Par un arrêt n° 17LY02328 du 7 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre une partie de ce jugement.
Par une décision n° 428658 du 25 février 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour M. et Mme B..., a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2017, M. et Mme B..., alors représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 avril 2017, en tant qu'il a rejeté les conclusions de leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à raison d'une plus-value de cession de valeurs mobilières ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 à raison d'une plus-value de cession de valeurs mobilières, ainsi que des pénalités correspondantes.
Ils soutiennent que :
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le courrier du 18 septembre 2012, adressé au-delà du délai de prescription, ne pouvait avoir la valeur d'une nouvelle proposition de rectification, la première étant insuffisamment motivée s'agissant du chef de redressement relatif à une plus-value de cession de valeurs mobilières ;
- la doctrine administrative, telle qu'elle est exprimée dans sa documentation BOI-CF-PGR-10-10-2016076, précise que, pour que la prescription soit interrompue, la proposition de rectifications ne doit pas être entachée d'irrégularité et doit parvenir au destinataire dans le délai de reprise, la jurisprudence ayant confirmé que l'acte interruptif de prescription doit être régulier au regard de la procédure dans laquelle il s'insère.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la procédure d'imposition est régulière.
Par des mémoires en défense après cassation, enregistrés le 2 juillet et le 18 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens.
Il fait en outre valoir que l'administration a eu connaissance du montant de la plus-value mentionné dans la proposition de rectification du 19 décembre 2011 par les déclarations qui lui ont été faites par la société MCE 5 Development, dont M. B... est le dirigeant, et par M. B... lui-même, ce dernier ne pouvant dès lors soutenir utilement qu'il n'avait pas connaissance du montant de la plus-value, de ses modalités de calcul ou de son origine.
Par des mémoires après cassation, enregistrés le 23 octobre 2020 et le 12 janvier 2021, M. et Mme B..., représentés par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens, et demandent, en outre, que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- la circonstance que l'administration ait eu connaissance d'une cession d'actions par la société MCE 5 Development ne la dispensait pas de satisfaire aux prescriptions requises par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dès lors que cette déclaration provenait d'une société de capitaux, distincte du contribuable redressé, et alors que la preuve de cette déclaration par la société n'est en tout état de cause pas rapportée par la production d'un bulletin de recoupement dont la date est postérieure à la proposition de rectification ;
- la circonstance que M. B... ait déposé des déclarations de cessions de droits sociaux est inopérante pour l'appréciation du caractère suffisamment motivé de la proposition de rectification, dès lors qu'il n'a déclaré aucune plus-value.
Par ordonnance du 26 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 novembre 2020.
Par une ordonnance du 21 décembre 2020, l'instruction a été rouverte.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., premier conseiller,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant M. et Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. G... B... et Mme C... B... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leur déclaration à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008, à l'issue duquel leur a été adressée une proposition de rectification du 19 décembre 2011 leur notifiant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assortis des pénalités correspondantes, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, d'une part, et, d'autre part, à raison d'une plus-value non déclarée de cession de valeurs mobilières consécutive à la vente par M. B... de parts sociales de la société anonyme MCE 5 Development. M. et Mme B... relèvent appel d'un jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 avril 2017 en tant seulement qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis à raison de la plus-value de cession de valeurs mobilières non déclarée.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Selon l'article R. 57-1 : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressement doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile.
3. Aux termes, d'autre part, du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Toutefois, aux termes du premier alinéa de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun ". Lorsqu'elle est émise dans le cadre d'une procédure contradictoire, la notification d'une proposition de redressements mentionnée à l'article L. 189 du livre des procédures fiscales n'a d'effet interruptif sur la prescription du droit de reprise ouvert à l'administration fiscale qu'à la condition qu'elle soit conforme aux exigences de motivation résultant de l'article L. 57 du même livre.
4. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 19 décembre 2011 adressée à M. et Mme B..., après avoir rappelé la teneur des articles 150-0 A à 150-0 E du code général des impôts relatifs à la taxation des gains de cessions de valeurs mobilières ou de droits sociaux des personnes physiques, se borne à mentionner que les contribuables ont réalisé, à raison de la cession en 2008 de valeurs mobilières détenues par M. B... au sein de la société SA MCE 5 Development, une plus-value de 484 699 euros qu'ils n'ont pas déclarée au titre de leurs revenus de l'année 2008. Ainsi, cette proposition de rectification ne comporte pas d'indications relatives au mode de calcul de la plus-value, en l'absence notamment de précisions sur le nombre de parts ayant fait l'objet de la cession, leur prix de cession, leur origine ou leur prix d'acquisition et le mode de calcul ayant permis de déterminer le gain à soumettre à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des plus-values de cession. Le " bulletin de recoupement " édité le 15 juillet 2014 et produit par le ministre, faisant état de la déclaration par la société MCE 5 Development d'une plus-value de cession de valeurs mobilières au bénéfice de M. B..., ne peut suffire à établir que le montant de la plus-value proviendrait des déclarations personnelles du requérant antérieurement à la proposition de rectification. S'il résulte des dernières pièces versées aux débats que le prix de cession des actions a été fourni par M. B... lui-même à l'occasion notamment des déclarations de cessions de droits sociaux, non constatées par un acte, qu'il a établies au cours de l'année 2008, cet élément ne suffit pas, à lui seul, à déterminer le montant du gain taxable, en l'absence notamment de donnée relative à la valeur d'achat ou à l'origine des titres. Il suit de là que, faute de comporter des éléments par eux-mêmes suffisants pour permettre aux contribuables de formuler utilement leurs observations ou de faire connaître leur acceptation des rectifications qui leur étaient proposées, la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée. Par suite, elle n'a pu valablement interrompre le délai de prescription du droit de reprise de l'administration, qui était expiré lorsque l'administration, par son courrier du 18 septembre 2012 mentionnant un nouveau délai de réponse de trente jours, a porté les éléments requis à la connaissance des contribuables et ramené la plus-value à la somme de 472 067 euros. Dès lors, M. et Mme B... sont fondés à soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité, à raison du chef de rectification portant sur la plus-value de cession de valeurs mobilières non déclarée.
5. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 à raison de la réintégration en base d'une plus-value de cession de valeurs mobilières, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur les frais liés au litige :
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. et Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : M. G... B... et Mme C... B... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 à raison de la réintégration en base d'une plus-value de cession de valeurs mobilières d'un montant de 472 067 euros, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement n° 1409132 du tribunal administratif de Lyon du 18 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B..., à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme E..., première conseillère,
Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.
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N° 20LY00969
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