeur recruté en son absence ;
3. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 11 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. " ; que selon l'article 6 quinquies de la même loi dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public." ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que l'existence de faits de harcèlement doit s'apprécier au vu de ces échanges contradictoires ;
4. Considérant que la fiche de poste établie pour Mme G... lors de sa reprise de fonction ne démontre pas que lui auraient été attribuées des missions ne correspondant pas à son grade, ni que les tâches qui lui ont été dévolues seraient excessives au regard de la durée de travail hebdomadaire qu'elle devait effectuer dans le cadre de son mi-temps thérapeutique qui, compte-tenu de la durée hebdomadaire de travail en vigueur au syndicat départemental d'énergie de la Savoie, était fixée à 18 heures 15 par semaine ;
5. Considérant que la circonstance que Mme G... n'a bénéficié que d'un avancement d'échelon à la durée maximale en 2012 alors que son employeur soutient, sans être sérieusement contredit, qu'elle avait des difficultés à accomplir les tâches qui lui incombaient ne peut être regardée comme procédant de la volonté de la harceler ;
6. Considérant que les attestations de certaines de ses collègues de travail produites par Mme G..., si elles font état de doléances en ce qui concerne les méthodes de travail du directeur du SDES et, si elles rapportent que ce dernier a parfois émis des critiques sur le travail qu'elle avait effectué avant son congé de longue maladie, ne sont pas suffisamment circonstanciées pour permettre de considérer que, comme l'affirme l'intéressée, il aurait systématiquement dénigré la manière dont elle s'était acquittée de ses fonctions ;
7. Considérant que la saisine du comité médical par le syndicat départemental d'énergie de la Savoie afin de déterminer si les difficultés éprouvées par Mme G... dans la réalisation des tâches qui lui étaient confiées pouvaient être liées à son état santé alors qu'elle bénéficiait d'un mi-temps thérapeutique et que sa fragilité psychologique avait été soulignée par les avis médicaux ne peut être regardée comme résultant d'une volonté de nuire à Mme G... ;
8. Considérant, enfin, que le compte-rendu de l'entretien qui s'est déroulé le 3 août 2012 entre M. Clerc, président du SDES, M. D..., vice-président du SDES, Mme G... et M. A..., représentant du syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales, s'il fait état de griefs à l'encontre du supérieur hiérarchique de Mme G..., tenant au dénigrement ou à la surveillance particulière dont elle aurait fait l'objet et aux instructions floues ou contradictoires qui lui auraient été données, ne fait que reprendre les propos de l'intéressée et ne peut être regardé comme en démontrant l'exactitude ;
9. Considérant que les faits et circonstances rappelés aux points 4 à 8 qui, pris isolément, ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, ne sont pas davantage, considérés dans leur ensemble, de nature à laisser raisonnablement présumer l'existence d'un tel harcèlement ; que dans ces conditions, le président du syndicat départemental d'énergie de la Savoie a pu légalement refuser d'accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à Mme G... ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le syndicat départemental d'énergie de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 27 octobre 2013 de son président et l'a condamné à indemniser Mme G... des conséquences d'un prétendu harcèlement moral ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Grenoble, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident qu'elle a présentées devant la cour ;
11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais d'instance ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1306948 du 27 avril 2016 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Grenoble, ainsi que ses conclusions d'appel incident, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par le syndicat départemental d'énergie de la Savoie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat départemental d'énergie de la Savoie et à Mme C...G....
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Hervé Drouet, président assesseur,
M. Marc Clément, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mai 2018.
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N° 16LY02182
mg