Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 mai 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, une autorisation de séjour et de travail dans le délai de quinze jours ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'inexactitude matérielle et d'erreur de droit dès lors qu'il a demandé son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a entaché cette décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi sont illégales en conséquence des illégalités successives.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme D... ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 28 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 avril 2019 du préfet du Rhône portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.
2. Le paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, stipule que : " (...) Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : / - soit la mention " salarié " s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail. / - soit la mention " vie privée et familiale " s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels (...) ". Ces stipulations renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. M. B..., ressortissant sénégalais, a résidé régulièrement sur le territoire français en qualité de conjoint de ressortissant français à compter du 28 janvier 2017. Le 27 novembre 2017, il a déposé au guichet de la préfecture du Rhône une demande de titre de séjour en indiquant qu'il était séparé de son épouse. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la convocation qui lui a été adressée le 15 octobre 2018 pour l'instruction de son dossier, du code Agdref " 1227 " porté par l'agent de la préfecture sur la fiche d'examen de demande de titre de séjour et des courriels des 2 octobre 2018 et 2019 envoyés par la préfecture à la société qui proposait de l'embaucher aux fins de vérification des autorisations de travail, que sa demande tendait à la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de sa vie privée et familiale et au titre d'une activité salariée. En considérant qu'il avait déposé une demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire délivrée sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en se fondant sur la rupture de la communauté de vie, le préfet du Rhône, qui n'a pas ainsi statué sur la demande dont l'intéressé l'avait saisi et qui tendait seulement à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code, n'a pas procédé à un examen de sa situation et a commis une erreur de droit. Dès lors, les décisions du 23 avril 2019 sont, pour ce motif, entachées d'illégalité et doivent être annulées.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander son annulation.
5. L'exécution du présent arrêt implique seulement d'enjoindre au préfet du Rhône, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir M. B... d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du même code, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. M. B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée de 1 300 euros à verser à Me A..., avocat de M. B..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1904098 du tribunal administratif de Lyon du 28 janvier 2020 est annulé.
Article 2 : Les décisions du 23 avril 2019 du préfet du Rhône sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation de M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me A... la somme de 1 300 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :
Mme D..., président,
Mme Duguit-Larcher, assesseur le plus ancien,
M. Rivière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2021.
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N° 20LY01388