Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 12 août 2016, M. E... A..., représenté par la SCP Couderc-Zouine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1600621 du 28 juillet 2016 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 20 janvier 2016 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a rejeté sa demande de carte de résident et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer une carte de résident dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer sans délai un récépissé de demande de renouvellement de carte de séjour temporaire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour,
- il est insuffisamment motivé ;
- le rapport d'enquête du service départemental du renseignement territorial de l'Ardèche concluant à l'absence de communauté de vie avec son épouse ne lui a pas été communiqué ;
- le préfet s'est à tort estimé lié par la conclusion de ce rapport ;
- la décision contestée méconnaît le a) du 1. de l'article 10 franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié relatif au séjour et au travail des personnes et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que la communauté de vie n'a jamais cessé ;
- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, dès lors que la communauté de vie avec son épouse de nationalité française n'a jamais cessé, qu'il travaille en France depuis près de deux années avec le même employeur en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée et que sa soeur et son frère vivent en France sous couvert de cartes de résident ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours,
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que ce délai est manifestement insuffisant pour lui permettre de liquider les droits sociaux qu'il tient de son contrat de travail à durée indéterminée avant de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2016, le préfet de l'Ardèche conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié relatif au séjour et au travail des personnes ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Hervé Drouet, président assesseur ;
Sur le refus de titre de séjour :
1. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'impose au préfet de communiquer le rapport établi à la suite de l'enquête de police destinée à vérifier l'existence d'une communauté de vie effective entre les époux préalablement à l'édiction d'un refus de titre de séjour ; que, par suite, M. A... ne saurait utilement soutenir que ne lui a pas été communiqué le rapport d'enquête du service départemental du renseignement territorial de l'Ardèche concluant à l'absence de communauté de vie avec son épouse ;
2. Considérant, en deuxième lieu, que le refus de titre de séjour opposé à M. A..., qui énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressé qui en constituent le fondement, satisfait à l'obligation de motivation résultant des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration en vigueur à la date de la décision en litige ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée doit être écarté ;
3. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel, et notamment pas des termes de la décision litigieuse, que le préfet se soit estimé lié par le rapport d'enquête du service départemental du renseignement territorial ;
4. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié relatif au séjour et au travail des personnes : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) " ;
5. Considérant que le contrat de bail du 1er juin 2015, date à laquelle l'intéressé situe le déménagement des deux conjoints pour une continuation de la vie commune, que le bailleur a adressé à l'autorité administrative ne comporte, à la différence de celui produit par le requérant, que le nom et la signature de Mme B... ; que, dans ces conditions, les documents produits par M. A..., dont les attestations de proches non datées ou postérieures à la décision en litige, sont insuffisants pour contredire le rapport circonstancié de l'enquête diligentée le 30 octobre 2015 au domicile déclaré par l'intéressé, complété par les entretiens avec les deux époux et par les auditions, les 29 avril et 2 mai 2016, du fils de Mme B..., selon lesquels la communauté de vie a cessé entre M. A... et son épouse de nationalité française ; que par suite, doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées du a) du 1. de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié et de l'erreur manifeste d'appréciation ;
6. Considérant, en dernier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, que la communauté de vie entre M. A..., né le 14 février 1978 et de nationalité tunisienne, et son épouse de nationalité française était rompue à la date de la décision en litige ; que la circonstance que l'intéressé serait titulaire d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'agent d'entretien depuis le 7 avril 2014 ne suffit pas à caractériser l'insertion professionnelle dont il se prévaut ; qu'entré sur le territoire français le 29 août 2013 à l'âge de trente-cinq ans et sans charge de famille en France, il n'établit pas être dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 6 que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
9. Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 6, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :
10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 9 que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
11. Considérant, en second lieu, que M. A... ne produit aucun document de nature à établir que les démarches en vue de l'obtention des indemnités auxquelles il a droit nécessitaient sa présence en France au-delà du délai dont il disposait ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Ardèche a commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant à trente jours son délai de départ volontaire ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Hervé Drouet, président assesseur,
Mme D... C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 26 avril 2018.
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N° 16LY02880
mg