Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 27 juin 2016 sous le n° 16LY02135 Mme D... B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 avril 2016 ;
2°) d'annuler la décision en litige du 14 janvier 2015 ;
3°) de condamner l'EHPAD " Les Mignottes " de Migennes à lui verser 20 000 euros en réparation du préjudice résultant d'un refus de titularisation illégal ;
4°) d'enjoindre au directeur de l'EPHAD de procéder à sa titularisation ou à titre subsidiaire de la réintégrer en qualité de stagiaire ;
5°) de mettre à charge de l'EHPAD " Les Mignottes " de Migennes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est en réalité une sanction disciplinaire fondée sur les reproches que lui a faits le directeur lors d'un entretien au mois de décembre 2014 ; cette sanction n'est pas motivée et n'a pas fait l'objet de la procédure prévue par les textes ;
- la décision a été prise avant la fin de son stage puisque du fait de ses congés maladie elle aurait dû demeurer en stage jusqu'au mois d'avril 2015 ;
- la décision est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation sur ses qualités professionnelles et humaines ;
- la prolongation des stages démontre que les reproches qui lui sont faits en ce qui concerne les mauvais traitements subis par les résidents ou l'atteinte à l'ambiance de travail ne sont pas fondés ;
- les allégations relatives au défaut d'entretien des locaux ne sont pas établies ;
- les témoignages produits ne sont pas probants ;
- la décision attaquée résulte du harcèlement moral et de la discrimination syndicale, qui sont établis par le changement de service intervenu, par sa mise à l'écart et par l'engagement d'une procédure disciplinaire ;
- du fait de la discrimination syndicale et du harcèlement moral qu'elle a subis, elle est fondée à demander l'indemnisation de son préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2016 l'EHPAD " Les Mignottes " de Migennes, représentée par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme B... à lui verser 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Clément, premier conseiller,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour l'EHPAD " Les Mignottes " de Migennes ;
1. Considérant que par sa requête susvisée, Mme B... relève appel du jugement du 7 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 janvier 2015 par laquelle le directeur de l'établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Les Mignottes " a refusé de procéder à sa titularisation en qualité d'agent des services hospitaliers qualifiés ;
2. Considérant qu'après avoir été recrutée par l'établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Les Mignottes " par plusieurs contrats de travail à durée déterminée du 1er janvier 2009 au 31 janvier 2013, Mme B... a été nommée agent des services hospitaliers qualifié stagiaire à compter du 1er février 2013 ; que son stage a été prolongé à deux reprises pour des durées de six mois par décisions du directeur de l'EHPAD prises respectivement les 3 janvier 2014 et 31 juillet 2014 ; que, par sa décision attaquée du 14 janvier 2015, le directeur de l'EHPAD a refusé de titulariser Mme B... dans le grade d'agent des services hospitaliers qualifié ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article 11 du décret susvisé du 3 août 2007, la durée normale du stage des agents hospitaliers qualifiés est d'une année et peut-être éventuellement prolongée dans la limite d'une année ; que Mme B..., dont le stage a été prolongé une première fois pour une durée de six mois, puis pour une nouvelle période de six mois afin de tenir compte du congé maladie dont elle a bénéficié du 30 janvier au 1er juin 2014, a bénéficié d'une période de stage totale supérieure à dix-huit mois ; qu'elle n'est, dans ces conditions, pas fondée à soutenir que la période de congés maladie dont elle a bénéficié devait à nouveau être prise en compte pour prolonger son stage jusqu'au mois d'avril 2015 ni, par suite, que la décision qu'elle conteste a été prise alors qu'elle n'avait pas pu effectuer la totalité de son stage ;
4. Considérant qu'aux termes des deuxième et cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, dans leur rédaction applicable au litige : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. / (...) / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir des agissements contraires aux principes énoncés au deuxième alinéa du présent article ; / 2° Le fait qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire respecter ces principes ; / 3° Ou bien le fait qu'il a témoigné d'agissements contraires à ces principes ou qu'il les a relatés. " ; que selon l'article 6 quinquies de la même loi dans sa rédaction applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / (...) " ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime de discriminations ou d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'une telle discrimination ou d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à toute discrimination et à tout harcèlement ; que l'existence de faits de discrimination ou de harcèlement doit s'apprécier au vu de ces échanges contradictoires ;
5. Considérant que ni les prolongations de stage fondées sur la nécessité pour la requérante de faire ses preuves, ni l'engagement d'une procédure disciplinaire non suivie d'une sanction, ne peuvent être regardés, en l'absence de tout autre élément, comme des faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination ou de harcèlement moral ; que Mme B..., qui n'établit ni avoir été affectée à des tâches d'entretien ne correspondant pas aux fonctions susceptibles d'être dévolues aux agents de son grade ni, par la production d'un seul échange de messages avec un interlocuteur qui, au demeurant, conteste l'interprétation qu'elle en fait, qu'elle aurait été mise à l'écart et privée de contact avec ses collègues sur les instructions de sa hiérarchie, ne peut être regardée comme faisant état de faits susceptibles de faire présumer l'existence d'une discrimination ou d'un harcèlement à son encontre ;
6. Considérant que la décision attaquée repose sur la prise en compte du comportement adopté par Mme B... au cours de sa période de stage et, notamment, l'absence de sérieux dans l'exécution des tâches qui lui étaient confiées, les pauses d'une durée excessive qu'elle prenait durant son temps de service et les rapports peu respectueux qu'elle entretenait avec les résidents de l'EHPAD, ses collègues et sa hiérarchie ; qu'en produisant des attestations favorables de certains de ses collègues, dont certains se sont d'ailleurs rétractés par la suite, Mme B... ne conteste pas utilement les faits qui lui sont reprochés, dont l'existence doit être regardée comme suffisamment établie par les témoignages concordants et précis produits par l'EHPAD ; qu'il suit de là que la requérante, qui ne saurait utilement se prévaloir des appréciations positives qui avaient été portées sur sa manière de servir antérieurement à son stage, n'est pas fondée à soutenir que le refus de titularisation qui lui a été opposé est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le directeur de l'EHPAD " Les Mignottes " n'a commis aucune faute en refusant de titulariser Mme B..., dont les conclusions en vue d'être indemnisée des conséquences dommageables d'une telle décision doivent dès lors être rejetées ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'EHPAD " Les Mignottes " de Migennes qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme B... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'EHPAD " Les Mignottes " de Migennes et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera à l'EHPAD " Les Mignottes " de Migennes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et à l'EHPAD " Les Mignottes " de Migennes.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Hervé Drouet, président assesseur,
M. Marc Clément, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 avril 2018.
4
N° 16LY02135
mg