2°) d'enjoindre à la caisse nationale de retraite des agents de collectivités locales de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de la caisse des dépôts et consignations la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de renoncer à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que la décision du directeur de la CNRACL et le jugement du tribunal administratif de Grenoble sont entachés d'une erreur d'appréciation sur son aptitude à reprendre des fonctions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2019 la caisse des dépôts et consignations conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
la requête est irrecevable car s'agissant d'un litige en matière de pension, le tribunal administratif de Grenoble statue en premier et dernier ressort et son jugement ne peut faire l'objet que d'un recours en cassation ;
les moyens soulevés par ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;
le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
* et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 20 octobre 1957, employée en qualité d'adjoint administratif de première classe par le centre communal d'action sociale de Bourgoin-Jallieu depuis 1985, a été placée en arrêt de travail à partir du 18 janvier 2010 en raison d'une " symptomatologie polymorphe ", puis en disponibilité d'office à compter du 18 janvier 2011 et n'a depuis lors jamais repris le travail. Par une décision du 16 juillet 2014 le directeur de la Caisse nationale de retraite des agents de collectivités locales (CNRACL) a émis un avis conforme défavorable à sa mise à la retraite pour invalidité. Mme A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 janvier 2017 qui a rejeté sa demande d'annulation de cette dernière décision.
Sur la compétence du juge d'appel :
2. Le litige dont Mme A...a saisi le tribunal administratif de Grenoble a pour seul objet de déterminer si elle peut, ou non, être admise à la retraite pour invalidité, et ne se rapporte pas au droit à pension au sens des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Il suit de là que la Caisse des dépôts et consignations n'est pas fondée à faire valoir que le jugement attaqué n'est pas susceptible d'appel mais seulement d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.
Sur le fond :
3. Le décret du 26 décembre 2003 dispose, en son article 30, que : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande " et, en son l'article 31, que : " (...) / Le pouvoir de décision appartient (...) à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre d'une polypathologie complexe, dont une encéphalopathie myalgique, qui provoque des douleurs nombreuses, un handicap moteur, une extrême fatigabilité et des difficultés d'attention et de concentration.
5. Par un avis du 19 septembre 2013 la commission de réforme s'est prononcée en faveur de la prolongation de la disponibilité d'office de MmeA..., tout en précisant qu'elle était totalement et définitivement inapte à toutes fonctions. Le comité médical, dans un avis du 25 octobre 2013, a également considéré qu'elle était totalement et définitivement inapte à toutes fonctions. Sur demande de ce comité, Mme A... a été examinée par le Dr H...qui a conclu, dans son rapport du 6 novembre 2013, à une " inaptitude totale et définitive aux fonctions, avec impossibilité de reclassement ".
6. Pour refuser d'admettre Mme A...à la retraite pour invalidité, le directeur de la CNRACL s'est fondé sur les conclusions du Professeur Malicier qu'il a chargé d'examiner l'intéressée, lequel a conclu, dans son rapport du 4 juillet 2014, que " les pathologies invoquées ne rendent pas l'agent inapte, de manière absolue et définitive, à l'exercice de ses fonctions ", sans toutefois évoquer le syndrome d'encéphalopathie myalgique pourtant reconnu par l'ensemble des médecins qui l'ont examinée.
7. Les conclusions du Professeur Malicier sont confirmées par le rapport établi le 24 juin 2015 par le docteurG..., désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, selon lequel Mme A..." (...) n'est pas dans l'incapacité définitive et absolue en regard de toute activité professionnelle. Elle l'est en regard de son activité professionnelle antérieure qui nécessite la moitié du temps la frappe à l'ordinateur. Un reclassement est possible et pourrait être proposé (...) pour une reprise " d'activité professionnelle à temps partiel (mi-temps), sur un poste qui pourrait lui autoriser de se lever toutes les heures pour se dégourdir, à condition qu'elle n'utilise pas d'ordinateur au-delà de période d'un quart d'heure, et qu'elle n'ait pas à faire d'effort prolongé ou de geste répétitif. Les facultés de concentration et de mémorisation semblent affectées et ceci devra être pris en compte dans le cahier des charges. ".
