Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoire enregistrés les 2 janvier, 1er septembre, 4 novembre et 6 novembre 2020, dont le dernier n'a pas été communiqué, le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes, représenté par Me E..., avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de la société Bouygues immobilier une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il est recevable à agir à l'encontre du permis de construire litigieux, conformément aux dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- le projet de la société Bouygues immobilier qui porte sur la construction d'un ensemble immobilier de deux bâtiments de 16 mètres de hauteur, d'une surface de plancher de 3 097,07 m² pour un terrain de 2 638 m², est un projet de densité forte, qui ne correspond pas aux ouvrages de densité moyenne, ni de densité et de hauteur plus faible autorisés pour le sous-secteur UCa ; ainsi, le projet méconnaît le préambule de la section UC du plan local d'urbanisme ;
- le projet ne respecte pas les dispositions et orientations de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme, dans la mesure où il nuit au cadre de vie et qu'il se caractérise par des constructions de grandes hauteurs là où la vocation du secteur est d'accueillir des hauteurs moindres, et par une densité élevée, qui contrevient aux grandes orientations de la zone ;
- les futurs bâtiments vont totalement masquer l'ensoleillement et la vue sur la colline dont les résidents disposaient, qu'ils vont créer des vues directes sur la façade ouest de la copropriété et qu'ils vont engendrer pour les résidents une perte d'ensoleillement ;
- ce projet méconnaît le paragraphe 10.11 de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme ;
- la création de deux bâtiments de 47 logements va entrainer un surcroit de trafic et le projet ne répond pas aux exigences de desserte telles qu'elles figurent à l'article UC 3 du plan local d'urbanisme ; ainsi, le projet méconnait également l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire enregistré le 9 juin 2020, la commune de Chamalières, représentée par la SCP Teillot et associés conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le requérant ne justifie pas de son intérêt à agir ;
- la requête qui ne respecte pas l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme n'est pas recevable ;
- le préambule de la section UC est inopposable ; en tout état de cause, ce moyen se recoupe avec celui tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UC11 ;
- le projet n'est entaché d'aucune erreur d'appréciation au regard de l'article UC11 du plan local d'urbanisme ;
- il n'est pas établi que les voies de circulation ne seraient pas dimensionnées pour accueillir la circulation du projet et que l'article UC 3 du plan local d'urbanisme serait méconnu.
Par des mémoires enregistrés les 25 juin et 8 octobre et 5 novembre 2020, la société Bouygues immobilier, représentée par Me C... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête qui se borne à reprendre l'argumentation de première instance n'est pas recevable ;
- le moyen tiré d'une prétendue méconnaissance de la vocation de la zone UC n'est pas fondé ;
- le projet est conforme aux dispositions de l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le choix de toitures à la Mansart ne méconnaît pas le paragraphe 11.10 de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme ;
- les conditions de desserte du projet sont suffisantes et conformes aux dispositions de l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- en tout état de cause, ce vice peut être régularisé par un permis de construire modificatif en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- les observations de Me E..., représentant le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes, Me B..., représentant la commune de Chamalières, et de Me D..., représentant la société Bouygues immobilier ;
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes relève appel du jugement du 6 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2018 par lequel le maire de la commune de Chamalières a délivré à la société Bouygues immobilier un permis de construire pour la construction de deux immeubles d'un total de 47 logements.
2. En premier lieu, selon le préambule de la section UC du plan local d'urbanisme de la commune de Chamalières, la section UC est " une zone de transition urbaine où se côtoient habitat collectif et individuel de densité moyenne. Ces espaces sont susceptibles d'évoluer progressivement dans la continuité des zones de plus forte densité. Y sont implantés principalement des opérations de logements et d'activités tertiaires. (...) S'il convient de conserver la morphologie générale de la zone, la réhabilitation ou le renouvellement de certains bâtiments doivent être facilités afin de conforter les différentes fonctions du secteur, sauvegarder l'intérêt paysager ou architectural du site et améliorer le cadre de vie. / Un sous-secteur UCa a été déterminé pour les secteurs d'une densité et d'une hauteur plus faibles (...) ".
