M. F...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 15 janvier 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de tout pays dont il a la nationalité ou pour lequel il établit être légalement admissible.
Par le jugement n° 1501271 du 23 juin 2015 le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 octobre 2015 sous le n° 15LY03265, M. F... représenté par Me A...demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 juin 2015 ;
2°) d'annuler les décisions préfectorales du 15 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour autorisant l'exercice d'une activité professionnelle conformément au 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) à titre infiniment subsidiaire d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation, de saisir la commission du titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire accompagnée d'une autorisation de travail dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à charge pour Me A...de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
M. F... soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et ne fait état d'aucun examen de sa situation au regard de son intégration professionnelle, sociale, culturelle ;
- la procédure de délivrance de ce titre est irrégulière en raison d'un défaut de saisine de la commission du titre de séjour dès lors que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, il justifiait de plus de dix ans de présence en France ;
- le préfet a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car, contrairement a ce qu'a jugé le tribunal administratif, il démontre une résidence habituelle certaine depuis 2001, justifie d'activités professionnelles depuis de nombreuses années, ses attaches familiales se situent en France, son épouse devrait bénéficier d'un titre en raison de son état de santé ;
- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant un délai de départ volontaire sont illégales du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision sur le pays de destination est entachée d'un défaut de motivation ;
- cette décision méconnaît aussi les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et soutient, en se rapportant à ses écritures de première instance, qu'aucun moyen n'est fondé.
Le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. F... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2015.
II - N° 15LY03266
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...D...épouse F...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 15 janvier 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de tout pays dont elle a la nationalité ou pour lequel elle établit être légalement admissible.
Par le jugement n° 1501269 du 23 juin 2015 le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 octobre 2015 sous le n° 15LY03266, Mme F...représentée par Me A...demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 juin 2015 ;
2°) d'annuler les décisions préfectorales du 15 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation et de saisir le médecin de l'agence régionale de santé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à charge pour Me A...de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Mme F...soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le préfet n'a pas indiqué les raisons pour lesquelles il a refusé de renouveler son titre de séjour ni apporté suffisamment d'éléments pour renverser la charge de la preuve de l'existence d'un traitement au Kosovo ;
- la procédure est irrégulière faute pour le préfet d'avoir saisi à nouveau le médecin de l'agence régionale de santé, treize mois après un premier avis indiquant que la poursuite du traitement était nécessaire pendant six mois ;
- le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a également méconnu le 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du même code ainsi que l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car son mari réside depuis plus de dix ans en France où il est bien intégré professionnellement, elle est en situation régulière en France depuis quatre ans et demi et y a une vie familiale durable et intense ;
- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant un délai de départ volontaire sont illégales du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- cette décision méconnaît aussi les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et soutient, en se rapportant à ses écritures de première instance, qu'aucun moyen n'est fondé.
Le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme F...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2015.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin, rapporteur,
- les observations de MeC..., substituant MeA..., représentant M. et Mme F....
