Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 16 août 2017 et un mémoire enregistré le 16 avril 2018, M. A..., représenté par Me Blanc, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 15 juillet 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés susmentionnés ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté portant transfert aux autorités allemandes méconnaît l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les articles 6, 8 et 9 du règlement du 26 juin 2013 ;
- le préfet aurait dû faire usage de la clause dérogatoire prévue par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté portant transfert aux autorités allemandes étant illégal, son assignation à résidence l'est également, par voie conséquence.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 août 2017.
Vu les pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Savouré, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan, né le 5 février 1991, déclare être entré en France le 20 février 2017. Ayant sollicité son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile, le préfet de la Haute-Savoie a consulté le fichier Eurodac à partir des empreintes digitales de l'intéressé. Une identification positive ayant été donnée pour une demande précédente en Allemagne, les autorités allemandes ont accepté leur responsabilité. Par deux arrêtés du 10 novembre 2017, le préfet de la Haute-Savoie, d'une part, a décidé son transfert aux autorités allemandes et, d'autre part, l'a assigné à résidence. M. A... interjette appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".
3. Les conditions de notification d'une décision administrative étant sans incidence sur sa légalité, le moyen tiré de ce que la décision attaquée n'aurait pas été notifiée selon ces modalités est inopérant.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 " Garantie en faveur des mineurs " du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 " : " L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les États membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement. " Il résulte du 3 de l'article 8 " mineurs " du même règlement, qu'en l'absence de membres de la famille, de frères ou soeurs ou de proches, l'État membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné a introduit sa demande.
5. M. A... fait valoir que son frère mineur vit en France et s'est vu reconnaître le statut de réfugié. Toutefois, il est constant que celui-ci est accompagné de son oncle, de sorte qu'il ne peut être regardé comme un mineur non accompagné. Dès lors, l'intérêt supérieur du jeune frère de l'intéressé ne commande pas que la demande de M. A... soit examinée par la France.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. " Le g) de l'article 2 du même règlement mentionne les personnes qui peuvent être regardées comme membre de la famille au sens dudit règlement, parmi lesquelles ne figurent pas le frère et l'oncle du demandeur. Par suite, et en tout état de cause, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions.
7. En quatrième lieu, aux termes du paraphe 2 de l'article 3 du même règlement : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. (...) ".
8. Si M. A... fait valoir que sa demande d'asile a été rejetée en Allemagne et que l'arrêté le transférant dans ce pays a de fortes chances d'entrainer un éloignement vers son pays d'origine alors que la situation s'y est, d'après lui, dégradée, ces seules circonstances ne sauraient, par elles-mêmes, être regardées comme constitutives de défaillances systémiques dans le pays responsable de la demande.
9. En cinquième lieu, la faculté laissée à chaque État membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile. Si M. A... fait valoir qu'il est menacé dans son pays d'origine et estime que seule la France est en mesure de lui assurer " une protection efficace ", il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prononçant son transfert aux autorités allemandes, le préfet de la Haute-Savoie aurait entaché l'arrêté litigieux d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. En quatrième et dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, M. A... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de transfert aux autorités allemandes à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mai 2018.
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N° 17LY03152