Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 23 juillet 2020, Mme A... épouse C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français durant un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet ne pouvait se fonder sur le fait qu'elle s'était soustraite à une précédente mesure d'éloignement pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire et lui interdire de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit de mémoire.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., épouse C..., ressortissante albanaise née le 11 mars 1996, est entrée irrégulièrement en France selon ses déclarations le 10 avril 2018, accompagnée de son époux et de leur enfant né en 2015. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 8 juin 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 décembre 2018. Par un arrêté du 14 mai 2019, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 juillet 2019, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. A la suite de l'avis défavorable rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 24 mars 2020 sur sa demande de protection contre l'éloignement en raison de son état de santé, le préfet de la Haute-Savoie a confirmé son arrêté du 14 mai 2019 par un courrier du 15 avril 2020. Par un jugement du 8 juillet 2020 le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation, d'une part, de l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français durant un an et, d'autre part, de l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence. Mme A... épouse C... relève appel de ce jugement en tant qu'il porte sur le premier de ces deux arrêtés.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
3. L'avis émis le 24 mars 2020 par le collège de médecins de l'OFII saisi dans le cadre de la demande de protection contre l'éloignement formulée par l'intéressée le 16 décembre 2019 au titre du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays de renvoi, elle pourra y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays de renvoi. Mme A... épouse C..., qui fait valoir qu'elle ne pourra effectivement avoir accès au traitement qu'elle suit en France dans son pays d'origine, a produit des documents généraux sur l'état du système de soins albanais ainsi qu'une attestation d'une pharmacie albanaise indiquant que son traitement à base de Nebivolol 5 mg, lui reviendra à 100 euros. Toutefois, il ressort d'un tableau versé au dossier par le préfet de la Haute-Savoie que le Nebivolol 5 mg est disponible en Albanie où il est inscrit sur la liste des médicaments remboursables établie par la caisse d'assurance maladie obligatoire de ce pays et que, d'autre part, un courriel en date du 26 avril 2016 de l'ambassade de France en Albanie indique que l'offre de soins y est complète et que tous les médicaments y sont disponibles. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En second lieu, Mme A... épouse C... reprend en appel les moyens tirés de ce que l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal, d'écarter ces moyens.
Sur les décisions portant refus d'accorder un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français :
5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) II.- L'étranger auquel il fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...)/ Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ". Aux termes du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du même code : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. ".
6. Pour refuser d'accorder à la requérante un délai de départ volontaire, le préfet de la Haute-Savoie s'est fondé sur le d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en relevant qu'elle n'avait pas exécuté une précédente obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 14 mai 2019. Cette décision, qui lui accordait un délai de départ volontaire de trente jours, lui a été notifiée le 27 juin 2019. Le recours introduit par Mme A... épouse C... le 5 juillet 2019 à l'encontre de cette décision a suspendu son exécution jusqu'à la notification du jugement du 25 juillet 2019. La circonstance qu'elle ait donné naissance à son second enfant le 13 mai 2019 ne faisait pas obstacle à ce qu'elle exécute cette décision. S'il ressort des pièces produites par le préfet en première instance que le collège des médecins de l'OFII a indiqué le 28 août 2019 que son état de santé nécessitait des soins qui ne pouvaient être dispensés dans son pays d'origine et qui devaient être poursuivis pendant trois mois, le même collège a estimé le 20 mars 2020 que les soins nécessités par son état de santé étaient disponibles dans son pays d'origine. Si la requérante prétend avoir attendu de bonne foi de connaître les suites de sa demande de mise sous protection en raison de son état de santé, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Savoie lui a adressé à son adresse de domiciliation le 16 avril 2020 un courrier du 15 avril 2020 l'informant de la teneur de ce dernier avis et de la confirmation de l'obligation de quitter le territoire français du 14 mai 2019. Dans ces conditions, le préfet pouvait, le 3 juin 2020 refuser de lui accorder un délai de départ volontaire et prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français au motif qu'elle s'était soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
7. Mme A... épouse C... reprend en appel les moyens tirés de ce que l'arrêté méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal, d'écarter ces moyens.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... épouse C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.
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N° 20LY01952