Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Rodrigues, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2006656 du 31 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du préfet du Rhône du 26 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de résident ou un certificat de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous huitaine à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Rodrigues en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour qui lui est opposé est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- ce refus méconnaît également les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations ;
- ce refus méconnaît encore les stipulations de l'article 7 bis alinéa b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle a la qualité d'ascendant à charge de son fils de nationalité française ;
- elle est fondée à exciper de l'illégalité de ce refus de titre de séjour à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- l'annulation des décisions litigieuses implique la délivrance d'une carte de résident ou d'un certificat de résidence algérien portant la mention "vie privée et familiale" ou, pour le moins, la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour et le réexamen de son dossier.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 18 mai 1948, est entrée régulièrement en France, en février 2018, munie d'un visa de court de séjour. Elle a sollicité, le 25 octobre 2019, son admission au séjour en qualité d'étrangère malade ou d'ascendante à charge d'un ressortissant français et le préfet du Rhône a pris à son encontre un arrêté du 26 juin 2020 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et fixation d'un pays de renvoi. Mme C... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Lyon et elle relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité des décisions attaquées :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application de ces stipulations, le préfet délivre le titre de séjour " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ". Enfin, l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 dispose : " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale, mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA, sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences./ Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante. / Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été prise au vu de l'avis rendu le 28 février 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Selon cet avis le collège de médecins a estimé que si l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale, un éventuel défaut de soins ne devrait pas être de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.
4. Comme l'ont relevé les premiers juges, Mme C... est atteinte de diabète et souffre d'une gonarthrose bilatérale aux genoux. Si la requérante soutient que l'intervention chirurgicale qui lui est indispensable ne pourrait être pratiquée en Algérie et qu'en l'absence d'une telle opération, elle encourrait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce moyen peut être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges. Par ailleurs, il n'est en tout état de cause pas établi que la requérante ne pourrait pas bénéficier de la rééducation et de soins de surveillance post-opératoires de ses prothèses en raison de la situation d'isolement dans laquelle elle se trouverait en Algérie. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône aurait méconnu les stipulations de l'article 6 7) de l'accord franco-algérien ou entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de son état de santé.
S'agissant de la demande de Mme C... en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français :
5. Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge. "
6. Mme C... fait état de ce que son fils, de nationalité française, pourrait assurer sa prise en charge financière alors qu'elle serait isolée en Algérie, ayant été répudiée par son époux, et s'y trouverait sans ressources, aucun de ses douze autres enfants n'ayant la capacité financière ni la volonté de la prendre en charge. Toutefois, il est constant que la requérante ne remplissait pas la condition de régularité de séjour, prévue par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et il n'est pas établi qu'elle serait isolée et sans ressources dans son pays d'origine. Par suite, c'est sans méconnaître les stipulations précitées ni entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces stipulations que le préfet du Rhône a refusé de délivrer à Mme C... un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français.
S'agissant de la demande de Mme C... au titre de sa vie privée et familiale :
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
8. Mme C... fait état de son séjour en France depuis février 2018, de la présence sur le territoire national de l'un de ses fils, de nationalité française, et de ses petits-enfants alors qu'elle serait en situation d'isolement en Algérie. Toutefois, la requérante a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 69 ans et elle dispose nécessairement d'attaches culturelles et sociales en Algérie où, de surcroît, elle n'est pas dépourvue de liens familiaux, douze de ses enfants y résidant, ainsi que six frères et six sœurs. En outre, il résulte de ce qui précède que son état de santé ne justifie pas que lui soit délivré un titre de séjour dès lors qu'un éventuel défaut de soins ne serait pas de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, aucun obstacle ne s'opposant à ce que Mme C... poursuive son existence en Algérie, la décision attaquée ne l'empêchant pas de maintenir des liens avec son fils et ses petits-enfants résidant en France, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme C... en refusant de l'admettre au séjour.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant refus de séjour, le moyen tiré de cette illégalité et soulevé, par voie d'exception, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
10. En second lieu, en l'absence d'argumentation particulière, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux exposés au point 8.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. En l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de cette illégalité et soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 26 juin 2020 refusant de l'admettre au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et lui fixant un pays de destination. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... née B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.
N° 21LY01040 2