Par un arrêt n° 11LY02834 du 11 octobre 2012, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel de M. D...contre ce jugement.
Par une décision n° 369548 du 15 avril 2015, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi par M.D..., a annulé cet arrêt, renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 28 novembre 2011, M.D..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 septembre 2011 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 janvier 2010 du préfet du Puy-de-Dôme et sa décision du 19 mai 2010 ;
3°) à titre subsidiaire de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal paritaire des baux ruraux de Clermont-Ferrand sur sa demande de résiliation du bail le liant aux consorts C...;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par des mémoires enregistrés les 27 mai et 29 juin 2015, M. D...reprend ces conclusions, à l'exception des conclusions subsidiaires tendant à ce qu'il soit sursis à statuer.
Il soutient que :
- il n'est pas établi qu'il aurait été avisé, au moins trente jours à l'avance, de la tenue de la réunion du conseil départemental devant se prononcer sur l'existence de l'insalubrité ;
- il n'est pas établi que l'arrêté a été publié à la conservation des hypothèques ou au livre foncier dont dépend l'immeuble ;
- l'arrêté attaqué ne reproduit pas dans leur intégralité les dispositions des articles L. 521-1 à 3 du code de l'habitation mais se contente d'un simple visa ;
- le logement du rez-de-chaussée de l'immeuble objet du litige n'est que l'accessoire des biens loués aux consortsC..., titulaires d'un bail rural depuis 1993 ; eu égard à la nature du bien loué, il n'y avait pas lieu d'appliquer la législation sur les baux d'habitation, mais seulement le code rural ; la décision est donc entachée d'erreur de droit ;
- l'arrêté en litige n'a pas tenu compte du fait que le logement était désormais vacant et n'avait plus vocation à être habité ; il n'existe plus aucun danger pour la sécurité des occupants, le logement ayant été libéré ; il ne peut être regardé comme un danger pour les voisins, en l'absence de voisinage ;
- l'application des dispositions de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique ne doit pas entraîner pour le propriétaire une charge excessive, hors de proportion avec la valeur de l'immeuble ou les revenus qu'il peut procurer ; les travaux devant remédier à la situation d'insalubrité ne doivent pas porter atteinte au gros oeuvre ; tel est le cas en l'espèce ;
- la situation du logement est imputable notamment aux conditions d'occupation du logement par les preneurs ;
- les preneurs ayant quitté les lieux avant l'arrêté litigieux, l'arrêté ne pouvait prévoir aucune obligation de relogement.
Par des mémoires enregistrés les 5 janvier 2012, 24 août 2015 et 30 novembre 2015 le ministre chargé de la santé conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- M. D...a bien été convoqué dans les délais au conseil départemental qui s'est tenu le 22 janvier 2010 ;
- l'arrêté litigieux a été publié dans les formes requises ;
- il n'avait pas à reproduire l'intégralité des dispositions applicables ;
- la nature du bail est sans incidence sur l'application des dispositions de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique ;
- le local en cause était bien destiné à l'habitation ;
- la circonstance que le logement n'est plus occupé par les locataires est sans incidence sur sa légalité ;
- dans la mesure où il existe des moyens techniques de mettre fin à l'insalubrité du bâtiment, celle-ci ne présentait pas un caractère irrémédiable ; le coût des travaux prescrits n'excédait pas celui d'une reconstruction du bâtiment ;
- la circonstance que les désordres seraient pour partie imputables aux locataires est sans influence sur la légalité de l'arrêté ; il appartiendra, le cas échéant, au propriétaire, de se retourner contre le locataire aux fins d'indemnisation ;
- une procédure d'insalubrité peut être engagée même sur un logement vacant ;
- un logement inhabité mais dont le bail à ferme n'a pas été résilié n'a pas perdu son usage d'habitation ;
- le requérant ne justifie pas que les occupants avaient quitté les lieux dès septembre 2009.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code rural ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.
