Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2018, M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 avril 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de refus d'autorisation préalable pour exercer la profession d'agent de sécurité ;
3°) d'enjoindre au conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) sous astreinte de 100 euros par jour de retard après la notification de l'arrêt de lui accorder l'autorisation préalable pour exercer la profession d'agent de sécurité et, à défaut, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte de lui notifier une nouvelle décision ;
4°) de mettre à la charge du conseil national des activités privées de sécurité la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif a statué ultra petita en suppléant à tort à la carence du défendeur ; si le tribunal administratif a considéré ce moyen comme d'ordre public, il devait en informer les parties ;
- le tribunal administratif a méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en inversant la charge de la preuve et en considérant qu'il appartenait au requérant de produire la preuve du classement sans suite de la plainte ; les premiers juges n'ont pas mis en oeuvre leur pouvoir d'instruction en exigeant de l'auteur du recours la preuve de tous les faits ;
- la décision du 9 juin 2016 est entachée d'incompétence dès lors que le recours préalable obligatoire devait être examiné par une autorité indépendante et impartiale ce qui ne peut être le cas du président de la commission régionale d'agrément et de contrôle Sud-Est qui avait déjà connu l'affaire et exprimé son opinion ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la commission nationale s'est crue à tort en compétence liée par les données recueillies dans le fichier de traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) et en s'abstenant de porter une appréciation sur les faits et leur matérialité ; la commission a refusé de délivrer l'autorisation en raison uniquement de la mention contenue dans le fichier TAJ ;
- ces faits dont la matérialité n'est pas démontrée ne peuvent lui être opposés sans méconnaître le principe de la présomption d'innocence ;
- il ressort de la fiche de liaison produite par la CNAPS que son casier judiciaire ne comporte aucune mention ;
- le fait reproché remonte à 2014, n'a donné lieu à aucune mention sur son casier judiciaire et n'est mentionné que dans le fichier TAJ ; il résulte de l'ancienneté et de la nature des faits reprochés la démonstration du classement sans suite de cette affaire ; la circonstance que la fiche de liaison mentionne que " la saisine du parquet a été effectuée, ce fait est accessible " ne suffit pas à démontrer la matérialité des faits ;
- la décision méconnaît l'article 230-8 du code de procédure pénale dès lors que les agents du CNAPS ne pouvaient pas consulter les mentions portées par les services de police ou de gendarmerie sur le fichier TAJ et qui avaient fait l'objet d'un classement sans suite ; les données relatives à la personne concernée ne peuvent faire l'objet d'une consultation dans le cadre des enquêtes administratives prévues notamment à l'article 114-1 du code de la sécurité intérieure ; le CNAPS ne pouvait se référer à un fichage concernant un fait nécessairement classé sans suite et qui ne pouvait donc pas, sans méconnaître les dispositions de l'article R. 114-2 du code de la sécurité intérieure, être consulté par ses agents .
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 30 décembre 2015, M. B..., né le 18 mai 1968, a saisi la commission régionale d'agrément et de contrôle Sud-Est du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) d'une demande d'autorisation préalable en vue d'exercer l'activité d'agent privé de sécurité. Par délibération du 4 mai 2016, la commission régionale d'agrément et de contrôle Sud-Est a refusé la délivrance de l'autorisation sollicitée. Après que M. B... eut formé un recours préalable le 20 mai 2016, la commission régionale d'agrément et de contrôle Sud-Est a confirmé, par décision du 9 juin 2016, la décision du 4 mai 2016. M. B... relève appel du jugement du 19 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges ont estimé que les conclusions d'annulation de la décision du 9 juin 2016 devaient être regardées comme ayant été formulées à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission nationale du CNAPS qui s'était substituée à la décision initiale du 4 mai 2016. Une telle qualification relève de l'office du juge qui peut y procéder de sa propre initiative sans devoir au préalable mettre les parties à même de présenter des observations sur cette qualification en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.
3. Si M. B... soutient que les premiers juges n'ont pas mis en oeuvre leur pouvoir d'instruction et ont exigé, à tort, qu'il établisse la preuve de classement sans suite de la plainte, il lui appartenait de saisir le parquet afin d'être informé des suites réservées au dépôt de la plainte et de communiquer au juge les éléments d'information recueillis. Par suite, les premiers juges ont pu, sans devoir mettre en oeuvre leur pouvoir d'instruction, estimer que M. B... n'apportait aucun élément confortant ses allégations quant au classement sans suite des faits par le Parquet qu'il n'établit pas avoir saisi.
4. Le présent litige ne se rattachant pas à une contestation sur des droits et des obligations à caractère civil ou à la matière pénale, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. Aux termes de l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure, " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. " et aux termes de l'article R. 632-11 du même code, " La Commission nationale d'agrément et de contrôle : 1° Veille au respect des orientations générales fixées par le collège ainsi qu'à la cohérence des décisions des commissions régionales ou interrégionales ; 2° Statue sur les recours administratifs préalables formés à l'encontre des décisions des commissions régionales et interrégionales, sur le fondement de l'article L. 633-3. (...) ".
