Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juin 2020, Mme A... E..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 octobre 2019 du préfet de l'Isère ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 20 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 20 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est mariée depuis dix ans avec un compatriote, titulaire d'un titre de séjour, présent sur le territoire français depuis quinze ans ; ils ont trois enfants dont deux sont scolarisés ; elle vit en France depuis quatre ans et est bien intégrée ; la demande de regroupement familial est vouée au rejet compte tenu des ressources insuffisantes du couple ;
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que l'intérêt des enfants du couple est de vivre auprès de leurs enfants.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pourny, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., ressortissante algérienne née le 22 octobre 1990, s'est mariée en Algérie, le 14 juillet 2010, avec M. A... E..., ressortissant algérien vivant en France sous couvert d'un certificat de résidence valable jusqu'en 2020. Mme A... E... est entrée en France le 8 mai 2016 pour le rejoindre sous couvert d'un visa de court séjour. Le 22 juin 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 22 octobre 2019, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... E... relève appel du jugement du 2 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté du 22 octobre 2019 du préfet de l'Isère :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Mme A... E... se prévaut de son mariage, le 14 juillet 2010, avec un compatriote en situation régulière, de la durée de son séjour en France et de la naissance de trois enfants issus de cette union. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... E... est entrée en France le 8 mai 2016 et n'a sollicité la délivrance d'un titre de séjour l'autorisant à séjourner en France que le 22 juin 2018. Par ailleurs, si Mme A... E... se prévaut de son mariage en Algérie avec un compatriote le 14 juillet 2010, rien ne fait obstacle, eu égard à leur nationalité commune, à ce qu'ils poursuivent leur vie en Algérie, pays dans lequel l'intéressée a conservé de nombreuses attaches familiales. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de Mme A... E... en France, le préfet en adoptant la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ladite décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Isère n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Aux termes de l'article 31 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
5. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... E... et son époux ne pourraient poursuivre leur vie familiale en Algérie, pays dont ils ont tous les deux la nationalité, avec leurs enfants âgés de huit ans, de trois ans et d'un peu plus d'un an à la date de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 31 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 7611 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
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N° 20LY01701