Par un jugement n° 2003990 du 28 juillet 2020, le magistrat désigné de ce tribunal a annulé l'arrêté du 12 juin 2019 et a enjoint au préfet de l'Ain de délivrer dans le délai d'un mois à M. D... une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, conformément à ce qu'impose l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortie d'une autorisation de travail.
Procédure devant la cour
I. Par une requête enregistrée le 11 août 2020 sous le n° 20LY02264, le préfet de l'Ain demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal.
Il soutient que :
- le premier juge a méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement n° 1908243 du tribunal du 9 juin 2020 concernant l'épouse de M. D... ;
- il a retenu le moyen tiré de l'erreur de droit qui n'était pas soulevé ;
- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés ;
- le magistrat désigné ne pouvait lui enjoindre d'assortir d'une autorisation de travail l'autorisation provisoire prévue à l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 septembre 2020, M. D..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.
Un mémoire enregistré le 17 septembre 2020, présenté par le préfet de l'Ain, n'a pas été communiqué.
Par une décision du 9 septembre 2020, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
II. Par une requête enregistrée le 11 août sous le n° 20LY02266, le préfet de l'Ain demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2003990 du 28 juillet 2020.
Il soutient que les moyens qu'il soulève dans la requête au fond sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation et d'injonction accueillies par ce jugement.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 septembre 2020, M. D..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet dans la requête au fond ne sont de nature à justifier ni l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, ni le rejet des conclusions de sa demande.
Un mémoire enregistré le 17 septembre 2020, présenté par le préfet de l'Ain, n'a pas été communiqué.
Par une décision du 9 septembre 2020, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme A... ayant été entendu au cour de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il y a lieu de joindre, pour qu'il y soit statué par un même arrêt, les requêtes visées ci-dessus qui sont dirigées contre le même jugement.
2. M. E... D..., ressortissant arménien, est entré en France au mois de mars 2017 en compagnie de son épouse B... et de leurs trois enfants mineurs. Sa demande d'asile et celle de sa conjointe ont été définitivement rejetées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 23 août 2018. Par un arrêté du 12 juin 2019, le préfet de l'Ain, au visa du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Par une ordonnance du 28 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. D... tendant notamment à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt n° 20LY00267 du 18 juin 2020, la cour a annulé cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté du 12 juin 2019 et a renvoyé l'affaire au tribunal dans cette mesure. Par un jugement du 28 juillet 2020, le magistrat désigné de ce tribunal a annulé l'arrêté du 12 juin 2019 et a enjoint au préfet de l'Ain de délivrer dans le délai d'un mois à M. D... une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, conformément à ce qu'impose l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortie d'une autorisation de travail. Le préfet demande l'annulation de ce jugement par sa requête n° 20LY02264 et qu'il soit sursis à son exécution par sa requête n° 20LY02266.
Sur la requête n° 20LY02264 :
3. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 12 juin 2019 que l'obligation de quitter le territoire a été prise après un examen complet de la situation de M. D... et notamment de sa situation familiale puisqu'il mentionne que sa fille Knarik pourra bénéficier effectivement d'un traitement adapté à son état de santé, comme l'a estimé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 19 avril 2019 avant qu'il ne refuse à Mme D..., par un autre arrêté du 12 juin 2019, la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'enfant malade prévue à l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé pour ce motif, ainsi que par voie de conséquence pour celui tiré de la méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'arrêté du 12 juin 2019 obligeant M. D... à quitter le territoire français.
4. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Lyon.
5. En premier lieu, l'arrêté du 12 juin 2019 énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est, dès lors, suffisamment motivé.
6. En second lieu, le collège des médecins de l'OFII, dans son avis du 19 avril 2019, a estimé que si l'état de santé de Knarik nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Il ressort des pièces du dossier que la jeune-fille est atteinte d'une pathologie chronique systémique avec risque d'aggravation nécessitant selon les médecins qui la suivent en France une prise en charge spécialisée et multidisciplinaire et parfois la prescription d'immunosuppresseurs, outre la prise de trois médicaments. Les seules circonstances que l'un de ces médicaments, qui est disponible en République d'Arménie, ne figure pas sur la liste des médicaments achetés et fournis gratuitement par l'Etat aux patients concernés et que le diagnostic de la maladie a été posé en Suisse, ne suffisent pas à contredire l'avis du collège de l'OFII. Dans ces conditions, et en l'absence d'obstacle à ce que la cellule familiale soit reconstituée en République d'Arménie où les trois enfants de M. D... sont nés et y ont vécu jusqu'à l'âge de 7 ans pour le plus jeune et à ce qu'ils y poursuivent leurs études, le préfet de l'Ain, en obligeant M. D... à quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris cette mesure, ni méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la demande d'asile de M. D... a été définitivement rejetée et il ne se prévaut d'aucun élément nouveau sur les risques encourus. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que le préfet de l'Ain est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 12 juin 2019 obligeant M. D... à quitter le territoire français et désignant le pays de renvoi. En conséquence, le jugement doit être annulé et la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lyon doit être rejetée.
Sur la requête n° 20LY02266 :
9. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 2003990 du tribunal administratif de Lyon, les conclusions de la requête n° 20LY02266 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont ainsi privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais du litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20LY02266.
Article 2 : Le jugement n° 2003990 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 28 juillet 2020 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E... D... et à Me C.... Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme A..., président assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2020.
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N°s 20LY02264, 20LY02266