Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 mars 2016, Mme A...B..., représentée par Me Bouillet, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1504229 du tribunal administratif de Lyon du 22 décembre 2015 ;
2°) d'annuler les décisions en date du 24 février 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle n'a plus de famille en Arménie, que sa mère est en France et qu'elle est insérée ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et méconnait les stipulations précitées ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle l'est également compte tenu de sa situation d'étudiante, car, en fixant un tel délai qui ne lui permet pas de finir son année d'étude, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- pour les mêmes raisons que précédemment, cette décision viole les stipulations des articles 3, 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Samuel Deliancourt, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
1. Considérant que MmeB..., ressortissante arménienne née le 28 juillet 1993, relève appel du jugement du 22 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 24 février 2015 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour en l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours et en fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée en France à l'âge de vingt ans et ne résidait sur le territoire que depuis environ un an et demi à la date du refus de titre de séjour contesté ; qu'en se bornant à faire état de son inscription à l'université Lumière Lyon II, en produisant un certificat de scolarité et d'inscription pour la période du 1er septembre 2014 au 30 septembre 2015, en précisant qu'elle parle le français et en se prévalant de l'obtention, au demeurant postérieure à la décision attaquée, d'un diplôme universitaire d'études françaises (DUEF) A2, elle n'établit pas être particulièrement intégrée en France ; que, par ailleurs, si l'intéressée qui soutient n'avoir plus de famille en Arménie, sans toutefois l'établir, se prévaut de la présence en France de sa mère, cette dernière fait également l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement ; qu'elle n'est, dans ces conditions, pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé porte une atteinte excessive à son droit à mener une vie privée et familiale normale ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour, que la requérante invoque à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté ;
4. Considérant en deuxième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en l'absence de tout élément particulier invoqué tenant à cette obligation, être écarté pour les mêmes raisons que celles précédemment évoquées au point 2, s'agissant du refus de titre de séjour ;
5. Considérant, en troisième lieu, que Mme B...ne peut utilement invoquer les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaît les stipulations des articles 3, 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que cette décision n'a pas pour objet de fixer le pays de destination ;
En ce qui concerne la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
6. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, que Mme B...invoque à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire, doit être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Eu égard à la situation personnelle de l'étranger l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ; qu'en fixant à trente jours le délai qui lui est imparti pour quitter le territoire, le préfet du Rhône, qui n'était pas tenu de lui accorder un délai suffisant afin qu'elle finisse l'année universitaire en cours, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B...;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
8. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, que la requérante invoque à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de cet article : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants. " ;
10. Considérant que MmeB..., dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 17 avril 2014, confirmée par le 24 mars 2015 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), se borne à réitérer devant la cour le récit des exactions dont elle aurait été victime à raison de la prétendue appartenance de sa mère et d'elle-même au culte des témoins de Jéhovah, que les instances chargées de l'examen des demandes d'asile et de protection subsidiaire ont écarté comme convenu et peu plausible en relevant, notamment, d'importantes lacunes dans sa connaissance du culte qu'elle prétend pratiquer, sans y ajouter le moindre élément susceptible de lui conférer la crédibilité que ces instances lui ont déniée ; qu'elle n'apporte aucun élément susceptible d'établir que, comme elle l'affirme, elle serait personnellement exposée à des risques actuels et certains en cas de retour en Arménie ;
11. Considérant, en troisième lieu, qu'en l'absence de tout risque démontré en cas de retour en Arménie, les moyens tirés de ce que, en raison de ces risques, la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif à la liberté de pensée, de conscience et de religion, et de l'article 14 de cette même convention, qui prohibe toutes les discriminations, et notamment celles fondées sur la religion, ne peuvent qu'être écartés ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que sa requête susvisée doit, par suite, être rejetée, en ce comprises les conclusions à fin d'injonction et celles tendant au remboursement et des frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de la présente instance ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 février 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Régis Fraisse, président de la cour,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2017.
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N° 16LY00952
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