- de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2002408 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Savoie de délivrer à M. B... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, dans l'attente, de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour, dans des délais respectifs de deux mois et de huit jours à compter de la notification du jugement et décidé que l'Etat versera à Me D... une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 6 août 2020, le préfet de la Savoie demande à la cour d'annuler le jugement susmentionné du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Grenoble.
Il soutient que si l'intéressé a versé à l'appui de son recours en première instance plusieurs documents faisant état d'éléments généraux sur l'offre de soins au Kosovo, il n'a toutefois apporté aucun élément précis susceptible de démontrer qu'il ne pourrait pas, eu égard à sa situation particulière, bénéficier au Kosovo d'un traitement approprié à son état de santé, les seuls certificats médicaux produits n'étant pas de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII et ne permettant pas de démontrer que les troubles psychiques dont il se prévaut seraient en lien direct avec les évènements traumatisants qu'il dit avoir vécus au Kosovo, alors que les traitements pour ses troubles psychiatriques sont disponibles au Kosovo ; M. B... ne produit par ailleurs aucun élément prouvant que sa situation financière l'empêcherait de poursuivre son traitement dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2020, M. B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement contesté, à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2019 du préfet de la Savoie, et à ce soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990.
Il fait valoir que les moyens du préfet ne sont pas fondés.
Par une décision du 16 décembre 2020, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 15 août 1969, ressortissant de la République du Kosovo, a déclaré être entré en France le 15 août 2016. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 29 mai 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), qui a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 janvier 2018. Il a sollicité, le 22 octobre 2018, la délivrance d'un titre de séjour en faisant valoir son état de santé. Par un arrêté du 28 octobre 2019, le préfet de la Savoie a refusé de faire droit à cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé sa destination d'éloignement. Le préfet de la Savoie relève appel du jugement n° 2002408 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Grenoble qui a annulé cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Par un avis du 3 juin 2019, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Il n'est pas contesté que l'état de santé de M. B..., qui souffre d'un syndrome anxieux chronique et a été victime d'un infarctus du myocarde en 2010, nécessite une prise en charge médicale, en particulier un traitement destiné à prévenir toute nouvelle atteinte cardiaque et des anxiolytiques. Cependant, les pièces qu'il produit, et en particulier les certificats médicaux non circonstanciés et les documents à portée générale sur la situation sanitaire au Kosovo, notamment des rapports en date du 6 mars 2017 et du 26 juin 2018 de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés sur le système de santé au Kosovo et le traitement de l'arthrite juvénile idiopathique qui font état de l'insuffisance des soins de santé, de leur coût élevé laissé à charge des patients, du manque de médicaments et de l'absence de système d'assurance-maladie, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur sa situation par le préfet au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, quant à la possibilité pour M. B... de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'un retour de l'intéressé dans son pays d'origine serait, par lui-même, de nature à aggraver son état de santé. Par suite, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le motif tiré de ce que le préfet avait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que l'intéressé ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade.
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens d'annulation :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. B..., qui déclare avoir quitté son pays en 2014, n'établit pas l'ancienneté de sa présence en France, alors que selon les écritures produites par le préfet en première instance il a déclaré être entré sur le territoire national le 15 août 2016. Il n'allègue ni ne démontre avoir des liens personnels ou familiaux intenses, anciens et stables en France, où il ne justifie pas par ailleurs d'une intégration particulière. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 47 ans et où résident son épouse et ses deux enfants. Il n'établit pas non plus qu'il ne pourrait être effectivement soigné dans son pays d'origine. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. B..., l'arrêté contesté ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il ne méconnaît dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
7. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
8. Le requérant soutient qu'il a été menacé et a fait l'objet de tentatives d'extorsion de fonds par des personnes exerçant comme lui une activité de négoce immobilier, que son père a été enlevé et séquestré, qu'il a été racketté, comme sons épouse, et incarcéré du 28 janvier au 15 juillet 2014, qu'il est recherché par la justice kosovare pour évasion, et qu'il souffre d'un psycho-traumatisme. Toutefois, il n'établit pas, par les pièces produites, en particulier une attestation en date du 13 décembre 2019 de son frère et un mandat d'arrêt, qu'il serait personnellement et actuellement exposé à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique dans le cas d'un retour dans son pays d'origine, alors d'ailleurs que l'OFPRA et la CNDA dans leurs décisions citées au point 1 ont estimé que les faits allégués ne sont pas établis et les craintes énoncées ne sont pas fondées, en particulier les persécutions alléguées de la part des autorités de la ville de Gjilan en raison de son activité de transactions immobilières. Il n'établit pas davantage qu'un retour dans son pays d'origine serait, par lui-même, de nature à aggraver son état de santé. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à demander l'annulation du jugement du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Grenoble. Par suite, les conclusions présentées par M. B..., en appel, au titre des frais liés au litige, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2002408 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que ses conclusions présentées en appel au titre des frais du litige sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B.... Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.
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N° 20LY02199