8. Si les différents praticiens qui l'ont examinée s'accordent, pour l'essentiel, sur les nombreuses pathologies dont souffre MmeA..., les avis relatifs à son aptitude émis par le professeur Malicier et le docteur G...sont contredits par plusieurs rapports médicaux très circonstanciés et, notamment, outre celui précité du DrH..., celui du docteur B...qui, après avoir examiné la requérante le 5 mars 2015 à la demande du CCAS de Bourgoin-Jallieu, a été d'avis que " tout travail est impossible pour cet agent bien qu'elle n'effectue pas de travaux physiques intenses, du fait de son extrême fatigabilité, de l'intensité de ses douleurs qui l'empêchent de rester assise de façon prolongée et de ses difficultés d'attention et de concentration, qui à elles seules sont incompatibles avec tout travail ".
9. En outre, sont produits pour la première fois en appel, le rapport du docteur D...qui, après avoir examiné Mme A...le 9 janvier 2017, a constaté qu'un " reclassement limitant le travail sur ordinateur chez un administratif de plus avec activité limitée à un temps partiel est tout à fait illusoire et en contradiction totale avec un agent administratif titulaire. " et que cette dernière " est définitivement inapte à son activité d'agent administratif, et à toute activité en reclassement. Elle relève d'une mise à la retraite par voie d'inaptitude ", ainsi qu'un nouvel avis du docteurB..., qui a examiné la requérante le 20 janvier 2018, et maintient ses précédentes conclusions en considérant que " l'état de fatigue présenté par Mme A..., ses algies diffuses et multiples, la rendent inapte totalement et définitivement à ses fonctions et à toutes fonctions ". Ces derniers rapports, bien que rédigés postérieurement au jugement attaqué, peuvent être pris en considération dans la mesure où ils permettent d'établir que les pathologies dont Mme A...était atteinte à la date de la décision en litige ne sont pas susceptibles d'évoluer favorablement.
10. L'ensemble des éléments médicaux qui viennent d'être rappelés doit conduire à considérer qu'en admettant même que MmeA..., qui a cessé toute activité professionnelle depuis 2010, puisse effectuer un petit nombre de tâches en rapport avec l'emploi qu'elle occupait précédemment, les multiples affections physiques et psychologiques dont elle souffre, qui n'ont pas connu d'évolution notable depuis plusieurs années, son extrême fatigabilité et ses difficultés de concentration, doivent la faire regarder comme définitivement inapte à l'exercice des fonctions qui étaient les siennes. Eu égard, en outre, au caractère très limité des tâches qui seraient susceptibles de lui être confiées, il y a également lieu de considérer que les pathologies dont elle est atteinte la rendent totalement et définitivement inapte à toutes fonctions, même en reclassement.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a refusé d'annuler la décision du 16 juillet 2014 par laquelle le directeur de la CNRACL a émis un avis conforme défavorable à sa mise à la retraite pour invalidité.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. L'article L. 911-2 du code de justice administrative dispose : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
13. Compte tenu des motifs du présent arrêt, il y a lieu de faire droit aux conclusions de Mme A... tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur à la CNRACL de se prononcer à nouveau sur sa mise à la retraite pour invalidité. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de prescrire cette mesure dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
14. Mme A... bénéficiant de l'aide juridictionnelle ne peut se prévaloir de l'application des dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, ses conclusions tendant à ce que soit mise à charge de la caisse des dépôts et consignations une somme à ce titre, doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1407648 du tribunal administratif de Grenoble du 24 janvier 2017, en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme A..., ainsi que l'avis conforme du 16 juillet 2014 de la Caisse nationale de retraite des agents de collectivités locales sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au directeur de la Caisse nationale de retraite des agents de collectivités locales de réexaminer dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt la demande de mise à la retraite de Mme A... sur le fondement de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4
: Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à Me E...et à la caisse des dépôts et consignations. Copie en sera adressée au CCAS de Bourgoin-Jallieu
Délibéré après l'audience du 1er avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente assesseure,
M. Pierre Thierry premier conseiller,
Lu en audience publique, le 2 mai 2019.
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N° 17LY02575