3. Le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes soutient que le projet litigieux qui sera de forte densité méconnaît les caractéristiques de la section UC du plan local d'urbanisme de la commune de Chamalières telles qu'elles sont exposées dans son préambule et qui dans l'esprit des rédacteurs du plan local d'urbanisme de Chamalières n'autoriseraient que des constructions de moyenne, voire de faible densité. Toutefois, s'il éclaire le contenu du règlement de la zone concernée et expose les motifs qui ont guidé ses auteurs, le préambule de la section UC est dépourvu de valeur contraignante. Le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes ne peut, par suite, utilement s'en prévaloir.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme de la commune de Chamalières règlementant l'aspect extérieur, l'architecture et les clôtures de la zone UC : " Les constructions nouvelles édifiées doivent participer, par leur situation, par leur architecture, par leur dimension, par leur aspect extérieur, à l'intérêt et à la mise en valeur de leur environnement, des sites, des paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. / De plus, les projets participeront à la mise en oeuvre des objectifs de qualité environnementale notamment par leur architecture (qualité, dimensions et réorientations des ouvertures, choix des matériaux, performances thermiques, capteurs solaires, éventuellement façades végétalisées...). (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des différentes photographies produites, que les constructions situées aux environs du terrain d'assiette du projet litigieux, sont très disparates en terme de hauteur dès lors qu'on y retrouve aussi bien des maisons individuelles que des immeubles collectifs de trois ou quatre niveaux. Aucune ne comporte d'éléments architecturaux spécifiques et elles ne présentent entre elles aucune unité. Le projet en litige porte sur la création de deux immeubles respectivement de 4 et 5 niveaux afin d'accueillir des logements. Ces immeubles n'entraînent pas de rupture avec leur environnement immédiat de par leur volumétrie ou leur aspect extérieur dès lors que plusieurs immeubles collectifs du même type sont implantés à proximité. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la hauteur des constructions entrainerait à elle seule une rupture avec l'environnement immédiat qui comprend des immeubles de logements collectifs de trois et quatre étages, ainsi que des ensembles immobiliers de deux bâtiments. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme doit donc être écarté.
7. En troisième lieu, si le syndicat requérant fait valoir que les futurs bâtiments vont totalement masquer l'ensoleillement et la vue sur la colline dont les résidents disposaient, qu'ils vont créer des vues directes sur la façade ouest de la copropriété et qu'ils vont engendrer pour les résidents une perte d'ensoleillement, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux qui est délivré sous réserve du droit des tiers.
8. En quatrième lieu, les dispositions de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme de la commune de Chamalières relatives aux " Toitures, couvertures, fenêtres de toit " prévoient que : " Du fait de la configuration topographique de la commune, les toitures seront élaborées comme une " cinquième façade ", devant participer à la qualité architecturale de l'espace urbain. / 11.10 Les toitures seront réalisées avec un ou plusieurs pans, en tuiles canal ou romane de couleur rouge (...) / 11.12 La disposition 11.10 peut ne pas s'appliquer sous réserve d'un projet architectural argumenté participant à la mise en valeur et à l'intérêt des lieux, d'autres types de toitures et de matériaux pourront être autorisés et notamment : - les toitures à pans avec brisis à la Mansart, les toitures courbes ; - les toitures en zinc, acier ; - les toitures à pans utilisant une tuile de couleur noire ou de l'ardoise ; - les toitures intégralement végétalisées ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit une couverture des immeubles par des toitures à la Mansart. Ce type de toiture est autorisé par les dispositions précitées du paragraphe 11.12, par dérogation à la toiture avec un ou plusieurs pans, en tuiles canal ou romane de couleur rouge, sous réserve de présenter un intérêt architectural en harmonie avec le paysage naturel ou le bâti existant. Si le syndicat requérant fait valoir que les constructions avoisinantes sont essentiellement recouvertes de toitures de couleur rouge, ainsi qu'il a été dit, les bâtiments envisagés s'insèrent dans une zone où les constructions ne présentent aucun élément architectural particulier. Il ressort du dossier de demande de permis de construire et notamment du plan des façades et de la notice architecturale figurant dans le dossier de demande de permis de construire, que le choix de toitures à la Mansart de couleur gris graphite qui comprend des pans relève d'un projet architectural tenant compte du milieu naturel et bâti environnant. Ainsi, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, ces éléments ne sont de nature à introduire aucune disharmonie avec le bâti existant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 11.10 de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme doit être écarté.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) ". Aux termes de l'article UC 3 du plan local d'urbanisme de la commune de Chamalières : " 3.1 Les terrains doivent être desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique et aux personnes utilisant ces accès. / 3.2 Toute opération doit par conséquent comporter le minimum d'accès sur les voies publiques. Lorsque le terrain est riverain de plusieurs voies publiques, l'accès sur celle de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit. (...) / 3.5 Les voies et accès sur les unités foncières devront être compatibles avec l'importance de l'opération envisagée. La largeur des voies ne pourra être inférieure à 3 mètres. (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que la desserte du projet se fera par la rue de l'Ecorchade, d'une largeur de près de 6 mètres et à double sens de circulation. Si le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes fait valoir que cette voie est située en limite de zone de stationnement payant et qu'elle est en permanence encombrée de véhicules en stationnement, la photographie qu'il produit pour faire état de cette réalité ne suffit pas à établir que cette voie d'accès serait insuffisante alors que le projet litigieux prévoit la création de 66 places de stationnement. Dans ces conditions, le maire de Chamalières n'a pas méconnu l'article UC 3 précité.
12. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes demande sur leur fondement soit mise à la charge de la société Bouygues immobilier, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions du même article, de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Chamalières et le versement d'une même somme à la société Bouygues immobilier au titre des frais exposés à l'occasion du litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes est rejetée.
Article 2 : Le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes versera une somme de 2 000 euros à la commune de Chamalières, au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative et une somme de 2 000 euros à la société Bouygues immobilier, au titre de ces mêmes dispositions.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Garnaudes, à la commune de Chamalières et à la société Bouygues immobilier.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffele 3 décembre 2020.
2
N° 20LY00004