2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial d'autoriser le projet lors de son prochain examen ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la cour administrative d'appel de Lyon est compétente en premier et dernier ressort pour statuer sur son recours, s'agissant d'une demande d'autorisation initiale déposée en 2013, et sa requête est recevable ;
- la décision de la CNAC est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle n'examine que trois des critères d'appréciation définis par la loi ;
- la commission ne peut refuser un projet en considération du caractère incomplet du projet sans avoir mis préalablement le pétitionnaire en mesure de produire les pièces ou informations manquantes ;
- le motif tiré de l'existence d'une cellule commerciale vacante à usage de commerce alimentaire à Annemasse est entaché d'erreurs de fait, la cellule commerciale en cause n'étant ni vacante, ni susceptible d'accueillir un hypermarché, mais aussi d'erreur de droit, dès lors que rien ne permet de justifier le refus d'un projet en considération de l'existence en centre-ville d'une cellule commerciale vacante ;
- en subordonnant l'autorisation demandée à l'existence d'un besoin local des consommateurs, la commission a méconnu tant les normes communautaires, et notamment l'article 14 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, que " la loi nationale " ;
- le motif, très général, tiré de l'absence de démonstration des effets du projet sur l'animation de la vie urbaine, alors qu'aucune information de ce type n'est exigée du demandeur par l'article R. 752-6 du code de commerce, procède d'une erreur d'appréciation, dès lors que son projet ne compromet pas l'aménagement du territoire, les commerces d'Annemasse n'étant pas en difficulté ;
- le motif tiré d'une prétendue absence de cheminements sécurisés sur le site même du projet, lesquels relèveront du permis de construire, est artificiel et ne saurait être retenu ;
- le motif tiré d'une prétendue insuffisance de l'insertion paysagère procède d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, dès lors que, compte tenu des qualités architecturales et environnementales du projet, une simple invitation à densifier les plantations à l'arrière du projet ne saurait permettre de caractériser une insertion paysagère insuffisante, alors en outre que les arbres existants laissent peu de place à une densification.
La Commission nationale d'aménagement commercial a produit ses pièces le 25 juillet 2019.
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 janvier 2020, par ordonnance du 19 novembre 2019.
Par un mémoire en intervention volontaire enregistré le 21 janvier 2020, qui n'a pas été communiqué, la communauté d'agglomération d'Annemasse-Les Voirons, représentée par Me B..., conclut au rejet du recours de la SCI La Colline.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à présenter des observations en tant que personne publique compétente en matière d'aménagement de l'espace communautaire et de développement économique ainsi qu'autorité organisatrice de la mobilité, le projet étant implanté sur son territoire ;
- le projet porte atteinte à l'animation de la vie urbaine du fait de son ampleur ;
- les données relatives au trafic figurant dans le dossier de demande du 6 juin 2013 sont incomplètes, erronées, et à tout le moins basées sur des postulats favorables au pétitionnaire ;
- la mise en oeuvre de ce projet aurait un impact très négatif sur les déplacements dans la zone et génèrerait une congestion de trafic importante.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande tendant à l'annulation de la décision en date du 24 janvier 2019 de la Commission nationale d'aménagement commercial, celle-ci n'étant pas une décision susceptible de recours contentieux direct mais un simple avis délivré postérieurement au 15 février 2015 et avant tout permis délivré par la commune de Ville La Grand.
Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 9 mars 2020, la SCI La Colline conclut aux mêmes fins que la requête, et fait en outre valoir que sa requête est recevable, s'agissant d'un acte intervenu sur réexamen après annulations contentieuses de précédentes décisions intervenues, pour la première d'entre elles, avant le 15 février 2015.
Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 11 mars 2020, le président de la Commission nationale d'aménagement commercial fait valoir que l'acte attaqué du 24 janvier 2019 revêt bien le caractère d'une décision susceptible d'un recours pour excès de pouvoir.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., premier conseiller,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la SCI La Colline, et de Me B..., représentant la communauté d'agglomération d'Annemasse-Les Voirons ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 18 décembre 2013, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a refusé de délivrer à la SCI La Colline l'autorisation d'étendre de 14 794 m², pour la porter à 29 167 m², la surface de vente de l'ensemble commercial " Cap Bernard " situé à Ville-la-Grand et d'y créer un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique. La présente cour, par un arrêt n° 14LY00900 du 31 mai 2016, a annulé ce refus. La CNAC, saisie à nouveau de cette demande d'autorisation, a opposé un nouveau refus par une décision du 8 juin 2017, dont la SCI La Colline a obtenu l'annulation par un arrêt n° 17LY03364 du 10 juillet 2018. Par la présente requête, la SCI La Colline demande à la cour d'annuler la décision du 24 janvier 2019 par laquelle la CNAC a, pour la troisième fois, refusé de lui délivrer l'autorisation demandée.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". En vertu de l'article 6 du décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial, ces dispositions sont entrées en vigueur le 15 février 2015.
3. Il résulte de ces dispositions, en raison de la situation transitoire créée par l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, que, s'agissant des projets soumis à autorisation d'exploitation commerciale et à permis de construire, toute décision de la Commission nationale d'aménagement commercial intervenue avant le 15 février 2015 revêt le caractère d'acte faisant grief, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Par ailleurs, en cas d'annulation contentieuse d'une telle décision de la Commission nationale d'aménagement commercial, la décision par laquelle elle statue à nouveau sur la demande d'autorisation dont elle se retrouve saisie après cette annulation est également susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, à la condition qu'il n'ait été apporté au projet aucune modification substantielle au regard des règles dont la commission nationale doit faire application. Il en va ainsi même si cette nouvelle décision est prise après le 14 février 2015.
4. En l'espèce, l'acte attaqué du 24 janvier 2019 est intervenu après deux annulations contentieuses de décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial, dont la première est antérieure au 15 février 2015, statuant sur un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale et à permis de construire. Il ressort du dossier de demande d'octobre 2018 que seules des modifications non substantielles ont été apportées au projet, concernant la répartition des stationnements ou la surface de panneaux solaires. En conséquence, la requête dirigée contre la décision de la CNAC du 24 janvier 2019 est recevable.
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la communauté d'agglomération d'Annemasse-Les Voirons :
5. Est recevable à former l'intervention prévue à l'article R. 632-1 du code de justice administrative toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. Toutefois, une intervention ne peut être admise que si son auteur s'associe soit aux conclusions de l'appelant, soit à celles du défendeur. En l'absence de production par le défendeur, auquel la requête a été communiquée, d'un mémoire tendant au rejet de cette requête, une intervention en défense est irrecevable.
6. Dans la présente instance, la CNAC, à qui la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense concluant au rejet de la requête mais seulement un mémoire en réponse à un moyen d'ordre public concluant à la recevabilité de la requête de la SCI La Colline.
7. Par suite, l'intervention de la communauté d'agglomération d'Annemasse-Les Voirons, qui tend au rejet de la requête de la SCI La Colline, n'est pas recevable.
Sur la légalité de la décision du 24 janvier 2019 :
8. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au réexamen par la CNAC de la demande réactualisée de la SCI La Colline : " I.- (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale ". La demande d'autorisation d'exploitation commerciale est accompagnée d'un dossier comportant les éléments énumérés à l'article R. 7526 du même code. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté, tel qu'il est soumis par le pétitionnaire, compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
9. En premier lieu, lorsqu'elle estime qu'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplète, il appartient à la CNAC, non de refuser d'emblée pour ce motif l'autorisation, mais d'inviter la société à compléter dans cette mesure son dossier afin de combler les insuffisances constatées, puis, le cas échéant, de rejeter la demande en raison de lacunes persistantes.