1. Considérant que M. et MmeF..., nés respectivement en 1973 et en 1975 sont ressortissants kosovars ; que M. F...serait arrivé pour la première fois en France en 1999 puis reparti, à la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, avant de revenir en novembre 2001 ; que sa nouvelle demande d'asile et sa demande d'asile territorial ayant été rejetées respectivement en 2002 et en mars 2004, le préfet du Rhône a refusé de régulariser sa situation en juin 2004 ; que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ce refus par jugement du 23 novembre 2006 ; qu'ayant sollicité un nouvel examen de sa demande d'asile, M. F... s'est vu opposer une décision de refus de l'OFPRA le 31 mai 2006 et de la commission de recours des réfugiés le 3 mai 2007 ; qu'en août 2008, il a déposé une demande de titre de séjour que le préfet a rejetée par une décision du 26 novembre 2008 ; que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre cette décision par un jugement du 26 mai 2009 et la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête par un arrêt du 2 juin 2010 ; que MlleD..., entrée quant à elle en France le 14 mai 2010, a vu sa demande d'asile rejetée par décision de l'OFPRA du 28 mars 2011 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 novembre suivant ; qu'elle a ensuite bénéficié, du 4 janvier 2012 au 3 janvier 2014, d'un titre de séjour en raison de son état de santé ; que Mlle D...et M. F...vivant en concubinage, le préfet du Rhône a délivré à celui-ci un titre de séjour valable du 2 avril 2012 au 3 janvier 2013 sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mlle D...et M. F...ont eu un enfant né en France en février 2012 et se sont mariés en septembre 2013 au Kosovo ; que, par des décisions du 15 janvier 2015, le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que, par des jugements du 23 juin 2015 dont ils relèvent appel chacun en ce qui le concerne, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes dirigées contre ces décisions ;
2. Considérant que ces requêtes qui concernent la situation d'un couple de ressortissants étrangers présentent à juger des questions voisines ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7./ L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...)" ; que l'article L. 312-1 dudit code prévoit que dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour ;
4. Considérant qu'il ressort de la décision contestée du 15 janvier 2015 que le préfet du Rhône a examiné la possibilité de délivrer à M. F...une carte de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 précité ; qu'après avoir relevé que l'intéressé déclare vivre en France depuis novembre 2001, le préfet a estimé qu'il ne justifiait pas de sa présence sur le territoire français depuis au moins dix ans et que, de ce fait, la commission du titre de séjour n'avait pas à être saisie en application de ces dispositions ; que, toutefois, par les pièces qu'il a produites, notamment celles produites pour la première fois en appel, M. F...démontre qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans ; qu'ainsi, à supposer, comme l'ont relevé les premiers juges, que puisse subsister un doute pour les années 2003 et 2004, il n'en va pas de même à compter de l'année 2005 ; qu'en particulier, pour les années 2010 et 2011 ainsi que pour le second semestre 2009 M. F... a produit des déclarations de recettes qu'il a régulièrement faites à la trésorerie de Vénissieux ; que, dès lors, M. F...est fondé à soutenir qu'avant de prendre la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 précité, le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d' une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, comme il a été précédemment rappelé, M. F...est installé depuis plus de dix ans en France où il a fondé une famille avec Mlle D...qui était quant à elle en France depuis près de cinq ans à la date de la décision contestée et avec laquelle il s'est marié en 2013 ; que leur enfant est né en France en 2012 et y est désormais scolarisé ; que M. F...établit en outre par les diverses pièces produites relatives à sa situation professionnelle que sa famille est bien intégrée ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir qu'en refusant de leur délivrer un titre de séjour, le préfet du Rhône a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention précitée ;
6. Considérant, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que les refus de titre de séjour contestés doivent être annulés ainsi que, par voie de conséquence, les autres décisions du 15 janvier 2015 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme F... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes dirigées contre ces décisions ;
Sur les autres conclusions :
8. Considérant que le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. et à Mme F...dans le délai de deux mois à compter de sa notification ;
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement à MeA..., conseil de M. et MmeF..., de la somme totale de 1 200 euros, au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, sous réserve pour Me A...de renoncer dans chacun des dossiers au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Lyon n°s 1501271 et 1501269 du 23 juin 2015 sont annulés.
Article 2 : Les décisions du préfet du Rhône en date du 15 janvier 2015 refusant de délivrer un titre de séjour à M. et Mme F...et les obligeant à quitter le territoire à destination du pays dont ils déclarent avoir la nationalité ou de tout autre pays dans lequel ils établissent être légalement admissibles sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. et à Mme F...un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à MeA..., conseil de M. F..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que Me A...renonce à percevoir la part correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requérants est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...F...et à Mme E...F..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 18 février 2016 où siégeaient :
- Mme Verley-Cheynel, président de chambre,
- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
- Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
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N°s 15LY03265, 15LY03266