Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 mai 2015, M. B...C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 12 mars 2015 ;
2°) d'annuler la décision du 15 juillet 2014 ;
3°) d'enjoindre au garde des Sceaux, ministre de la justice, de le radier du répertoire des détenus particulièrement signalés ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation de ses divers préjudices ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu à son argumentation relative à l'absence de communication des motifs de la décision contestée tirés de son comportement potentiellement violent et du trouble à l'ordre public qui résulterait d'une évasion ; que du fait de l'omission de ces points, il n'a pu se défendre utilement ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense aux motifs qu'il avait reçu préalablement à l'édiction de la décision contestée communication de la synthèse du chef d'établissement qui avait été reprise par le projet de décision porté à sa connaissance, que sa fiche pénale, éditée le 25 juillet 2013, avait été portée à sa connaissance et que ses antécédents disciplinaires n'avaient pas constitué un des fondements pour son inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés ;
- la date à laquelle s'est réunie la précédente commission DPS ne figure pas sur l'imprimé qui lui a été remis ;
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de ce que le garde des Sceaux, ministre de la justice, a commis une erreur de droit en motivant sa décision par l'éloignement de la fin de peine et de la fin de la période de sûreté assortie à celle-ci ;
- la décision contestée lui a nécessairement causé un préjudice qu'il évalue à la somme de 2 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2016, le garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'absence de mention de la date à laquelle la commission DPS s'est réunie est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés ;
- les vices d'illégalité externe, à les supposer établis, ne sont pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat et M. C...ne justifie d'aucun préjudice causé par la décision contestée.
Par ordonnance du 25 janvier 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2016.
Par ordonnance du 31 mars 2016, la clôture d'instruction a été rouverte jusqu'au 2 mai 2016 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 modifiée pénitentiaire ;
- la circulaire du 15 octobre 2012 relative à l'instruction ministérielle relative au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS) ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel,
- et les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.
1. Considérant que M. C..., placé sous mandats de dépôt le 24 juin 2005 au centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes, a été condamné le 25 août 2005 par le tribunal correctionnel de Nice à deux ans d'emprisonnement pour transport, détention, offre ou cession et acquisition non autorisés de stupéfiants, le 11 décembre 2006 par le tribunal correctionnel de Nice à deux ans d'emprisonnement pour détention d'un dépôt d'arme ou de munition de catégorie 1, 4 ou 6, détention sans autorisation de substance ou engin explosif et le 25 février 2010 par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône à vingt-deux ans de réclusion criminelle pour des faits de proxénétisme, proxénétisme aggravé et meurtre aggravé ; que depuis le 16 janvier 2012 il est incarcéré au centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure ; que M. C...a été inscrit une première fois au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS) le 7 février 2008 ; que le 17 avril 2014, la commission locale DPS du centre pénitentiaire de Moulins a rendu un avis favorable au maintien de son inscription à ce répertoire ; que le 15 juillet 2014, la garde des Sceaux, ministre de la justice, a maintenu M. C...au répertoire DPS ; que par le jugement du 12 mars 2015 dont M. C...relève appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation de ses divers préjudices ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par le requérant ; qu'en particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision contestée est fondée sur des éléments non portés à la connaissance de M. C... dans le cadre du débat contradictoire ; que M.C..., à supposer qu'il ait entendu contester la régularité du jugement, qui ne dépend pas du caractère fondé ou non des motifs par lesquels ont été écartés ses moyens, ne peut pour ce faire utilement invoquer l'erreur manifeste d'appréciation qu'auraient commise les premiers juges ; que son moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale : " En vue de la mise en oeuvre des mesures de sécurité adaptées, le ministre de la justice décide de l'inscription et de la radiation des détenus au répertoire des détenus particulièrement signalés dans des conditions déterminées par instruction ministérielle " ; que le point 1.1.2.2 de la circulaire du 15 octobre 2012 visée ci-dessus, qui a un caractère réglementaire, prévoit que la commission DPS se réunit au moins une fois par année civile et qu'avant la tenue de la commission, le greffe de l'établissement remplit la première partie des formulaires de proposition d'inscription, ou de réexamen de la situation d'une personne détenue inscrite au répertoire des DPS annexés à circulaire ; que les modèles de formulaires annexés à la circulaire comportent une case dans laquelle le greffe indique la date à laquelle la commission DPS s'est réunie ; que si M. C...fait valoir que le formulaire qui lui a été remis ne comporte pas cette case et que la date de réunion de la commission n'apparaît pas, cette omission n'a pas entachée d'irrégularité la procédure dans la mesure où elle n'a privé M. C...d'aucune garantie ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que selon le point 1.1.2.3 de la circulaire du 15 octobre 2012, la procédure contradictoire doit être suivie lorsque la commission DPS émet un avis d'inscription ou de maintien au répertoire des DPS ; qu'elle prévoit que la personne détenue, et son conseil le cas échéant, reçoivent ainsi communication de la synthèse établie par le chef de l'établissement pénitentiaire dans lequel est écrouée la personne détenue, de la fiche pénale, des antécédents disciplinaires et le cas échéant de toutes les pièces fondant la décision envisagée ; qu'elle précise que la personne détenue peut formuler des observations écrites ou orales ; que dans l'hypothèse où la personne détenue souhaite présenter des observations orales, la circulaire indique qu'il appartient au chef d'établissement ou à son représentant de la convoquer et de la recevoir en audience ;