1. Considérant que M. D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2010 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a déclaré le logement lui appartenant situé sur le territoire de la commune de Saint-Donat insalubre, avec possibilité d'y remédier, et de la décision du 19 mai 2010 rejetant son recours gracieux ;
Sur la légalité des décisions préfectorales :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1331-27 du code de la santé publique : " Le préfet avise les propriétaires, tels qu'ils figurent au fichier immobilier de la conservation des hypothèques, au moins trente jours à l'avance de la tenue de la réunion de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques et de la faculté qu'ils ont de produire dans ce délai leurs observations. Il avise également, dans la mesure où ils sont connus, les titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, les titulaires de parts donnant droit à l'attribution ou à la jouissance en propriété des locaux, les occupants et, en cas d'immeuble d'hébergement, l'exploitant. " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par courrier notifié le 17 décembre 2009, M. D...a été invité à présenter ses observations, afin qu'elles soient examinées lors de la réunion du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques organisée le 22 janvier 2010 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées manque en fait ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1331-28-1 du code de la santé publique : " A la diligence du préfet et aux frais du propriétaire, l'arrêté d'insalubrité est publié à la conservation des hypothèques ou au livre foncier dont dépend l'immeuble pour chacun des locaux concernés. " ;
5. Considérant que l'arrêté de déclaration d'insalubrité de l'immeuble appartenant à M. D... a été publié et enregistré le 16 février 2010 à la conservation des hypothèques d'Issoire ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées manque en fait ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire applicable au présent litige n'impose que l'intégralité des dispositions des articles L. 521-1 à 3 du code de l'habitation soient intégralement reproduites dans l'arrêté portant déclaration d'insalubrité ; que, dans ces conditions, M. D...n'est pas fondé à soutenir que l'absence d'une telle citation intégrale entacherait d'illégalité l'arrêté litigieux ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des trois premiers alinéas de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : / 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; / 2° Sur les mesures propres à y remédier " ; que le quatrième alinéa du même article, issu de l'ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005, précise que : " L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction " ; qu'aux termes de l'article L. 1331-28 du même code : " I. - Lorsque la commission ou le haut conseil conclut à l'impossibilité de remédier à l'insalubrité, le représentant de l'Etat dans le département déclare l'immeuble insalubre à titre irrémédiable, prononce l'interdiction définitive d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux et précise, sur avis de la commission, la date d'effet de cette interdiction, qui ne peut être fixée au-delà d'un an. Il peut également ordonner la démolition de l'immeuble. / (...) / II. - Lorsque la commission ou le haut conseil conclut à la possibilité de remédier à l'insalubrité, le représentant de l'Etat dans le département prescrit par arrêté les mesures adéquates ainsi que le délai imparti pour leur réalisation sur avis de la commission ou du haut conseil et prononce, s'il y a lieu, l'interdiction temporaire d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux. / (...) " ;
8. Considérant que les dispositions précitées, qui s'appliquent aux immeubles présentant un danger pour la santé à raison des conditions dans lesquelles ils sont occupés, ne sont pas limitées aux seuls locaux faisant l'objet d'un bail à habitation ; que l'immeuble déclaré insalubre faisait partie des biens loués par M. D...dans le cadre du bail à ferme qu'il a conclu, ce dernier ne pouvant utilement soutenir qu'il n'en aurait été qu'un accessoire ; qu'il était donc susceptible de faire l'objet d'une déclaration d'insalubrité ;
9. Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance, à la supposer même établie, que l'insalubrité résulterait du comportement des locataires est sans incidence sur la possibilité pour le préfet de déclarer l'insalubrité de l'immeuble et de prendre les mesures prescrites par l'article L. 1331-28 du code de la santé publique ;
