Par une requête enregistrée le 22 décembre 2014 et un mémoire enregistré le 18 mai 2015, la SAS Premier Vintage Supplier, représentée par la SELARL Tirard, Naudin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 octobre 2014 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve, dont elle a la charge en application des articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, que la société Dundoyle Wines Limited bénéficie aux Iles Vierges britanniques d'un régime fiscal privilégié ;
- elle ne dispose elle-même d'aucun élément d'information sur le niveau d'imposition de cette société, qui est l'un de ses partenaires commerciaux ;
- les commissions qu'elle a versées à cette société l'ont été dans l'intérêt de sa propre exploitation dès lors qu'elles rémunèrent les services effectivement rendus par cette société en sa qualité d'agent commercial et lui ont permis d'obtenir de nouveaux marchés ;
- l'application des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré est sans objet, l'administration fiscale n'apportant en outre pas la preuve de l'existence d'un manquement délibéré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la SAS Premier Vintage Supplier a comptabilisé en charges, au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, 750 460 euros de commissions qui lui ont été facturées par la société Dundoyle Wines Limited ;
- l'existence même de la société Dundoyle Wines Limited peut être mise en doute dès lors que ses factures ne comportent aucune adresse d'établissement et que si le contrat conclu avec cette société mentionnait une adresse à Dublin, le registre du commerce irlandais indique qu'elle a été dissoute le 24 septembre 2003 et que les bases de données à disposition de l'administration n'ont pas permis de l'identifier ;
- si l'existence de cette société était avérée, elle serait soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts, le taux de l'impôt sur les sociétés aux Iles Vierges britanniques étant de 15 %, si ce n'est de 1 % seulement pour certaines sociétés, ce qui est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices des sociétés établies en France ;
- il incombe à la SAS Premier Vintage Supplier d'apporter la preuve que les commissions versées sont la contrepartie de prestations réellement effectuées, les documents fournis ne permettant pas d'apprécier le travail réalisé et les factures ayant été réglées par virement sur un compte suisse à Zurich, sans que la véritable identité des bénéficiaires ne soit établie ;
- la preuve que les commissions ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré eu égard à l'importance du service rendu n'est pas apportée ;
- la SAS Premier Vintage Supplier a sciemment minoré une partie significative de ses résultats par la prise en charge de commissions versées à une société dont l'existence peut être sérieusement mise en doute et qui serait située dans un pays à fiscalité privilégiée ce qui justifie l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.
Par une ordonnance du 26 septembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pourny,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,
- et les observations de Me Tirard, avocat de la SAS Premier Vintage Supplier ;
1. Considérant que la SAS Premier Vintage Supplier, qui a pour activité la vente de produits concernant la production vinicole, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2010 à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a proposé des rectifications, établies selon la procédure contradictoire, portant notamment sur des intérêts que cette société aurait dû percevoir au titre de comptes courants débiteurs ouverts dans sa comptabilité et sur la réintégration dans ses résultats imposables de commissions qu'elle a versées à la société Dundoyle Wines Limited en application d'un contrat d'assistance commerciale ; que la SAS Premier Vintage Supplier, qui n'a pas accepté la rectification relative aux commissions versées à la société Dundoyle Wines Limited, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts en raison de ces rectifications ; qu'elle relève appel du jugement du 13 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...), notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'aux termes de l'article 238 A du même code : " (...) les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en Franceà des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle s'en prévaut pour contester la déduction de commissions, l'administration doit justifier que le bénéficiaire de ces commissions est soumis hors de France à un régime fiscal privilégié par comparaison à celui auquel il serait soumis s'il les percevait en France ;
3. Considérant que la SAS Premier Vintage Supplier ayant communiqué au vérificateur un certificat d'immatriculation de la société Dundoyle Wines Limited aux Iles Vierges britanniques, l'administration fiscale pouvait, par suite, se fonder sur les dispositions fiscales applicables aux Iles Vierges britanniques pour établir que cette société y bénéficiait d'un régime fiscal privilégié ; que si l'administration fiscale n'est pas parvenue à déterminer le taux d'imposition effectif de cette société, dont elle doute même de l'existence, elle doit néanmoins être regardée comme apportant la preuve dont elle a la charge qu'elle a bénéficié d'un régime fiscal privilégié en faisant valoir, sans être utilement contredite, que le taux maximal d'imposition des bénéfices réalisés au cours de la période en litige était de 15 % aux Iles Vierges britanniques alors que le taux d'imposition à l'impôt sur les sociétés de ces mêmes bénéfices se serait élevé à 33,33 % en France ;
4. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 238 A du code général des impôts, il appartient au contribuable, dès lors que des rémunérations ont été soumises hors de France à un régime fiscal privilégié, de justifier du principe de la déductibilité des charges comme de la réalité de la prestation et de ce qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré ;
5. Considérant que si la société requérante produit un contrat d'assistance commerciale qu'elle aurait conclu avec la société Dundoyle Wines Limited le 14 décembre 2000 et des factures annuelles établies par cette société pour la perception des commissions litigieuses ainsi que des tableaux de concordance entre les affaires apportées par cette société et le montant des commissions rétrocédées, aucun de ces documents n'est de nature à établir la réalité des prestations effectuées par la société Dundoyle Wines Limited au cours des exercices en litige ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a procédé à la réintégration des commissions versées à la société Dundoyle Wines Limited dans le bénéfice imposable de la SAS Premier Vintage Supplier au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ;
Sur les intérêts de retard et la majoration pour manquement délibéré :
6. Considérant qu'aux termes du I de l'article 1727 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. - Toute somme, dont l'établissement ou le recouvrement incombe à la direction générale des impôts, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) " et qu'aux termes de l'article 1729 du même code : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
7. Considérant que les droits procédant de la rectification relative aux intérêts des comptes courants débiteurs dans la comptabilité de la requérante et ceux procédant de la rectification relative aux sommes versées à la société Dundoyle Wines Limited ont été assortis des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts, ceux procédant de celle relative aux sommes versées à la société Dundoyle Wines Limited étant en outre assortis de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du même code ;
8. Considérant que si la requérante soutient qu'il ne saurait être fait application des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré à des impositions dépourvues de fondement, il résulte de ce qui précède, pour les droits procédant de la rectification relative aux sommes versées à la société Dundoyle Wines Limited, et de l'absence de contestation de leur bien-fondé, pour les droits procédant de la rectification non contestée relative aux comptes courants débiteurs dans la comptabilité de la requérante, que ce moyen doit être écarté ;
9. Considérant qu'en faisant valoir que la requérante a sciemment organisé, par l'utilisation d'une société écran et la prise en charge de commissions injustifiées, l'évasion vers une société domiciliée... ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Premier Vintage Supplier est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Premier Vintage Supplier et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 décembre 2016.
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N° 14LY03905