Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 novembre 2020, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;
- il a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 et les articles L. 313-7 et R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Par décision du 29 décembre 2020, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me C... pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante géorgienne née le 27 décembre 1996, est entrée en France le 14 février 2012. Après le rejet de sa première demande de titre de séjour le 22 juin 2015 puis de sa demande d'asile le 14 septembre 2017, elle a sollicité le 13 juillet 2018 auprès de la préfecture du Rhône un titre de séjour sur le fondement notamment de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement du 21 juillet 2020 dont elle relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions préfectorales du 6 novembre 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.
2. Aux termes du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. (...). " L'article R. 313-10 du même code, alors en vigueur, prévoit que : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 2° de l'article R. 313-1 : 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études ; / 2° L'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans et qui y poursuit des études supérieures. A l'appui de sa demande, l'étranger doit justifier du caractère réel et sérieux des études poursuivies. ".
3. Pour refuser de délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant", le préfet du Rhône a pris en considération qu'elle n'avait pas présenté à l'appui de sa demande un visa de long séjour et qu'elle n'avait pas accompli quatre années d'études supérieures, n'était pas titulaire d'un diplôme au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre ingénieur et ne poursuivait pas au titre de l'année universitaire 2019-2020 d'études supérieures. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée a été scolarisée en France à partir de l'âge de quinze ans et était inscrite pour l'année universitaire 2018-2019 à l'université Lumière de Lyon en deuxième année de licence qu'elle a validée l'année suivante. Elle se trouvait ainsi dans l'une des deux situations visées par les dispositions de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est dès lors fondée à soutenir que la décision rejetant sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiante a été prise sans examen complet de sa situation personnelle au regard de ces dispositions et de celles de l'article L. 313-7 du même code. En conséquence, le refus de titre de séjour contesté et l'obligation de quitter le territoire français qui l'accompagne sont entachés d'illégalité et doivent, pour ce motif, être annulés.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement et des décisions contestées du 6 novembre 2019.
5. L'exécution du présent arrêt implique seulement d'enjoindre au préfet du Rhône, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir Mme D... d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-7 du même code, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. Mme D... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C..., avocate de Mme D..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2001585 du tribunal administratif de Lyon du 21 juillet 2020 est annulé.
Article 2 : Les décisions du 6 novembre 2019 du préfet du Rhône sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation de Mme D... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme A..., président rapporteur,
M. Rivière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.
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N° 20LY03454