5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la synthèse établie par le directeur du centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure a été portée à la connaissance de M. C...le 2 mai 2014 dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure contradictoire ; que la convocation à l'audience du 13 mai 2014 notifiée à M.C..., qui avait demandé à présenter des observations orales, reprenait cette synthèse ; que ni les dispositions de la circulaire du 15 octobre 2012, ni aucune autre disposition n'impose que la convocation du détenu à l'audience reprenne la synthèse de la commission DPS ; qu'il est constant que l'intéressé avait précédemment reçu communication de sa fiche pénale, éditée le 25 juillet 2013, demeurée inchangée ; que la circonstance que ladite fiche n'a pas été communiquée à son conseil ne l'a pas privé d'une garantie ; qu'en l'absence d'antécédents disciplinaires au centre disciplinaire de Moulins, la décision envisagée ne se fondait pas sur de tels éléments dont M. C...ne peut donc utilement reprocher à l'administration le défaut de communication ; qu'ainsi c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense, pris en sa première branche ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que les motifs du maintien de l'inscription de M. C...au répertoire des DPS relatifs à son comportement très violent et au trouble à l'ordre public qui résulterait d'une évasion n'étaient pas mentionnés sur l'imprimé qui lui a été remis dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure contradictoire ; que, cependant, de ses relations issues de la criminalité organisée, des suspicions de préparation d'évasion et des possibles soutiens extérieurs dont il pourrait bénéficier, circonstances portées à sa connaissance, il s'infère que le comportement de M. C... est potentiellement très violent et qu'un trouble à l'ordre public résulterait d'une évasion ; qu'ainsi l'intéressé ayant été mis à même de se défendre utilement, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense, pris en sa seconde branche, doit être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1.1.1 de la circulaire du 15 octobre 2012 : " Les critères d'inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés sont liés au risque d'évasion et à l'intensité de l'atteinte à l'ordre public que celle-ci pourrait engendrer ainsi qu'au comportement particulièrement violent en détention de certains détenus. Les personnes détenues susceptibles d'être inscrites au répertoire des DPS sont celles : 1° appartenant à la criminalité organisée locale, régionale, nationale ou internationale ou aux mouvances terroristes, appartenance établie par la situation pénale ou par un signalement des magistrats, de la police ou de la gendarmerie ; (...) /4° dont l'évasion pourrait avoir un impact important sur l'ordre public en raison de leur personnalité et / ou des faits pour lesquels elles sont écrouées ; / 5° susceptibles d'actes de grandes violences, ou ayant commis des atteintes graves à la vie d'autrui, des viols ou actes de torture et de barbarie ou des prises d'otage en établissement pénitentiaire. (...) " ;
8. Considérant que pour décider le maintien de M. C...dans le répertoire DPS, la garde des Sceaux, ministre de la justice, s'est fondée sur l'appartenance de l'intéressé à la criminalité organisée internationale, sur les soutiens extérieurs dont il pourrait bénéficier à ce titre dans la perspective d'une tentative d'évasion, sur des suspicions de préparatifs d'évasion par introduction d'explosif à la maison centrale de Saint-Maur et de nouvelles suspicions de préparatifs d'évasion en décembre 2011 à la maison centrale de Lannemezan, ainsi que sur le terme éloigné de sa fin de peine et de la fin de la période de sûreté dont est assortie sa peine ; qu'elle a également relevé, comme il a été vu au point 6, son comportement potentiellement très violent ;
9. Considérant que l'appartenance de M. C...à la criminalité organisée internationale est attestée par sa situation pénale exposée au point 1. ; que son comportement potentiellement violent résulte de cette appartenance et est établi par l'expertise psychiatrique réalisée lors de l'instruction criminelle qui le décrit comme : " (...) un adulte qui est tout à fait capable de s'emporter et de développer des conduites très violentes, passant alors d'une apparente maîtrise de soi à une explosion pulsionnelle (...). " ; que si l'intéressé soutient qu'il n'a jamais tenté de s'évader, les risques d'atteinte à l'ordre public liés à une possible évasion peuvent être déduits de ses liens avec la criminalité internationale ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
10. Considérant, en dernier lieu, que M. C...se prévaut de ce que le tribunal a accueilli le moyen tiré de ce que la garde des Sceaux, ministre de la justice, a commis une erreur de droit en motivant sa décision par le terme éloigné de sa fin de peine et de la fin de période de sûreté dont elle est assortie ; que, toutefois, et comme l'ont cependant estimé les premiers juges, la garde des Sceaux, ministre de la justice, qui s'est fondée sur une pluralité de motifs, aurait pris la même décision si elle s'était fondée seulement sur les autres motifs ;
11. Considérant qu'en l'absence d'illégalité fautive de la décision du 15 juillet 2014, M. C... ne peut prétendre à la réparation des préjudices que lui aurait causés cette décision ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrant a rejeté sa demande ; que ses concluions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au garde des Sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2016 où siégeaient :
- M. d'Hervé, président de chambre,
- Mme Michel, président-assesseur,
- Mme Samson Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2016.
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N° 15LY01561