3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 1607011 du 10 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 31 octobre 2016 et enjoint au préfet de l'Isère de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M.A....
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 avril 2017 et le 5 septembre 2018, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement du 10 mars 2017 et de rejeter la demande de M.A....
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour portait atteinte au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2017, M.A..., représenté par Me Coutaz, avocat, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que la cour enjoigne au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours de la notification de l'arrêt, sous la même astreinte ;
3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.
Il fait valoir que :
- la requête est tardive ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen complet de sa situation personnelle ;
- ce refus méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il est entaché d'erreur de droit, l'accord franco-tunisien n'interdisant pas la possibilité d'admettre exceptionnellement au séjour un ressortissant tunisien ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'absence de délai de départ volontaire encourt l'annulation par voie de conséquence ;
- le refus de lui accorder un tel délai méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il ne présente pas de risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français ;
- ce refus est entaché d'erreur de droit, le préfet n'ayant pas procédé à l'examen de sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère, au cours de l'audience publique ;
1. Considérant que M.A..., ressortissant tunisien né le 18 février 1967, est entré en France le 6 octobre 2006, selon ses déclarations ; que, par arrêté du 31 octobre 2016, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-11-7° ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a obligé à quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il serait légalement admissible ; que le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 10 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A...:
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement a été notifié au préfet de l'Isère par la voie de l'application informatique Télérecours le 13 mars 2017 et que le préfet en a accusé réception le 20 mars 2017 ; que, par suite, la requête, enregistrée par le greffe de la cour le 20 avril 2017, n'est pas tardive ;
Sur la légalité de l'arrêté du 31 octobre 2016 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est marié le 22 février 2014 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, vivant en France depuis 1973 et mère d'un enfant né en 2008 d'un ressortissant algérien dont elle a divorcé en 2012 ; que, si M. A...déclare être entré sur le territoire français en 2006, sa présence n'y est établie qu'à compter de 2010 ; que son mariage était récent à la date du refus de titre de séjour en litige ; que M. A...ne justifie pas d'une insertion professionnelle et a vécu l'essentiel de son existence ailleurs qu'en France ; que, s'il a bénéficié temporairement d'un titre de séjour pour motif médical et de récépissés de demande de titre de séjour entre 2012 et 2014, il a pour l'essentiel séjourné en France en situation irrégulière ; qu'il a fait l'objet, le 3 juillet 2014, d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 31 octobre 2016 et lui a enjoint de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M.A... ;
5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Grenoble et en appel ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
6. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige a été signé par le secrétaire général de la préfecture, M. D...C..., titulaire d'une délégation de signature à cette fin par arrêté du préfet du 26 août 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 29 août 2016 ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que le refus de titre de séjour, qui expose les considérations de fait et de droit sur lesquelles il est fondé, est suffisamment motivé ; qu'il ressort de cette motivation que la situation de M. A...a dûment été examinée par le préfet de l'Isère au regard des différents fondements invoqués à l'appui de sa demande de titre de séjour, et notamment l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inapplicables à M.A..., lequel appartient à la catégorie d'étrangers pouvant bénéficier du regroupement familial ; qu'à cet égard, la circonstance qu'une demande de regroupement familial présentée en sa faveur par son épouse aurait été rejetée est sans incidence ; qu'en l'absence d'autres éléments que ceux qui ont été exposés au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) " ;
10. Considérant que le préfet de l'Isère, après avoir examiné la situation personnelle et familiale de M. A...au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14, a écarté l'application de cet article en tant qu'il permet la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, précisant au demeurant que l'intéressé ne demandait pas un tel titre ; qu'il ne s'est, ainsi, pas abstenu d'examiner la possibilité d'admettre exceptionnellement au séjour M. A...sur le fondement de ces dispositions et n'a, ainsi, contrairement à ce que soutient ce dernier, pas commis d'erreur de droit ;
11. Considérant, par ailleurs, que M. A...ne justifiant pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère aurait entaché son refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant, en premier lieu, que M.A..., n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de titre de séjour, n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;
13. Considérant, en second lieu, que M. A...se prévaut, au soutien du moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle, des mêmes arguments que ceux qui ont été précédemment exposés au point 4 ci-dessus ; que ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs ;
En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :
14. Considérant, en premier lieu, que M.A..., n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à s'en prévaloir pour soutenir que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire devrait être annulé par voie de conséquence ;
15. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...). " ;
16. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 28 octobre 2011, M. A...a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français suivie d'une assignation à résidence ; qu'il a également fait l'objet, par arrêté du 3 juillet 2014, d'un refus de titre de séjour assorti d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il a mis à exécution ces précédentes mesures d'éloignement ; qu'il présente donc un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 31 octobre 2016 et n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
17. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'acte en litige, que le préfet de l'Isère se serait abstenu de procéder à l'examen de la situation personnelle de M. A...avant de lui refuser un délai de départ volontaire ;
18. Considérant, en quatrième lieu, qu'en l'absence d'autres arguments exposés par M. A..., le moyen tiré de ce que ce refus serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les mêmes motifs que précédemment retenus au point 16 ;
En ce qui concerne la désignation du pays de renvoi :
19. Considérant que M.A..., n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à s'en prévaloir pour soutenir que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire devrait être annulé par voie de conséquence ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
20. Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées à titre incident par M. A...doivent être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
21. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, la somme que M. A...demande au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 mars 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...est rejetée.
Article 3 : Les conclusions incidentes de M. A...et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de l'Isère et à M. B...A....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Aubert-Chevalier, président assesseur,
Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.
5
N° 17LY01677