Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 janvier 2016, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 décembre 2015.
Le préfet soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé ses décisions du 8 décembre 2015 pour méconnaissance du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Gondouin, rapporteur.
1. Considérant que M.B..., ressortissant kosovar né en février 1988, est entré irrégulièrement en France en juillet 2012 ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 mai 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 février 2014 ; qu'à la suite de cette décision, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixé le pays de destination ; que le tribunal administratif de Grenoble, par un jugement du 16 octobre 2014, a rejeté la demande de M. B... dirigée contre ces décisions ; que, contrôlé le 8 décembre 2015 à Annecy par les services de la police aux frontières, M. B...a fait l'objet le même jour d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, d'une décision fixant le pays de destination et d'une mesure de placement en rétention administrative ; que le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 11 décembre 2015 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 8 décembre 2015 refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. B...et ordonnant son placement en rétention administrative ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Considérant qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;
3. Considérant que, pour refuser d'accorder à M. B...un délai de départ volontaire, le préfet de la Haute-Savoie s'est fondé sur la double circonstance qu'il s'était soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement datée du 10 avril 2014 et qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, " notamment parce qu'il ne justifie pas d'une résidence durable et stable en France, un hôtel peut être quitté à tout moment et ne saurait constituer un domicile stable et durable " ;
4. Considérant que M. B...est hébergé avec sa compagne, MmeD..., dans un hôtel d'Annecy dans l'attente d'un accueil en centre pour demandeurs d'asile, la demande d'asile de Mme D...n'ayant pas encore été instruite ; qu'à supposer que ce type d'hébergement permette de regarder l'étranger qui en bénéficie comme disposant de garanties de représentation suffisantes, il n'en demeure pas moins, comme le soutient le préfet de la Haute-Savoie devant la cour, que M. B...ne disposait d'aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité ainsi que cela résulte du procès-verbal de son audition par les services de police le 8 décembre 2015 ; qu'en outre la seule circonstance que M. B...s'était soustrait à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire du 10 avril 2014 pouvait justifier un refus de lui accorder un délai de départ volontaire sur le fondement du d) du 3° du paragraphe II de l'article L. 511-1 précité ; que le fait que M. B...entende se maintenir sur le territoire pour rester avec sa compagne et leur fils dans l'attente de la décision sur la demande d'asile de celle-ci, ne saurait constituer une circonstance particulière pour l'application des dispositions du 3° du paragraphe II de l'article L. 511-1 précité ; que, dès lors, c'est à tort que pour annuler la décision préfectorale du 8 décembre 2015 refusant d'assortir d'un délai de départ volontaire l'obligation faite à M. B... de quitter le territoire français, et par voie de conséquence la décision le plaçant en rétention administrative, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a retenu que le préfet de la Haute-Savoie avait méconnu le paragraphe II de l'article L. 511-1 du code précité ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif ;
Sur les autres moyens :
6. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 1er août 2014 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Savoie, délégation a été donnée à M.C..., directeur de la citoyenneté et des libertés publiques à l'effet de signer les décisions d'éloignement et les décisions visant à leur exécution en l'absence ou empêchement des membres du corps préfectoral ; que, dès lors qu'il n'est pas établi que ces membres n'aient pas été absents ou empêchés, les décisions attaquées, signées par M.C..., ne sont pas entachées d'incompétence ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que les décisions contestées comportent l'ensemble des circonstances de droit et de fait qui les fondent et répondent ainsi aux exigences résultant de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions doit donc être écarté ;
8. Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que, " à moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; que la première phrase de l'article L. 561-2 précise que " dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ; qu'aux termes de l'article L. 562-1 alors applicable : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1 lorsque l'étranger est père ou mère d'un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 du présent code, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l'étranger " ;
9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, intervenues pour transposer la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables, dans les États membres, au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 16 juin 2011, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle entend mettre à exécution une des décisions d'éloignement visées à l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prise à l'égard d'un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français, d'apprécier, au regard des circonstances propres à l'intéressé, notamment au regard du risque que celui-ci tente de se soustraire à la mesure d'éloignement et aux garanties de représentation effectives dont il dispose, s'il peut le laisser en liberté, l'assigner à résidence, ou le placer en rétention administrative ; que, s'agissant des étrangers parents d'enfants mineurs ne présentant pas de garanties suffisantes de représentation, visés à l'article L. 562-1 du même code, le recours au placement en rétention ne doit constituer qu'une mesure d'exception réservée au cas où l'étranger ne disposerait pas, à la date à laquelle l'autorité préfectorale prend les mesures nécessaires à la préparation de l'éloignement, d'un lieu de résidence stable ;
10. Considérant que la mesure de placement en rétention est fondée sur la circonstance que M. B...ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il est sans domicile fixe en France et qu'un hôtel pouvant être quitté à tout moment, il ne saurait constituer un domicile stable et durable ; que, cependant, M. B...soutient sans être sérieusement contredit, qu'il vit de manière stable dans un hôtel à Annecy, dont l'adresse est connue, avec sa compagne et leur fils âgé de quatre ans à la date de la décision contestée ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet de la Haute-Savoie pouvait, pour assurer l'exécution de la mesure d'éloignement, prendre une mesure moins contraignante pour M. B...qu'une mesure de placement en rétention administrative ; que la décision du 8 décembre 2015 prévoyant le placement de M. B...en rétention administrative doit être, pour ce motif, annulée ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 8 décembre 2015 refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M.B... ; qu'il n'est, en revanche, pas fondé à se plaindre de ce que ce même magistrat a annulé sa décision du même jour ordonnant le placement en rétention administrative de M.B... ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1510288 du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon du 11 décembre 2015 est annulé en tant qu'il a annulé la décision du préfet de la Haute-Savoie du 8 décembre 2015 refusant un délai de départ volontaire à M.B....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2016 où siégeaient :
- M. Mesmin d'Estienne, président,
- Mme Gondouin, premier conseiller,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 juin 2016.
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N° 16LY00309