Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juillet 2016 et 19 juillet 2017, l'EURL Monnoyeur Recyclage Démolition, représentée par Me Fiorese, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 28 avril 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête n'est pas tardive ;
- elle a été imposée d'office pour les rappels de taxe sur la valeur ajoutée alors qu'elle a transmis à l'administration ses déclarations ;
- la proposition de rectification du 20 décembre 2011 n'est pas motivée et la nullité de la procédure doit entraîner la décharge de l'ensemble des impositions conformément à l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2009, l'administration, qui n'a pas tenu compte de la spécificité de son activité et de l'application du mécanisme d'auto-liquidation prévu par l'article 283-2 sexies du code général des impôts, a appliqué une méthode de reconstitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée radicalement viciée ;
- l'administration a commis la même erreur en ce qui concerne le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible ;
- au titre de la période suivante, l'administration, qui n'a pas tenu compte de la spécificité de son activité et qui n'a pas détaillé les éléments de taxation, a utilisé une méthode radicalement viciée dans son principe ;
- compte tenu de l'absence de justification des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, il n'existe aucun profit sur le Trésor ;
- en matière de reconstitution du chiffre d'affaires, l'administration s'est abstenue d'expliciter sa méthode ;
- l'administration ne justifie pas du caractère non déductible de la dotation aux amortissements effectuée au titre de l'exercice clos en 2009 pour un montant de 17 869 euros ;
- au titre des exercices clos en 2010 et 2011, l'administration a utilisé une méthode sommaire qui ne tient pas compte de ses déclarations ;
- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère délibéré de ses manquements ; ainsi, les pénalités ne sont pas justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- il appartient à la requérante de démontrer que les bases retenues par l'administration sont manifestement excessives ;
- la proposition de rectification est suffisamment motivée ;
- le régime spécifique de taxe sur la valeur ajoutée de l'article 283-2 sexies du code général des impôts n'a pas été remis en cause et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont justifiés par l'examen des pièces et écritures comptables de la requérante ;
- la requérante ne justifie un supplément de déduction de taxe sur la valeur ajoutée qu'à hauteur de 7 548 euros ;
- le profit sur le Trésor est justifié ;
- la requérante n'établit pas que les dotations aux amortissements ont bien été enregistrées en comptabilité dans les délais légaux, soit avant le 30 juin 2009 ;
- la requérante ne démontre pas l'exagération des impositions, qui ont été établies d'après ses propres déclarations et éléments comptables ;
- la majoration pour manquement délibéré est justifiée par les insuffisances de taxe sur la valeur ajoutée collectée et la déduction abusive de cette taxe sur la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2009.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Monnoyeur Recyclage Démolition, qui exerce une activité de récupération de matériaux recyclables, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2011, étendue jusqu'au 30 juin 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par une proposition de rectification du 20 décembre 2011, l'administration lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 mars 2009, 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2008 au 30 juin 2011. L'EURL Monnoyeur Recyclage Démolition relève appel du jugement du 28 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que le 5 août 2011, l'administration a mis en demeure l'EURL Monnoyeur Recyclage Démolition de déposer ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour la période de janvier 2010 à juin 2011. Si la requérante produit plusieurs déclarations de taxe sur la valeur ajoutée se rapportant à cette période, elle n'établit pas qu'elle les aurait adressées à l'administration dans le délai imparti. Par suite, pour la période de janvier 2010 à juin 2011, la requérante a été régulièrement imposée d'office en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. La circonstance que la requérante aurait ultérieurement transmis ces documents à l'administration est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition eu égard au caractère tardif de ces déclarations. Enfin, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la doctrine exprimée dans les instructions administratives référencées 13 L 1551 du 1er juillet 2002 et 5 B-8212 du 1er août 2001, lesquelles se bornent à donner des recommandations à l'administration fiscale relatives à la procédure d'imposition, en cas d'imposition d'office, quant à l'évaluation aussi exacte que possible des éléments qui concourent à la détermination des bases d'imposition qu'elle doit réaliser, sans procéder à l'interprétation d'un texte fiscal au sens de la garantie prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
4. En deuxième lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen déjà présenté en première instance et repris en appel, tiré, au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, du défaut de motivation de la proposition de rectification du 20 décembre 2011.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. D'une part, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2009 procèdent de rectifications notifiées selon la procédure contradictoire par une proposition de rectification du 20 décembre 2011 à laquelle la société requérante s'est abstenue de répondre. D'autre part, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période de janvier 2010 à juin 2011, ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 mars 2009, 2010 et 2011 ont été opérés selon la procédure de taxation d'office prévue par les dispositions du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. En application des dispositions des articles L. 193, R. 193 et R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il appartient à l'EURL Monnoyeur Recyclage Démolition, de démontrer le caractère exagéré de ces impositions.