7. Aux termes de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration, codifiant l'article 20 de la loi du 12 avril 2000, " Lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé " et aux termes de l'article L. 114-3 du même code, " Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l'administration initialement saisie ". Il résulte de ces dispositions combinées et de celles qui sont mentionnées au point 6, que lorsque l'administré, à qui une décision de la commission régionale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a été notifiée, adresse à une autorité administrative incompétente le recours administratif préalable prévu à l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure en vue de contester le refus de délivrance de l'autorisation préalable d'exercice d'une activité privée de sécurité, ce recours préalable est réputé, à l'issue du délai de deux mois courant à compter de la date de sa réception par cette autorité, avoir été implicitement rejeté par l'autorité administrative compétente.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a adressé, le 20 mai 2016, à la commission régionale d'agrément et de contrôle Sud-Est du Conseil national des activités privées de sécurité, un courrier portant la mention " recours administratif préalable obligatoire ". Eu égard aux termes de ce courrier, il ne saurait être analysé comme un recours gracieux mais comme le recours administratif préalable obligatoire au recours contentieux engagé devant le juge de l'excès de pouvoir prévu par les dispositions de l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que ce recours devait être regardé, à l'issue du délai de deux mois courant à compter de la date de sa réception par la commission régionale d'agrément et de contrôle Sud-Est, comme ayant été implicitement rejeté par la commission nationale. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les conclusions d'annulation de la décision du 9 juin 2016 devaient être regardées comme ayant été formulées à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission nationale qui s'est substituée à la décision initiale du 4 mai 2016.
9. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure, " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes " et aux termes de l'article L. 612-20 de ce code, " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; /2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ".
10. Il résulte des dispositions précitées que lorsqu'elle est saisie d'une demande de délivrance d'une carte professionnelle pour l'exercice de la profession d'agent privé de sécurité, l'autorité administrative compétente procède à une enquête administrative. Cette enquête, qui peut notamment donner lieu à la consultation du traitement automatisé de données à caractère personnel mentionné à l'article R. 40-23 du code de procédure pénale, vise à déterminer si le comportement ou les agissements de l'intéressé sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat, et s'ils sont ou non compatibles avec l'exercice des fonctions d'agent privé de sécurité. Pour ce faire, l'autorité administrative procède, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à une appréciation globale de l'ensemble des éléments dont elle dispose. A ce titre, si la question de l'existence de poursuites ou de sanctions pénales est indifférente, l'autorité administrative est en revanche amenée à prendre en considération, notamment, les circonstances dans lesquelles ont été commis les faits qui peuvent être reprochés au pétitionnaire ainsi que la date de leur commission.
11. Si M. B... soutient que la décision du 9 juin 2016 de la commission régionale d'agrément et de contrôle Sud-Est est entachée d'incompétence, il résulte de ce qui a été dit au point 8 que le recours administratif préalable obligatoire formé par M. B... devait être regardé, à l'issue du délai de deux mois courant à compter de la date de sa réception par la commission régionale d'agrément et de contrôle Sud-Est, comme ayant été implicitement rejeté par la commission nationale. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 9 juin 2016 doit être écarté.
12. Il ressort des pièces du dossier que la commission nationale du CNAPS, qui doit être regardée comme s'étant appropriée les termes de la décision du 4 mai 2016, s'est fondée, pour refuser d'autoriser M. B... à exercer la profession d'agent de sécurité, sur des faits, révélés par l'enquête administrative réalisée dans le cadre de l'instruction de sa demande et ayant donné lieu notamment à la consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales, de menaces de mort réitérées commis à Echirolles le 8 octobre 2014 à l'encontre de l'assistante familiale qui a la charge des deux jeunes filles de M. B....
13. La circonstance que la décision en litige est fondée sur les informations relatives à M. B... et contenues dans ce traitement de données n'est pas de nature à révéler que l'auteur de la décision en litige ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé ni qu'il se serait abstenu d'exercer son pouvoir d'appréciation en s'estimant à tort lié par lesdites informations. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit entachant la décision en litige doit être écarté comme mal fondé.
14. M. B... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés. S'il soutient que ces faits ont donné lieu à un classement sans suite, il n'apporte à l'appui de ses allégations aucun commencement de preuve et ce alors qu'il est établi, par les mentions contenues dans la fiche de liaison versée au débat par le conseil national des activités privées de sécurité, que le parquet a été saisi de ces faits. Par suite, la commission nationale a pu légalement se fonder sur les faits de menaces de mort réitérées pour lesquels l'enquête administrative a révélé que l'intéressé avait été mis en cause en octobre 2014, sans méconnaître la présomption d'innocence alors même qu'aucune condamnation pénale n'était intervenue à la date de la décision. Eu égard à la gravité et au caractère récent de ces faits à la date de la décision litigieuse, la commission nationale n'a pas entaché sa décision de refus d'une erreur d'appréciation en estimant que le comportement de M. B... est incompatible avec l'exercice d'une activité d'agent de sécurité.
15. Aux termes de l'article L114-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable aux faits litigieux, " Les décisions administratives de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant soit les emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'Etat, soit les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, soit les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses, soit l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y exerce, soit l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux, peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. " et aux termes de l'article 230-8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable aux faits litigieux, " Les décisions de non-lieu et de classement sans suite font l'objet d'une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données personnelles. Lorsqu'une décision fait l'objet d'une mention, les données relatives à la personne concernée ne peuvent faire l'objet d'une consultation dans le cadre des enquêtes administratives prévues aux articles L. 114-1, L. 234-1 à L. 234-3 du code de la sécurité intérieure et à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. ". Compte tenu de ce qui a été dit au point 14, M. B... ne peut soutenir que les faits litigieux ne pouvaient donner lieu à une consultation dans le cadre de l'enquête administrative prévue à l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au conseil national des activités privées de sécurité.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Drouet, président de la formation de jugement,
Mme A..., premier conseiller,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 novembre 2019.
Le rapporteur,
R. A...
Le président,
H. DrouetLe greffier,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
7
N° 18LY01991
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