Par une requête enregistrée le 14 février 2017, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 24 janvier 2017 ;
2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.
Il soutient que le motif d'annulation retenu est infondé.
Par un mémoire enregistré le 3 juillet 2017, M. B... A..., représenté par Me Dandon, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État du paiement à son conseil d'une somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que le moyen d'annulation retenu par le premier juge est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juillet 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant soudanais, né le 1er janvier 1990, déclare être entré irrégulièrement en France le 27 juillet 2016 et a sollicité le statut de réfugié. Le système Eurodac ayant révélé qu'il était connu des autorités italiennes, le préfet de Saône-et-Loire a saisi ces autorités d'une demande de reprise en charge. Celles-ci ayant donné leur accord implicite, le préfet a, par arrêté du 16 décembre 2016, décidé le transfert de M. A... aux autorités italiennes. Ledit préfet relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.
2. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: a) le demandeur a pris la fuite; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
3. M. A... a bénéficié, avec le concours d'un interprète, d'un entretien individuel avec un agent de la préfecture, le 16 septembre 2016. La seule circonstance que le compte-rendu de cet entretien ne comporte pas l'indication de l'identité de l'agent qui l'a conduit ne suffit pas à établir qu'il n'a pas été régulièrement effectué par une personne qualifiée. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision en litige.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....
5. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a reçu le 8 août 2016, jour de l'introduction de sa demande d'asile, les brochures A et B, dans leur version en langue arabe.
7. La faculté laissée à chaque État membre, par l'article17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile. Les allégations de M. A... selon lesquelles il aurait fait l'objet de mauvais traitements en Italie ne sont pas établies et ne permettent pas de considérer que sa demande d'asile ne sera pas examinée par les autorités italiennes.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Saône-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé la décision en litige.
9. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de M. A... au titre des frais exposés à l'occasion du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 24 janvier 2017 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. A... et de Me Dandon sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me Dandon.
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dijon.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
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N° 17LY00637