10. Considérant, en sixième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du quatrième alinéa de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique que l'insalubrité ne peut être qualifiée d'irrémédiable que lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin ou que les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction ; que, dans le cas où, ces conditions n'étant pas remplies, l'insalubrité ne peut être regardée comme présentant un caractère irrémédiable, il résulte des dispositions du II de l'article L. 1331-28 du même code qu'il appartient à l'autorité administrative de prescrire la réalisation par le propriétaire des mesures strictement nécessaires pour y mettre fin, sans que l'intéressé puisse faire valoir utilement que le coût des mesures ordonnées est disproportionné par rapport à la valeur vénale de l'immeuble ou aux revenus qu'il en retire ;
11. Considérant, d'une part, que, si M. D...fait valoir que les travaux nécessaires impliquent une intervention sur le gros-oeuvre du bâtiment, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux prescrits par l'arrêté litigieux seraient techniquement impossibles ; qu'il n'est pas contesté que les travaux prescrits sont de nature à mettre fin à l'insalubrité affectant le bâtiment ;
12. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le coût des travaux de réhabilitation n'excède pas le coût de reconstruction du bien faisant l'objet des mesures litigieuses, ainsi que cela résulte de l'évaluation réalisée par PACT Puy-de-Dôme, qui avait évalué ces montants respectivement à 74 725 euros toutes taxes comprises s'agissant de la réhabilitation et à 129 000 euros toutes taxes comprises pour une reconstruction ; que l'étude réalisée par M.B..., expert, le 9 septembre 2015, n'est pas de nature à remettre en cause ce constat ; qu'en effet, cette étude raisonne au regard d'une superficie de 52 mètres carrés, sans justification précise, alors qu'il ressort du rapport remis au conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, comportant une présentation détaillée des différentes pièces du logement, que la surface de l'habitation est de 64 mètres carrés et que la rectification de la surface aboutit, même en retenant le chiffrage de construction au mètre carré de cet expert, à ce que le coût de la reconstruction devienne supérieur au coût de la simple réparation ; que, par ailleurs, le moyen tiré de ce que le coût des travaux était disproportionné par rapport à la valeur vénale du bien et au loyer prévu par le bail est inopérant ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'insalubrité de son bien a été regardée comme remédiable ;
14. Considérant, en septième lieu, que les dispositions des articles L. 1331-26 et L. 1331-28 du code de la santé publique n'ont ni pour objet, ni pour effet de permettre à l'autorité administrative de prescrire la réalisation de travaux par le propriétaire de locaux à la fois inoccupés et libres de location et dont l'état ne constitue pas un danger pour la santé des voisins ; que le juge administratif, saisi d'un recours de plein contentieux contre un arrêté d'insalubrité, doit tenir compte de la situation existant à la date à laquelle il se prononce et peut, au besoin, modifier les mesures ordonnées par l'autorité administrative ; que lorsqu'il constate que, postérieurement à l'intervention de l'arrêté qui lui est déféré, le bail a été résilié et que les locaux, qui ne menacent pas la santé des voisins, se trouvent désormais à la fois inoccupés et libres de location, il lui appartient d'annuler l'arrêté en tant qu'il ordonne la réalisation de travaux par le propriétaire et de ne le laisser subsister qu'en tant qu'il interdit l'habitation et, le cas échéant, l'utilisation des lieux ;
15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le logement en cause, dont il n'est pas allégué qu'il représenterait un danger pour les voisins, est, à la date du présent arrêt, inoccupé ; que, cependant, et malgré les demandes d'information adressée par la cour au conseil de M. D..., en dernier lieu le 5 novembre 2015, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, le bail incluant ce logement serait venu à son terme, en particulier par le biais d'une résiliation ou d'un refus de renouvellement, ce qui fait obstacle à ce que le logement puisse être qualifié libre de location ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'inoccupation des lieux ferait obstacle au prononcé de prescriptions ordonnant la réalisation des travaux doit être écarté ;
16. Considérant, en huitième et dernier lieu, que, si les locataires de M. D...ont pu se reloger sans que l'intéressé ait eu à leur assurer un hébergement provisoire, cette circonstance, si elle dispensait le demandeur de cette obligation, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...D...et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2016, où siégeaient :
- Mme Verley-Cheynel, président de chambre,
- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 février 2016.
''
''
''
''
N° 14LY00768
N° 15LY01480 2