Par un jugement n° 1406465 du 22 août 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du préfet du Rhône refusant d'accorder un délai de départ volontaire à Mme B...et ordonnant son placement en rétention administrative, a mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros au titre des frais non compris dans les dépens et a rejeté le surplus des conclusions de MmeB....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2014, le préfet du Rhône demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 22 août 2014 ;
2°) de rejeter la demande de MmeB....
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a inversé la présomption de risque de fuite instituée par le 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les garanties de représentation ne sont pas limitées à la détention d'un passeport et à la domiciliation ; contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, Mme B...ne présentait pas de telles garanties ;
- qu'eu égard, notamment, à son comportement délictuel répété, caractérisant une menace pour l'ordre public, le refus de délai de départ volontaire, pris sur le fondement du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait pu être pris sur celui du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, nonobstant la circonstance qu'elle était sur le point de se marier avec un Français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2015, MmeB..., représentée par la SCP Couderc-C..., conclut au non-lieu à statuer ou au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 300 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 pour être versée à son avocat, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle fait valoir que :
- Mme B...s'étant vue délivrer un visa de long séjour valant titre de séjour, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête ;
- le préfet du Rhône ne précise pas quelles infractions lui auraient été reprochées, ni les décisions pénales qui auraient été prises à son encontre ; il n'a pas fondé le refus de lui accorder un délai de départ volontaire sur l'existence d'une menace à l'ordre public ; les moyens soulevés à cet égard sont inopérants ;
- le risque de fuite ne pouvait être regardé comme établi dès lors qu'à la date des décisions annulées par le tribunal administratif de Lyon elle était sur le point de se marier.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 27 janvier 2015, le préfet du Rhône conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens.
Il ajoute que :
- la circonstance que Mme B...a exécuté l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ne rend pas sans objet sa requête ;
- le refus de délai de départ volontaire et le placement en rétention sont suffisamment motivés ;
- l'audience correctionnelle relative aux affaires intéressant Mme B...est prévue le 23 février 2015.
Par de nouveaux mémoires, enregistrés les 28 janvier 2015 et 1er février 2016, Mme B... conclut aux mêmes fins que précédemment.
Elle ajoute que le non-lieu à statuer s'impose non en raison du fait qu'elle a exécuté l'obligation de quitter le territoire français mais du fait que cette mesure a été abrogée par la délivrance ultérieure d'un visa de long séjour valant titre de séjour.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 novembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;
- et les observations de MeC..., pour MmeB....
1. Considérant que MmeB..., ressortissante marocaine entrée en France à la date déclarée du 12 septembre 2012, a sollicité une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiante le 5 novembre 2012 ; que cette demande a été rejetée par le préfet du Rhône par une décision du 24 janvier 2013, assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que l'intéressée a été assignée à résidence le 27 février 2013 après avoir fait l'objet d'une interpellation pour vol ; que la requête de Mme B...dirigée contre ces décisions a été rejetée par jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 juin 2013 ; qu'ayant été à nouveau interpellée le 19 août 2014, Mme B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai avec placement en rétention administrative le 20 août 2014 ; que, par jugement du même jour, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du préfet du Rhône du 20 août 2014 portant refus de délai de départ volontaire et placement en rétention administrative ; que le préfet du Rhône doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé ces annulations ;
2. Considérant que, ni la circonstance que le préfet a accordé à Mme B...un délai de départ volontaire de trente jours postérieurement au jugement qui a prononcé l'annulation des décisions en litige, ni la circonstance que Mme B...soit retournée ensuite au Maroc dans le délai de départ imparti avant de revenir en France munie d'un visa de long séjour valant titre de séjour, ne sont, contrairement à ce que soutient l'intimée, de nature à priver d'objet la requête du préfet du Rhône dirigée contre un jugement qui a prononcé l'annulation de décisions portant refus d'accorder un délai de départ volontaire et placement en rétention administrative ;
3. Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient le préfet du Rhône, c'est à bon droit que le premier juge, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, a annulé la décision refusant d'accorder à Mme B...un délai de départ volontaire en se fondant sur les circonstances qu'elle présentait des garanties de représentation suffisantes et était sur le point de se marier et a annulé, par voie de conséquence, la décision de placement en rétention administrative ;
4. Considérant, d'autre part, que, si le préfet du Rhône soutient qu'il aurait pris les mêmes décisions en se fondant sur le 1°) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lequel l'autorité administrative peut décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, l'existence d'une telle menace n'apparaît pas établie en l'espèce, Mme B...ayant d'ailleurs bénéficié d'une relaxe par jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 3 avril 2015 dans le cadre de la procédure pénale engagée à son encontre pour des faits de vol en réunion et de tentative d'extorsion ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 20 août 2014 refusant d'accorder un délai de départ volontaire à Mme B...et la plaçant en rétention administrative ;
6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que l'avocat de MmeB..., qui bénéficie de l'aide juridictionnelle, demande au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative;
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.
Article 2 : Les conclusions en défense tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B....
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 9 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
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N° 14LY02791