Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2014, MmeA..., épouseC..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 juin 2014 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de l'Isère du 2 juillet 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère d'autoriser le regroupement familial sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de délivrer à son époux un certificat de résidence de dix ans sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur la demande de regroupement familial dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- ce défaut de motivation révèle une erreur de droit du préfet, lequel s'est estimé tenu de refuser la demande en raison de l'insuffisance de ses ressources, alors que cela a pour seul effet de rendre le refus possible mais non impératif, et en ne prenant pas en compte l'ensemble de sa situation ;
- en se fondant sur les ressources perçues entre février 2011 et février 2012 et non sur les ressources perçues au cours de l'année précédant sa décision, le préfet de l'Isère a violé l'article 4 de l'accord franco-algérien ainsi les articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a commis une erreur de fait ;
- la décision litigieuse porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision procède d'un détournement de procédure et de pouvoir, l'objectif réel du préfet étant d'infliger une sanction à son époux au motif qu'ils auraient placé l'administration devant le fait accompli en donnant naissance à un enfant.
MmeA..., épouseC..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 septembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante algérienne née le 21 mai 1973, a épousé M. C... le 22 janvier 2011 et a sollicité en sa faveur le bénéfice du regroupement familial le 16 février 2012 ; que, par décision du 2 juillet 2013, le préfet de l'Isère a rejeté cette demande ; que Mme A...relève appel du jugement du 24 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien susvisé : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / (...) Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; / (...) Peut être exclu de regroupement familial : / (...) 2 - un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français. (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; / - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; / - cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus. " ;
3. Considérant, d'une part, que le préfet de l'Isère a fondé sa décision sur l'insuffisance des ressources de la requérante ; qu'il a également pris en considération le fait que M. C...résidait irrégulièrement en France ; qu'il ne résulte pas de cette motivation, qui n'est pas insuffisante, que le préfet de l'Isère se serait abstenu d'examiner la situation d'ensemble de Mme A... ;
4. Considérant, d'autre part, que, si Mme A...soutient que le préfet de l'Isère a commis une erreur de droit et une erreur de fait dans l'appréciation de ses ressources en se fondant sur l'année précédant la date de sa demande de regroupement familial et non sur l'année précédant sa décision, elle ne démontre, ni même n'allègue, que le montant de ses ressources aurait été suffisant, au sens des stipulations et dispositions précitées, au cours de cette dernière période ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
6. Considérant que si Mme A...fait valoir qu'elle s'est mariée le 22 janvier 2011, que son époux serait présent sur le territoire national depuis plus de dix ans, qu'un enfant est né de leur union le 27 avril 2012 et s'il ressort des pièces du qu'elle serait mère d'un autre enfant, né le 11 avril 2002, ces seuls éléments ne permettent pas, eu égard notamment au caractère récent du mariage à la date du refus en litige, de regarder celui-ci comme portant au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant, en troisième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., épouseC..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 février 2016.
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N° 14LY02973
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