Procédure devant la cour
Par requête, enregistrée le 5 mars 2020, et un mémoire, enregistré le 20 novembre 2020 (non communiqué), M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2019 ainsi que l'arrêté du 13 décembre 2018 susvisé ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) aurait été rendu après délibération en vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- le préfet n'apporte pas la preuve du caractère authentique des signatures apposées par les médecins du collège de l'OFII et donc de la régularité de l'avis rendu ;
- le préfet n'a pas communiqué les documents ayant permis aux médecins d'apprécier la disponibilité du traitement approprié en Albanie ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour, est entachée d'une insuffisance de motivation et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2020, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., première conseillère,
- et les observations de Me D... pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant albanais, né le 25 mars 1960, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2018 pris par le préfet de l'Ain lui refusant le titre de séjour qu'il a sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Aux termes de l'article R. 31322 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 31311, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. "
3. M. C... fait valoir que la décision de refus de titre est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas démontré que les médecins composant le collège visé à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 se soient effectivement réunis et aient rendu leur avis le 4 décembre 2018 de manière collégiale. Toutefois, lorsque l'avis précise, comme dans le cas d'espèce, " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est pas rapportée par le requérant. Le moyen tiré du vice de procédure doit, par suite, être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ".
5. L'avis du 4 décembre 2018, émis en application des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'ordonnance du 8 décembre 2005 dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et du I de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 doit être écarté.
6. En troisième lieu, si M. C... soutient que le préfet ne lui a pas communiqué les éléments ayant permis au collège des médecins de l'OFII de considérer que le traitement auquel il est soumis est disponible en Albanie, aucune disposition, en particulier du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016, ne prévoit une telle communication.
7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossiers que le collège de médecins de l'OFII a estimé dans son avis du 4 décembre 2018 que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, l'avis précisant que l'état de santé de M. C... lui permet de voyager sans risque vers l'Albanie. Il est établi, par les pièces versées au dossier par l'intéressé, que ce dernier souffre des troubles anxio-depressifs associé à un état de stress post traumatique évoluant sur un mode délirant interprétatif évocateur d'un délire sensitif de Kretschner et qu'il suit un traitement médicamenteux associant notamment des neuroleptiques, anxiolytiques et antidépresseurs. Toutefois, M. C... n'a produit ni devant le tribunal ni devant la cour d'éléments de nature à contredire les mentions portées dans l'avis précité faisant état de la disponibilité dans son pays d'origine du traitement adapté à son état de santé, motif qui a justifié le refus de délivrance du titre de séjour sollicité. Il ne critique pas d'ailleurs les motifs retenus par le tribunal pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que le préfet a produit en première instance des éléments faisant état de la possibilité de traitements en Albanie pour la pathologie de l'intéressé. En outre, et pour ces mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant à M. C... la délivrance du titre de séjour sollicité. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la mesure d'éloignement :
8. Compte tenu de la légalité de la décision portant refus de séjour, M. C... ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
9. Pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la mesure d'éloignement ainsi que de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. C... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ni celle lui refusant un titre de séjour qui, au demeurant, n'en constitue pas le fondement pour contester la décision fixant le pays de destination.
11. M. C... réitère en appel le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi sans apporter aucun élément nouveau de fait et de droit ni critiquer les motifs retenus par le tribunal. Il y a lieu pour la cour d'adopter ces motifs et d'écarter ce moyen.
12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente à fin d'injonction et d'astreinte et celles formulées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme B..., présidente assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
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N° 20LY00981