Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 novembre 2019, Mme G... et M. F..., représentés par Me Schürmann, avocat, demandent à la cour :
1°) de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement n° 1906147,1906159 du 30 octobre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ;
3°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
4°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution des décisions du 3 septembre 2019 jusqu'à la notification de l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile ;
5°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de leur délivrer une attestation de demandeur d'asile dans un délai de 48 heures, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer leur demande ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Ils soutiennent que :
- les obligations de quitter le territoire français sont devenues caduques du fait de la délivrance d'attestations de demandeur d'asile le 23 septembre 2019 ;
- elles sont entachées d'un défaut d'examen de leur situation personnelle, le préfet ayant omis d'évoquer l'état de santé de M. F....
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont informées de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'eu égard à l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 10 mars 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce que l'exécution des obligations de quitter le territoire français attaquées soit suspendue en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. F... et Mme G... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme A..., présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... et M. F..., de nationalité géorgienne, nés respectivement, le 3 mars 1976 et le 22 septembre 1971, sont entrés en France, le 19 juillet 2018. L'asile leur a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 19 juillet 2019. Par décisions du 3 septembre 2019, le préfet de l'Isère, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par décisions du 10 mars 2020, notifiées le 10 avril 2020, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé ces refus. Mme G... et M. F... ont demandé, le 17 septembre 2019, au tribunal administratif de Grenoble de prononcer l'annulation des décisions du 3 septembre 2019 par lesquelles le préfet de l'Isère leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme G... et M. F... font appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Il est constant que l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. F... et à Mme G... par une décision du 11 décembre 2019. Par suite, leurs conclusions tendant à ce que leur soit accordée l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur les autres conclusions :
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, applicable, conformément à l'article 23 du décret n° 2018-1159 du 14 décembre 2018 aux décisions prises après le 1er janvier 2019 : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...). 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ; (...). ". Aux termes de l'article L. 723-2 du même code : " I - L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; / ".
5. Il ressort des pièces du dossier que les demandes d'asile de Mme G... et M. F... ont été rejetées par des décisions du 19 juillet 2019 du directeur général de l'OFPRA statuant sur le fondement du 1° du I de l'article L. 723-2. Il n'est pas contesté que ces décisions ont été notifiées aux intéressés respectivement les 30 juillet et 6 août 2019. Ainsi, ces derniers ne bénéficiaient plus, à compter de ces dates, du droit de se maintenir sur le territoire français. Dès lors, les requérants ne peuvent utilement faire valoir que postérieurement aux décisions en litige, le préfet leur a renouvelé leurs attestations de demandeurs d'asile. Par suite, à la date des décisions attaquées, le préfet de l'Isère pouvait légalement obliger les intéressés à quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance que les décisions en litige ne mentionnent pas le fait que M. F... aurait sollicité à plusieurs reprises un rendez-vous auprès des services préfectoraux en vue de déposer une demande de titre de séjour en raison de son état de santé ne révèle pas que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de leur situation.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ".
8. Les recours devant la Cour nationale du droit d'asile de Mme G... et de M. F... ayant été définitivement rejetés par décisions du 10 mars 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution des décisions du 3 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français, qui sont devenues, depuis sans objet.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme G... et M. F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire ainsi que sur celles tendant à la suspension de l'exécution des décisions du 3 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme G... et M. F... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... G..., à M. B... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.
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N° 19LY04138