Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 20 février 2018, le préfet du Rhône demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 février 2018.
Il soutient que M. A... peut bénéficier d'un suivi et d'un traitement appropriés dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2018, M. A..., représenté par Me Petit, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que les moyens présentés par le préfet du Rhône ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chevalier-Aubert, président assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien, né le 20 mars 1979, déclare être entré sur le territoire français en 2008. Par un arrêté du 2 mai 2017 le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné le pays de destination. Le préfet du Rhône relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 février 2018 qui a annulé cet arrêté du 2 mai 2017 et lui a enjoint de délivrer à M. A... le titre de séjour prévu par l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ".
3. Le préfet n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé. Néanmoins, il lui appartient, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine, de justifier des éléments qui l'ont conduit à ne pas suivre cet avis médical.
4. Il ressort de l'avis en date du 27 décembre 2016, du médecin de l'agence régionale de santé, que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état doivent être poursuivis pendant douze mois.
5. Le préfet du Rhône ne conteste pas la gravité de l'état de santé de M. A... mais fait valoir qu'il pourra bénéficier de soins et d'un suivi appropriés dans son pays d'origine à la suite de la greffe de moelle osseuse, réalisée dans le cadre du traitement d'une aplasie médullaire idiopathique sévère. Il produit des documents mentionnant la réalisation d'une première greffe de moelle épinière en 1998 en Tunisie et l'existence dans ce pays d'un centre national dédié aux greffes de moelle osseuse. Ces éléments ne suffisent cependant pas à remettre en cause l'avis précité du médecin de l'agence régionale de santé sur l'indisponibilité en Tunisie de soins appropriés à l'état de santé de M. A... corroboré par les certificats très circonstanciés du Dr C..., praticien hospitalier dans le service d'hématologie de l'hôpital Lyon Sud, qui relève notamment la nécessité d'une surveillance post-allogreffe dans le service où la greffe a été effectuée. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le refus de délivrance de titre de séjour méconnaissait les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ont prononcé l'annulation de cette décision ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 2 mai 2017.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de l'avocat de M. A... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Petit, avocat de M. A..., une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 mars 2019.
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N° 18LY00650