Par une requête, enregistrée le 8 février 2019, et des mémoires enregistrés les 12 avril et 3 octobre 2019, M. A..., représenté par Me C..., avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 décembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler la décision du 1er juin 2018 du préfet de l'Isère ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer durant ce délai une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à Me C..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté du 1er juin 2018 est intervenu en violation du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il remplit les conditions posées par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour ; il justifie notamment du sérieux de ses études par l'obtention de son diplôme en juin 2019 ;
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 13 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président,
- les observations de Me C..., avocate de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Entré irrégulièrement sur le territoire français selon ses déclarations le 24 mai 2015, et pris en charge par l'aide sociale à l'enfance en tant que mineur isolé, M. A..., ressortissant albanais né le 26 février 2000 à Balish (Albanie), a sollicité le 31 octobre 2017 à sa majorité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er juin 2018, dont M. A... a sollicité l'annulation devant le tribunal administratif de Grenoble, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande d'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire, et a fixé son pays d'origine pour destination de cette mesure. M. A... relève appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité la délivrance, de plein droit, d'un titre de séjour en qualité de jeune majeur confié, avant d'avoir atteint l'âge de seize ans, à l'aide sociale à l'enfance sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, doit être écarté, en tant qu'il est inopérant, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère, qui ne s'est pas prononcé sur le mérite de la demande de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du même code dont il n'était pas saisi, a méconnu ces mêmes dispositions, qui au demeurant reprennent, à titre exceptionnel, les mêmes conditions à l'exception de la prise en charge de l'intéressé par l'aide sociale à l'enfance avant ses seize ans révolus.
Sur l'application du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée (...) ".
4. La situation de M. A..., qui justifie avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans, par un jugement du juge des enfants du 7 août 2015, doit être appréciée au regard de ces dispositions.
5. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement des dispositions citées au point 3, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.
6. Il ressort des pièces du dossier que si M. A..., entré en France à l'âge de quinze ans, pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, entend se prévaloir de sa scolarité, au cours de laquelle il a obtenu un diplôme de formation générale, et notamment d'un stage effectué dans ce cadre en " maintenance - chauffage ", il n'a pas poursuivi, par défaut d'assiduité, sa formation initialement engagée en menuiserie et, réorienté en apprentissage de carreleur-mosaïste, n'apporte aucun élément tendant à établir, à la date de la décision en litige à laquelle s'apprécie sa légalité, le caractère réel et sérieux de cette formation. Par ailleurs, il n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses parents et ses deux frères plus jeunes avec qui il conserve, contrairement à ses allégations, un lien, par communication électronique.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir, au regard notamment de sa possibilité de valoriser en Albanie, où il n'est pas isolé, la formation qu'il a reçue en France, que le préfet de l'Isère, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a méconnu les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en omettant de prendre en compte la globalité de sa situation et notamment sa formation de carreleur-mosaïste.
Sur les autres moyens de la requête :
8. Pour les mêmes motifs, il ressort des pièces du dossier et de l'ensemble des circonstances de l'espèce, que l'arrêté préfectoral en litige n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... des atteintes contraires aux stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni n'est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 1er juin 2018 et du jugement du 31 décembre 2018. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.
N° 19LY00513