Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 janvier 2017, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Dijon du 8 décembre 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée.
Elle soutient que :
- en jugeant que la décision contestée ne faisait pas grief et que sa requête était, par suite, irrecevable, le tribunal administratif a méconnu le principe du droit au recours effectif ;
- le préfet ne justifie pas avoir informé les autorités portugaises de la prolongation du délai ;
- elle ne s'est pas soustraite de façon intentionnelle et systématique à la décision de remise ;
- la décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2017, le préfet de la Côte d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande devant le premier juge était irrecevable ;
- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 février 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Savouré, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. La requérante se présente sous le nom de Mme D... B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 6 juillet 1980. Celle-ci ayant sollicité l'asile en France, le préfet a procédé à la consultation du fichier Visabio qui a révélé qu'elle avait bénéficié d'un visa délivré le 14 décembre 2015 par les autorités portugaises sous le nom deA... E.... Par arrêté du 13 mai 2016, le préfet de la Côte-d'Or a décidé de la remettre aux autorités portugaises. Mme B... ne s'étant pas présentée à une convocation au commissariat de police en vue de mettre à exécution cette mesure d'éloignement, le préfet de la Côte-d'Or l'a déclarée en fuite et a décidé de prolonger de six à dix-huit mois son délai de transfert. Mme B... interjette appel du jugement par lequel le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. (...) / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. "
3. Le demandeur d'asile faisant l'objet d'une décision de transfert, qui se trouve privé de la possibilité de déposer une demande d'asile en France, est susceptible d'être assigné à résidence ou placé en rétention administrative en application des articles L. 551-1, L. 561-1 ou L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, la décision de l'autorité administrative de prolonger au-delà de six mois le délai de transfert d'un demandeur d'asile présente le caractère d'un acte faisant grief et, par suite, susceptible de recours. Dès lors, l'intéressé est recevable à en demander l'annulation, alors même qu'il pourrait également contester cette décision de prolongation par voie d'exception, à l'occasion d'un recours contre son placement en rétention administrative ou son assignation à résidence.
4. Il résulte de ce qui précède qu'en rejetant comme irrecevable la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Côte-d'Or de prolonger de six à dix-huit mois le délai de son transfert aux autorités portugaises pour l'examen de sa demande d'asile, le président du tribunal administratif de Dijon a entaché son jugement d'irrégularité. L'intéressée est, par suite, fondée à en demander l'annulation.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.
6. La notion de fuite au sens du 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant.
7. Mme B..., convoquée par lettre du 22 août 2016 au commissariat de police de Dijon le 20 septembre 2016, n'a pas répondu à cette convocation. En admettant même qu'il soit intentionnel, ce seul manquement ne permet pas, à lui seul, de caractériser une soustraction systématique de l'intéressée au contrôle de l'autorité administrative. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par Mme B..., celle-ci est fondée à demander l'annulation de la décision portant prolongation de son délai de transfert aux autorités portugaises.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du président du tribunal administratif de Dijon du 8 décembre 2016 et la décision du 11 octobre 2016 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a porté à dix-huit mois le délai de transfert de Mme B... sont annulés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dijon.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
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N° 17LY00133