Procédure devant la cour
I. Par une requête enregistrée le 14 décembre 2019 sous le n° 19LY04605, la société IFP, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1808813 et cet arrêté en ce qu'il déclare cessible les parcelles lui appartenant ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse aux moyens, fondés, tirés du caractère incomplet de l'estimation sommaire des dépenses et des recettes dans le dossier préalable à la déclaration d'utilité publique des acquisitions des parcelles nécessaires à l'aménagement de la ZAC, de ce que l'arrêté du 22 juillet 2016 du préfet de l'Ain déclarant d'utilité publique ces acquisitions porte une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie et est entaché de détournement de pouvoir ;
- elle excipe de l'illégalité de l'arrêté du 22 juillet 2016 en raison également de l'insuffisante motivation du rapport d'enquête et de l'absence d'utilité publique de l'opération qui peut être réalisée sans recourir à l'expropriation.
Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2020, la société publique locale (SPL) Territoire d'innovation, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société IFP au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société IFP ne sont pas fondés.
Un mémoire enregistré le 12 octobre 2020 présenté par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'a pas été communiqué.
II. Par une requête enregistrée le 14 décembre 2019 sous le n° 19LY04608 la société Financière Ferney, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1808812 et l'arrêté du 10 avril 2018 en ce qu'il déclare cessible les parcelles lui appartenant ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse aux moyens, fondés, tirés du caractère incomplet de l'estimation sommaire des dépenses et des recettes dans le dossier préalable à la déclaration d'utilité publique des acquisitions des parcelles nécessaires à l'aménagement de la ZAC, de ce que l'arrêté du 22 juillet 2016 du préfet de l'Ain déclarant d'utilité publique ces acquisitions porte une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie et est entaché de détournement de pouvoir ;
- elle excipe de l'illégalité de l'arrêté du 22 juillet 2016 en raison également de l'insuffisante motivation du rapport d'enquête et de l'absence d'utilité publique de l'opération qui peut être réalisée sans recourir à l'expropriation.
Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2020, la société publique locale (SPL) Territoire d'innovation, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Financière Ferney au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Financière Ferney ne sont pas fondés.
Un mémoire enregistré le 9 octobre 2020 présenté par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'a pas été communiqué.
III. Par une requête enregistrée le 14 décembre 2019 sous le n° 19LY04609 la société Ferjac, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901056 et l'arrêté du 10 avril 2018 en ce qu'il déclare cessible les parcelles lui appartenant ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse aux moyens, fondés, tirés du caractère incomplet de l'estimation sommaire des dépenses et des recettes dans le dossier préalable à la déclaration d'utilité publique des acquisitions des parcelles nécessaires à l'aménagement de la ZAC, de ce que l'arrêté du 22 juillet 2016 du préfet de l'Ain déclarant d'utilité publique ces acquisitions porte une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie et est entaché de détournement de pouvoir ;
- elle excipe de l'illégalité de l'arrêté du 22 juillet 2016 en raison également de l'insuffisante motivation du rapport d'enquête et de l'absence d'utilité publique de l'opération qui peut être réalisée sans recourir à l'expropriation.
Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2020, la société publique locale (SPL) Territoire d'innovation, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Ferjac au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Ferjac ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Elle déclare s'en rapporter au mémoire en défense produit en première instance par le préfet de l'Ain et fait valoir en outre que les moyens soulevés par la société Ferjac ne sont pas fondés.
IV. Par une requête enregistrée le 14 décembre 2019 sous le n° 19LY04610, Mme F... E..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901195 et l'arrêté du 10 avril 2018 en ce qu'il déclare cessible les parcelles lui appartenant ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse aux moyens, fondés, tirés du caractère incomplet de l'estimation sommaire des dépenses et des recettes dans le dossier préalable à la déclaration d'utilité publique des acquisitions des parcelles nécessaires à l'aménagement de la ZAC, de ce que l'arrêté du 22 juillet 2016 du préfet de l'Ain déclarant d'utilité publique ces acquisitions porte une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie et est entaché de détournement de pouvoir ;
- elle excipe de l'illégalité de l'arrêté du 22 juillet 2016 en raison également de l'insuffisante motivation du rapport d'enquête et de l'absence d'utilité publique de l'opération qui peut être réalisée sans recourir à l'expropriation.
Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2020, la société publique locale (SPL) Territoire d'innovation, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Mme E... au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Un mémoire enregistré le 12 octobre 2020 présenté par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me C..., représentant les sociétés requérantes et Mme E... et celles de Me D..., représentant la SPL Territoire et innovation.
Considérant ce qui suit :
1. Il y a lieu de joindre, pour qu'il y soit statué par un même arrêt, les requêtes visées ci-dessus qui présentent à juger les mêmes questions.
