Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 août 2014, le préfet de la Drôme demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 juillet 2014 ;
2°) de rejeter les demandes de M. et MmeC....
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que M. et Mme C...établissaient la réalité et le caractère continu de leur présence en France depuis plus de cinq ans ;
- à supposer que la Cour estime que les intéressés sont présents en France de manière continue depuis cinq ans, il lui est demandé de substituer à ce motif de la décision le motif tiré de ce qu'ils ne justifient d'aucun motif humanitaire, ni d'aucune insertion socio-professionnelle ; il aurait pris la même décision s'il avait retenu le caractère continu de leur présence en France depuis cinq ans ;
- aucun des autres moyens soulevés en première instance par les demandeurs n'est fondé ; il s'en rapporte sur ce point à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2014, M. et Mme A...et NellyC..., représentés par Me Borges de Deus Correia, concluent au rejet de la requête et demandent qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et versée à leur avocat, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Ils font valoir que :
- ils résident en France de manière continue depuis le 30 septembre 2008 et en rapportent la preuve ;
- si leur fille a été absente du collège du 1er décembre 2011 au 21 mars 2012, elle a, en dehors de cette courte période, fait preuve d'assiduité ;
- la demande de substitution de motif doit être rejetée en ce qu'elle a été présentée pour la première fois en appel ;
- contrairement à ce qu'allègue le préfet, il n'est pas établi qu'il aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur un autre motif, dès lors que les éléments avancés pour conclure à l'absence de motif humanitaire sont inexacts et que la substitution de motif demandée les priverait d'une garantie de procédure que constitue l'obligation de motivation ;
- les arrêtés sont illégaux en ce qu'ils ne sont pas motivés par référence aux lignes directrices de la circulaire du 28 novembre 2012, dont ils remplissent les conditions.
M. et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 5 novembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le préfet de la Drôme relève appel du jugement du 24 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés du 27 mars 2014 portant rejet des demandes de titre de séjour présentées le 28 novembre 2013 par M. et MmeC..., ressortissants arméniens, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet la délivrance de titres de séjour pour des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires et de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des feuilles de soins datées de janvier et de février 2012 et de l'attestation d'une association caritative, qui certifie qu'à des dates précises entre janvier et mai 2012, M. et Mme C...ont été présents à l'épicerie sociale de l'association, que la présence continue en France des requérants et de leurs deux filles, nées en 1999 et 2002, depuis leur entrée sur le territoire, le 30 septembre 2008, est établie, nonobstant le fait que leur fille aînée ait été absente du collège, où elle était alors scolarisée en classe de sixième, du 1er décembre 2011 au 21 mars 2012 ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les arrêtés contestés, dont le motif déterminant était l'absence de justification de la continuité de la présence des requérants en France depuis 2008, étaient entachés d'une erreur de fait ;
3. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
4. Considérant que le préfet de la Drôme soutient qu'il aurait pris la même décision s'il s'était fondé, après avoir reconnu le caractère continu de la présence de la famille C...en France depuis 2008, sur le motif tiré de ce qu'ils ne justifiaient d'aucune circonstance humanitaire, ni d'aucune insertion sociale et professionnelle et demande que ce motif soit substitué au motif examiné au point 2 ci-dessus ; que, toutefois, une telle demande ne vise pas à opposer à M. et Mme C...un autre motif de nature à justifier légalement les refus de titre de séjour en litige mais à rectifier l'erreur de fait commise dans l'appréciation de leur situation qui est le fondement même de l'annulation prononcée à bon droit par les premiers juges ; que, dans ces conditions, la demande de substitution de motif ne peut être accueillie ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés du 27 mars 2014 ;
6. Considérant que M. et Mme C...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Borges De Deus Correia, avocat de M. et MmeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par les intimés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Drôme est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Borges De Deus Correia, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 9 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
''
''
''
''
2
N° 14LY02657