En ce qui concerne les rappels de la taxe sur la valeur ajoutée :
6. Aux termes du 2 sexies de l'article 283 du code général des impôts : " Pour les livraisons et les prestations de façon portant sur des déchets neufs d'industrie et des matières de récupération, la taxe est acquittée par le destinataire ou le preneur qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. ".
7. En premier lieu, pour mettre à la charge de l'EURL Monnoyeur Recyclage Démolition les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2009, l'administration qui n'a pas retenu dans son analyse les factures relevant des dispositions du 2 sexies de l'article 283 du code général des impôts, lesquelles ne font pas mention de la taxe sur la valeur ajoutée, a comparé la taxe facturée par la société et enregistrée en comptabilité avec celle qu'elle avait déclarée. La société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que l'administration aurait soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations dont les factures faisaient apparaître des ventes de déchets neufs d'industrie ou de matières de récupération, qui relèvent du régime de l'auto-liquidation en vertu du 2 sexies de l'article 283 du code général des impôts.
8. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante et ainsi qu'il a été dit précédemment, l'administration n'a pas tenu compte des opérations de la société relevant du régime de l'auto-liquidation pour remettre en cause la taxe sur la valeur ajoutée déductible. Si la requérante fait valoir qu'elle est en droit de déduire un montant de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de la somme de 23 686,28 euros, elle n'apporte aucun justificatif du caractère déductible de cette taxe au-delà du montant de 17 515 euros admis par l'administration au titre de l'exercice en litige.
9. En dernier lieu, pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période de janvier 2010 à juin 2011, l'administration s'est fondée sur les pièces comptables et sur les factures qui ont été présentées au cours des opérations de contrôle. Si la requérante soutient que l'administration aurait dû prendre en compte les déclarations de résultats qu'elle produit au titre de ces exercices, elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle aurait transmis ces documents à l'administration au cours des opérations de contrôle afin qu'ils puissent être pris en compte au titre de la reconstitution de son chiffre d'affaires. Ainsi, en se bornant à se prévaloir de façon tardive de ces déclarations de résultats, la requérante n'établit pas le caractère excessif et sommaire de la méthode de reconstitution de ses recettes mise en oeuvre par l'administration au titre de l'exercice en litige.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
10. En premier lieu, en conséquence des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a constaté un profit sur le Trésor à réintégrer dans les bénéfices imposables de chacun des exercices en litige. Pour contester ce profit sur le Trésor, l'EURL Monnoyeur Recyclage Démolition se borne à soutenir que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas fondés. Compte tenu de ce qui précède, ce moyen ne peut qu'être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire (...) ; 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) ". Il appartient dans tous les cas au contribuable, indépendamment de la procédure suivie, de justifier tant du montant des charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.
12. En vertu des dispositions précitées, seuls peuvent être regardés comme réellement effectués au titre d'un exercice, les amortissements qui ont été effectivement portés dans les écritures comptables du contribuable avant l'expiration du délai de déclaration des résultats de cet exercice.
13. La requérante, dont la comptabilité a été rejetée comme non probante au titre de l'exercice clos le 31 mars 2009, qui se borne à faire état de ce que son actif est composé d'immobilisations corporelles représentant un montant important, n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'élément permettant d'établir qu'au titre de l'exercice concerné, elle aurait inscrit en comptabilité, dans le respect de ces règles, les amortissements litigieux pour un montant de 17 869 euros. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'admettre cet amortissement en déduction.
14. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que pour les exercices clos en 2010 et 2011, le vérificateur a procédé à la reconstitution des bénéfices de la société en se fondant sur l'analyse des documents comptables et des pièces justificatives remis au cours du contrôle. La requérante, qui soutient que la méthode de reconstitution est excessivement sommaire, se borne à produire les bilans comptables afférents aux exercices litigieux sans établir qu'elle aurait remis à l'administration ces documents lors des opérations de contrôle. Ainsi, l'EURL Monnoyeur Recyclage Démolition, qui ne soumet à l'appréciation du juge aucune autre méthode de calcul, ne peut être regardée comme apportant la preuve du caractère exagéré de ses bases d'imposition.
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
16. Pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré à l'ensemble des rappels de taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2009, l'administration s'est fondée sur le motif tiré de ce que la requérante a omis de reverser la taxe sur la valeur ajoutée collectée auprès de ses clients pour un montant de 8 926 euros, alors qu'elle ne pouvait ignorer que cette taxe facturée et inscrite en comptabilité devait être reversée. L'administration a également retenu que la requérante a, pour la même période, déclaré un montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible plus important que celui qu'elle avait inscrit en comptabilité. Compte tenu de ces éléments, et alors même que le nouveau régime fiscal d'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée présenterait des difficultés d'interprétation, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'existence d'un manquement délibéré et, par suite, du bien-fondé de l'application de la majoration de 40 % en litige.
17. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée en défense, l'EURL Monnoyeur Recyclage Démolition n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL Monnoyeur Recyclage Démolition est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Monnoyeur Recyclage Démolition et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
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N° 16LY02703