2. Par une délibération du 20 novembre 2013, le conseil communautaire de la communauté de communes du Pays de Gex a créé sur le territoire de la commune de Ferney-Voltaire la zone d'aménagement concertée (ZAC) " Ferney-Genève Innovation " à vocation d'habitation et d'activités, d'une superficie de 65 hectares, et approuvé le dossier de création de la ZAC. La réalisation de cet aménagement a été confiée à la société publique locale (SPL) Territoire d'innovation par un traité de concession du 27 mars 2014. Deux enquêtes conjointes, l'une préalable à la déclaration d'utilité publique, l'autre parcellaire, ont été organisées du 8 février 2016 au 18 mars 2016. Par un arrêté du 22 juillet 2016, le préfet de l'Ain a déclaré d'utilité publique l'acquisition de terrains nécessaires au projet d'aménagement. La commission d'enquête ayant émis un avis défavorable sur l'emprise du projet, le préfet a prescrit une nouvelle enquête parcellaire à l'issue de la laquelle, par un arrêté du 10 avril 2018, il a déclaré cessibles au profit de la SPL Territoire d'innovation les parcelles nécessaires à la réalisation de la ZAC. Les sociétés Investissements Fonciers et Participations (IFP), Financière Ferney et Ferjac et Mme E..., propriétaires de parcelles déclarées cessibles, ont demandé l'annulation de l'arrêté de cessibilité au tribunal administratif de Lyon. Par des jugements du 9 octobre 2019 dont elles relèvent appel, le tribunal a rejeté leurs demandes. Elles invoquent à l'encontre de cet arrêté de cessibilité, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'arrêté du 22 juillet 2016 déclarant d'utilité publique l'acquisition des parcelles.
3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 123-15 et R. 123-19 du code de l'environnement que si elles n'imposent pas au commissaire-enquêteur ou à la commission d'enquête de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis. Il ressort des pièces du dossier que la commission d'enquête a énuméré et résumé dans son rapport cent vingt-cinq observations recueillies au cours de l'enquête publique, dont celles faisant part des inquiétudes sur le projet stratégique de développement commun à la commune suisse du Grand-Saconnex et à celle de Ferney-Voltaire. Par ailleurs, la commission d'enquête n'était pas tenue d'émettre un avis allant dans le même sens que celui des auteurs des observations. Par suite, le rapport de la commission d'enquête n'a pas méconnu les exigences des articles L. 123-15 et R. 123-19 du code de l'environnement.
4. Aux termes de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses. ".
5. L'appréciation sommaire des dépenses jointe au dossier d'enquête publique a pour objet de permettre à tous les intéressés de s'assurer que les travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût réel, tel qu'il peut être raisonnablement estimé à l'époque de l'enquête, ont un caractère d'utilité publique. En l'espèce, le dossier soumis à enquête publique comportait une appréciation sommaire des dépenses, d'un montant total de 200 771 000 euros, comprenant le coût des acquisitions foncières, des études générales, des travaux et des équipements publics. Le bilan financier devant être versé au dossier de réalisation de ZAC en vertu de l'article R. 311-7 du code de l'urbanisme n'a pas à figurer, en tant que tel, dans le dossier soumis à enquête publique, qui doit seulement se conformer aux dispositions précitées de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et ce, alors même qu'en l'espèce la commission d'enquête a déploré dans son avis l'absence de bilan financier de l'opération, qui a été produit pour permettre la levée de la réserve de la commission d'enquête par la délibération du conseil communautaire du 23 juin 2016. L'analyse de ce bilan réalisée à la demande des appelantes dans le cadre d'une consultation d'expert privée, n'est pas de nature à établir que le coût du projet aurait été manifestement sous-évalué.
6. Le principe de liberté du commerce et de l'industrie invoqué par les appelantes ne saurait à lui seul faire obstacle à ce qu'une collectivité publique prenne les initiatives nécessaires pour pourvoir aux besoins d'aménagement urbain.
7. Une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement, et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.
8. L'opération projetée de réalisation d'un nouveau quartier mixte de logements et d'activités au sud de la commune de Ferney-Voltaire constitue la déclinaison française du projet stratégique de développement entre la commune suisse du Grand-Saconnex et la commune de Ferney-Voltaire, élaboré dans une logique transfrontalière dans un but de rééquilibrage des programmes de logements et d'activités, en cohérence avec les objectifs du projet d'agglomération franco-valdo-genevois dont la charte a été signée en 2007. Le projet de ZAC permet une organisation spatiale structurée de la commune de Ferney-Voltaire, dont l'extension urbaine génère une croissance démographique significative. Il favorise la mixité sociale et contribue au développement économique par la création de logements sociaux et de nouveaux espaces à vocation d'activités. Ce projet contribue enfin à la limitation des trajets domicile-travail et permet une amélioration de l'offre de transports en commun. Cette opération qui répond ainsi à une finalité d'intérêt général ne peut être réalisée sans procéder aux expropriations litigieuses. La circonstance que les appelantes portaient un projet d'aménagement foncier sur les secteurs de Paimboeuf Nord et de Très La Granges et qu'ainsi l'initiative privée n'était pas défaillante, ne prive pas par elle-même d'utilité publique le projet de ZAC, dès lors qu'il n'est pas établi que ce projet ait eu pour motif déterminant de faire obstacle à celui des appelantes, alors au demeurant qu'il ne répondait pas à des besoins identiques à ceux que la communauté de communes et l'aménageur entendaient satisfaire.
9. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que les sociétés IFP, Financière Ferney et Ferjac et Mme E... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, qui sont suffisamment motivés et ne sont pas entachés d'omission des premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments, de statuer sur les moyens dont ils étaient saisis, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Leurs requêtes doivent être rejetées, y compris leurs conclusions présentées au titre des frais du litige. Il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de la SPL Territoire d'innovation les frais qu'elle a exposés à ce même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes des sociétés IPF, Financière Ferney et Ferjac et de Mme E... sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SPL Territoire d'innovation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Investissements Fonciers et Participations, Financière Ferney et Ferjac et Mme F... E..., à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société publique locale Territoire d'innovation.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme A..., président assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 novembre 2020.
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N°s 19LY04605, 19LY04608, 19LY04609, 19LY04610