10. En l'espèce, pour motiver son refus d'accorder à la SCI La Colline l'autorisation commerciale demandée, la CNAC a notamment estimé qu'elle ne disposait pas " en l'état du dossier ", de tous les éléments lui permettant d'apprécier la conformité du projet aux critères de l'article L. 752-6 précité du code de commerce, aux motifs en particulier que le pétitionnaire n'aurait pas justifié de l'impossibilité pour le commerce alimentaire de 7 000 m² inclus dans le projet de s'installer dans une cellule commerciale actuellement vacante dans le centre-ville d'Annemasse, qu'il n'aurait pas davantage justifié d'un accroissement du besoin local des consommateurs de nature à justifier cette création d'hypermarché, et qu'il n'apportait pas d'éléments suffisamment précis, au regard de la taille du projet, permettant d'apprécier ses effets sur l'animation de la vie urbaine des centres-villes avoisinants. En se fondant sur un tel motif, alors que le dossier comportait les éléments requis par l'article R. 752-6 du code de commerce, notamment pour porter une appréciation sur les effets du projet sur l'animation de la vie urbaine des communes avoisinantes, sans inviter la SCI La Colline à compléter le cas échéant son dossier, la CNAC a commis une première erreur de droit.
11. En deuxième lieu, en se fondant, pour refuser l'autorisation demandée, sur l'absence de justification par la SCI La Colline de l'impossibilité pour le commerce alimentaire de 7 000 m² de s'installer dans une surface vacante au centre-ville d'Annemasse, et sur l'absence de justification d'un accroissement du besoin local des consommateurs de nature à justifier la création d'un hypermarché, la CNAC a nécessairement mis en oeuvre un critère, non prévu par la loi, se rattachant à la densité des équipements commerciaux de la zone de chalandise. Elle a ainsi commis une seconde erreur de droit, doublée d'une erreur de fait dès lors qu'il n'est pas contesté que la surface commerciale alimentaire dans le centre-ville d'Annemasse à laquelle elle se réfère, de surcroît très inférieure à celle prévue par le projet, est en tout état de cause occupée depuis 2013.
12. En troisième lieu, la CNAC ne pouvait légalement refuser l'autorisation demandée en se fondant sur l'absence de cheminement direct et sécurisé pour accéder au stationnement des cycles et aux entrées de l'ensemble commercial pour les piétons, sur le site même du projet, dont la desserte par les modes de déplacement doux est jugée satisfaisante sur la voie publique, alors qu'aucune disposition de l'article R. 752-6 du code de commerce n'impose au pétitionnaire de fournir un plan détaillant ces cheminements sur le terrain d'assiette du projet.
13. En dernier lieu, la CNAC s'est fondée, pour motiver son refus, sur un dernier motif tiré de l'insuffisante insertion paysagère du projet, en relevant qu'elle devrait être renforcée par la densification des plantations le long de la RD 1206, afin d'harmoniser les installations avec leur environnement immédiat. Il ressort toutefois du dossier de demande d'autorisation que la SCI La Colline prévoyait d'occuper 19% du terrain d'assiette du projet par des espaces verts, contre environ 10% actuellement, et de conserver 15 arbres sains déjà présents sur le site, auxquels doivent s'ajouter 13 arbres de grand développement et 30 arbres de moyen développement, une partie de ces plantations étant située en bordure de parcelle, le long de la route départementale. En s'opposant au projet en raison d'une insuffisante insertion paysagère, la CNAC a ainsi entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
14. Il résulte de ce qui précède qu'aucun des motifs justifiant le rejet par la CNAC de la demande d'autorisation présentée par la SCI La Colline n'est fondé, de sorte que cette dernière est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à demander l'annulation de la décision attaquée du 24 janvier 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
16. Le présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs et en l'absence de demande de substitution d'un autre motif de refus susceptible d'être valablement opposé à ce projet ayant déjà fait l'objet de trois examens par la Commission nationale d'aménagement commercial, que cette dernière, saisie pour la quatrième fois par l'effet de la présente annulation, délivre à la SCI La Colline l'autorisation demandée, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI La Colline et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la communauté d'agglomération d'Annemasse-Les Voirons n'est pas admise.
Article 2 : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 24 janvier 2019 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de délivrer à la SCI La Colline l'autorisation d'exploitation commerciale demandée, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SCI La Colline une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI La Colline, au président de la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la communauté d'agglomération d'Annemasse - Les Voirons.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
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N° 19LY01442