Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 septembre 2018, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par la SELARL Claisse et Associés, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801192 du 27 août 2018 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... A... devant le tribunal administratif de Dijon.
Il soutient que le refus de regroupement familial opposé ne méconnaît pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, dès lors que les enfants, qui ont toujours vécu en Algérie avec leurs parents, n'ont jamais vécu avec leurs grands-parents qui ne les ont jamais pris en charge, qu'aucun lien fort et stable n'est démontré entre les grands-parents et leurs petits-enfants et que le fait que les parents ne puissent prendre en charge leurs enfants n'est pas suffisant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2018, M. B... A..., représenté par Me C..., avocat, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident,
- à titre principal, à l'annulation du jugement n° 1801192 du 28 août 2018 en ce que le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande à fin d'injonction d'autoriser le regroupement familial sollicité et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Côte-d'Or d'autoriser ce regroupement familial dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
- à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer sa demande de regroupement familial dans un délai de quinze jours à compter de la notification à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Il fait valoir que :
- le moyen présenté par le préfet n'est pas fondé ;
- la décision en litige méconnaît l'autorité de la chose jugée par le précédent jugement n° 1700441 du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Dijon ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 et l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Drouet, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
Sur l'appel principal du préfet de la Côte-d'Or :
1. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans sa rédaction issue du troisième avenant à cet accord : " Les membres de famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 - Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) / 2 - Le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. / Peut être exclu de regroupement familial : / 1 - Un membre de la famille atteint d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ; / 2 - Un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français. / Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées au Titre II du Protocole annexé au présent Accord. Un regroupement familial partiel peut être autorisé pour les motifs tenant à l'intérêt des enfants. / (...) ". Aux termes du titre II du protocole annexé à l'accord franco-algérien dans sa rédaction issue du troisième avenant : " Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, dans l'intérêt supérieur de l'enfant. ".
2. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi, dans le cas où est demandé, sur le fondement des stipulations précédemment citées de l'accord franco-algérien, le regroupement familial en vue de permettre à un enfant de rejoindre en France un ressortissant algérien qui en a la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, l'autorisation de regroupement familial ne peut, en règle générale, eu égard aux stipulations de l'accord franco-algérien, être refusée pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait de demeurer en Algérie auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, l'autorité administrative peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur les motifs énumérés à l'article 4 de l'accord franco-algérien, notamment sur ceux tirés de ce que les conditions d'accueil de l'enfant en France seraient, compte tenu en particulier des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.
3. Il est constant que, par ordonnance du 9 mai 2016, la présidente de la section des affaires familiales du tribunal de Batna (Algérie) a désigné M. B... A..., né en 1951, et son épouse, Mme°Beldia°Belhadi, née en 1958, comme tuteurs légaux (kafala) des petits-fils de M. B... A..., Rimas A... né le 14 mai 2008 et Issef A... né le 21 juillet 2010. Dans ces conditions et en vertu de ce qui a été dit au point précédent, est entaché d'erreur de droit au regard des stipulations précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 le motif de la décision contestée de rejet de la demande de regroupement familial présentée par M. A... au bénéfice de ses petits-enfants, tiré de ce que l'intérêt supérieur de ces enfants mineurs est de vivre plutôt auprès de leurs parents biologiques en Algérie qu'auprès de leurs grands-parents en France. Par suite, et alors même que la décision en litige ne méconnaîtrait pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 en ce que les enfants auraient toujours vécu en Algérie avec leurs parents, n'auraient jamais vécu avec leurs grands-parents qui ne les auraient jamais pris en charge, qu'aucun lien fort et stable ne serait démontré entre les grands-parents et leurs petits-enfants et que le fait que les parents ne puissent prendre en charge leurs enfants ne serait pas suffisant, le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé pour erreur de droit sa décision du 14 mars 2018 rejetant la demande de regroupement familial présentée par M. A... au bénéfice de ses petits-enfants.
Sur l'appel incident de M. A... :
4. En premier lieu, l'annulation pour erreur de droit de la décision préfectorale du 14 mars 2018 portant refus de regroupement familial, par le jugement attaqué, n'impliquait pas nécessairement qu'il fût enjoint au préfet de la Côte-d'Or d'autoriser le regroupement familial sollicité par M. A.... Par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande à fin d'une telle injonction sous astreinte.
5. En deuxième lieu, par le jugement attaqué, le tribunal a notamment enjoint au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer la demande de regroupement familial de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Dès lors, les conclusions présentées devant la cour par M. A... et tendant au prononcé de la même injonction sont dépourvues d'objet et doivent, par suite, être rejetées comme irrecevables.
6. En dernier lieu et en tout état de cause, il n'y a pas lieu d'assortir d'une astreinte l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Dijon dans son jugement n° 1801192 du 27 août 2018.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or et les conclusions présentées par M. A... devant la cour sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me C.... Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 décembre 2019.
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N° 18LY03636