Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 février 2016 sous le n° 16LY00570, Mme A...représentée par Me C...demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2015 ;
2°) d'annuler les décisions préfectorales du 18 décembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros TTC à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme A...soutient que :
- les décisions préfectorales du 18 décembre 2014 méconnaissent les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 10° de l'article L. 511-4 du même code puisqu'elle ne pourra pas se faire soigner correctement en Albanie, ses troubles sont en lien avec les violences qu'elle y a subies et le préfet n'a même pas vérifié si elle pouvait voyager sans risque ;
- les décisions méconnaissent aussi l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi viole l'article L. 513-2 du code précité ainsi que l'article 3 de la convention précitée.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 avril 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Par une décision du 29 juin 2016, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de Mme A....
Vu, II, la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 décembre 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par le jugement n° 1504014 du 6 octobre 2015 le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 février 2016 sous le n° 16LY00571, M. A... représenté par Me C...demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2015 ;
2°) d'annuler les décisions préfectorales du 18 décembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros TTC à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A...soutient que :
- c'est à tort que le préfet du Rhône a rejeté la demande de titre de séjour de son épouse ;
- les décisions préfectorales méconnaissent l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi viole l'article L. 513-2 du code précité ainsi que l'article 3 de la convention précitée.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 avril 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Par une décision du 29 juin 2016, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A....
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique du 23 juin 2016, le rapport de Mme Gondouin, rapporteur.
1. Considérant que Mme et M.A..., ressortissants albanais nés respectivement en 1964 et 1961, sont entrés irrégulièrement en France en novembre 2012 ; que leur demande d'asile a été rejetée par décisions de l'Office national de protection des réfugiés et apatrides du 26 août 2013 confirmées le 14 avril 2014 par la Cour nationale du droit d'asile ; que Mme A... a sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé le 6 mai 2014 ; que M. A... a également sollicité un titre de séjour à la même date sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de l'état de santé de son épouse ; que, par des décisions du 18 décembre 2014, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à leurs demandes, assorti ce refus d'obligations de quitter le territoire français et de décisions fixant le pays de destination ; que Mme et M. A... relèvent appel, chacun en ce qui le concerne, des jugements du 6 octobre 2015 par lesquels le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes dirigées contre ces décisions ;
2. Considérant que ces requêtes appellent à juger des questions semblables qui ont des conséquences sur la situation de l'un et l'autre requérants ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;
4. Considérant que, selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement " ;
5. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 17 juin 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement n'existe pas dans le pays dont elle est originaire et que les soins nécessités par son état de santé doivent, en l'état actuel, être poursuivis pendant douze mois ; que le préfet du Rhône, qui n'était pas lié par cet avis, a refusé la délivrance du titre sollicité en se fondant sur les éléments fournis par l'ambassade de France en Albanie du 20 juin 2013, le rapport de l'organisation internationale pour les migrations du 6 avril 2009, et le rapport du comité d'informations médicales du 21 août 2009 ; qu'il ressort de ces documents que les institutions sanitaires de ce pays sont en mesure de traiter la majorité des maladies courantes et que les ressortissants albanais " sont indéniablement à même de trouver en Albanie un traitement adapté à leur état de santé " ; que Mme A...expose qu'elle est atteinte d'un syndrome dépressif, de douleurs abdominales dues à une éventration médiane sus-ombilicale, d'infections urinaires liées à l'atrophie de son rein gauche, qu'elle est régulièrement hospitalisée et suit des traitements spécifiques ; qu'elle soutient aussi ne pas pouvoir voyager sans risque vers son pays et que le retour dans celui-ci aurait pour conséquence la réactivation de ses symptômes car elle a subi en Albanie des agressions répétées, dont celle à l'origine de son éventration, en raison du mariage de son fils, issu de la communauté égyptienne d'Albanie, avec une Albanaise ; que toutefois, pas davantage en appel qu'en première instance, elle n'apporte d'éléments permettant d'établir qu'elle ne pourrait y bénéficier des soins appropriés à son état de santé ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en Albanie des traitements existent et sont accessibles pour les troubles tant psychiatriques qu'urologiques et que, contrairement à ce qu'elle soutient, les traitements qu'elle suit en France n'ont rien d'exceptionnel ; qu'elle n'apporte, par ailleurs, aucun élément sur la réalité des violences qu'elle déclare avoir subies en Albanie en raison de son origine ethnique, et ne démontre ainsi pas le lien entre les persécutions alléguées et ses troubles psychologiques ; qu'en outre, et en l'absence de tout élément lui permettant d'avoir un doute sur la capacité de Mme A...à voyager sans risque vers l'Albanie, nonobstant la teneur d'un certificat médical du 16 décembre 2013 qu'elle produit, le préfet n'avait pas à demander un réexamen de sa situation par le médecin de l'agence régionale de santé ; qu'ainsi, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code précité ;
7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de la violation de ces stipulations soulevé par Mme et M. A...à l'encontre des décisions refusant de leur délivrer un titre de séjour ainsi que le moyen tiré par M. A...de la violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité ; qu'il y a également lieu d'écarter leur moyen tiré de l'erreur manifeste du préfet du Rhône dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de l'un et l'autre requérants ;
Sur les autres décisions :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : " L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ; que, pour les raisons énoncées au considérant 6, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu ces dispositions en l'obligeant à quitter le territoire français ;
9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; et, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code précité : " (...)Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
10. Considérant que Mme et M. A...soutiennent qu'ils craignent pour leur sécurité en cas de retour en Albanie, en raison d'une part, de leur appartenance à la communauté égyptienne d'Albanie, d'autre part, des violences qu'ils y ont subies à la suite du mariage de leur fils avec une jeune femme d'origine albanaise, et enfin de l'absence de protection des autorités albanaises à l'égard de leur communauté, assimilée aux Roms ; que toutefois, pas davantage en appel qu'en première instance, ils n'apportent à l'appui de leurs allégations d'élément probant permettant d'établir la réalité et l'actualité des risques auxquels ils se disent exposés en cas d'éloignement vers l'Albanie ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention précitée ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme et M. A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués du 6 octobre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes ; que, par suite, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de Mme A...et de M. A...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...épouse A...et à M. B...A...ainsi qu'au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2016 où siégeaient :
- M. Mesmin d'Estienne, président,
- Mme Gondouin, premier conseiller,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2016.
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N° 16LY00570 et N° 16LY00571