Par un jugement n° 2008757-2008758 du 30 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 mai 2021 et un mémoire enregistré le 2 juillet 2021, M. et Mme A..., représentés, en dernier lieu, par Me Robin, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement et ces arrêtés ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à leur conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
Sur les refus de titre de séjour :
- les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
- elles sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour ;
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
Sur les décisions fixant le pays de destination :
- elles sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire :
- les décisions sont entachées d'une erreur d'appréciation ;
- les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les observations de Me Vernet substituant Me Robin, représentant M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., ressortissants algériens nés respectivement le 5 décembre 1984 et le 19 décembre 1985, sont entrés en France en juillet 2013, accompagnés de leur fille mineure, née en 2011. Par un arrêté du 31 juillet 2014, Mme A... a fait l'objet d'un refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée, en dernier lieu, par une ordonnance du 23 juin 2015 du président de cette cour. Le 15 mai 2019, M. et Mme A... ont sollicité leur admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 19 novembre 2020, le préfet du Rhône, au titre de son pouvoir général de régularisation, a refusé de leur délivrer un certificat de résidence, a assorti ces refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours s'agissant de M. A... et de quatre-vingt-dix jours s'agissant de Mme A..., a fixé le pays de destination et a interdit leur retour sur le territoire français pour une durée de deux ans s'agissant de M. A... et de six mois s'agissant de Mme A.... M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 30 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité des refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
3. M. et Mme A... font valoir qu'ils sont entrés en France en 2013 avec leur fille mineure, née en 2011, que deux enfants sont nées sur le territoire français, en 2014 et 2017, toutes les trois étant scolarisées, et que la mère de Mme A..., titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, ainsi que son frère, de nationalité française, vivent en France. Ils invoquent également leur insertion dans la société française, tant sur le plan social que professionnel. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, si M. et Mme A... sont entrés en France en 2013, ils s'y sont toutefois maintenus irrégulièrement, Mme A... ayant fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement le 31 juillet 2014 et M. A... n'ayant engagé aucune démarche avant 2019 afin de régulariser sa situation, ce qui a nécessairement limité leur possibilité d'insertion dans la société française, en particulier sur le plan professionnel. A cet égard, M. A... se borne à produire une promesse d'embauche du 25 novembre 2020, postérieure à la décision attaquée. Par ailleurs, eu égard aux conditions de leur séjour en France, ni la participation bénévole de M. et Mme A... à des structures associatives, qui paraît en outre récente, ni le suivi de cours de langue française ne suffisent pas à caractériser une insertion particulière dans la société française. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. A... a été interpellé le 2 novembre 2015 pour des faits de vente à la sauvette, le 6 décembre 2016 pour dégradation d'un bien appartenant à autrui et violation de domicile, le 18 juillet 2017 pour recel de biens provenant d'un vol, le 29 mai 2019 pour vol et le 18 avril 2020, pour conduite d'un véhicule sans permis, sans assurance et usage de stupéfiants, peu important la circonstance que l'intéressé n'a pas fait l'objet d'une condamnation pénale dès lors que les faits litigieux ne sont pas sérieusement contestés. Au vu de ces éléments, M. A... n'établit pas l'intégration dans la société française qu'il allègue. Si les requérants produisent une attestation de la belle-sœur de Mme A..., de nationalité française, la requérante ne justifie pas de l'intensité des liens qu'elle entretiendrait avec son frère, ni avec sa mère. Les requérants n'établissent pas être dépourvus d'attaches privées et familiales dans leur pays d'origine, où ils ont vécu pour l'essentiel. Enfin, si les trois enfants des requérants, âgées de neuf, six et trois ans à la date des décisions attaquées, sont scolarisées en France, il n'est pas établi qu'elles ne pourraient pas, compte tenu de leur jeune âge, poursuivre leur scolarité en Algérie, où la cellule familiale, composée des requérants et de leurs trois enfants, tous de même nationalité, peut se reconstituer, alors même que les deux plus jeunes d'entre elles sont nées sur le territoire français. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, et notamment des conditions de séjour des intéressés, les décisions contestées n'ont pas porté au droit de M. et Mme A... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elles poursuivent. Dès lors, ces décisions n'ont méconnu ni les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, les décisions portant refus de titre de séjour opposées aux requérants, qui n'ont ni pour objet ni pour effet de les séparer de leurs enfants, n'ont pas porté, à l'intérêt supérieur de ceux-ci, une atteinte méconnaissant les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité des refus de titre de séjour qui leur ont été opposés que M. et Mme A... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces refus à l'encontre des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français.
5. En deuxième lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés au point 3, les moyens tirés de la méconnaissance, par les décisions portant obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
6. En troisième lieu, il résulte des circonstances de fait énoncées au point 3 qu'en obligeant M. et Mme A... à quitter le territoire français, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ses décision sur la situation personnelle des intéressés.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
7. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que M. et Mme A... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces mesures d'éloignement à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions désignant le pays de renvoi. Ces dernières décisions n'ayant été prises ni en application ni sur le fondement des décisions de refus de titre de séjour, M. et Mme A... ne sauraient utilement exciper de l'illégalité de ces refus de séjour à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de renvoi.
Sur la légalité des décisions portant interdiction de retour sur le territoire :
8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) ".
9. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que pour prononcer une interdiction de retour d'une durée de deux ans à l'encontre de M. A..., le préfet du Rhône a pris en compte son maintien en situation irrégulière sur le territoire français sans avoir sollicité de titre de séjour, la faible intensité de ses liens familiaux en France et la circonstance que son comportement représente une menace pour l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été interpellé à cinq reprises entre 2015 et 2020 pour les faits énoncés au point 3. La seule circonstance que l'intéressé n'a pas fait l'objet d'une condamnation pénale à raison de ces faits n'est pas de nature à en inférer qu'ils ne sont pas matériellement établis. Eu égard à la gravité de ces faits ainsi qu'à leur caractère récent et répété, le préfet a pu légalement considérer que le comportement de M. A... représentait une menace pour l'ordre public. Compte tenu notamment de cette menace à l'ordre public que représente la présence de M. A... sur le territoire français et, ainsi qu'il a été dit au point 3, de la faible intensité des liens personnels l'unissant à la France, le préfet du Rhône n'a pas inexactement appliqué les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant à son encontre une mesure d'interdiction de retour en France d'une durée de deux ans.
10. En second lieu, pour interdire le retour de Mme A... sur le territoire français pour une durée de six mois, le préfet du Rhône a notamment retenu que l'intéressée s'était maintenue en France malgré une décision d'éloignement prise à son encontre le 30 juillet 2014 et a tenu compte de la durée de sa présence sur le territoire français ainsi que de la nature et de l'intensité de ses liens avec la France. Compte tenu des circonstances rappelées au point 3, c'est par une exacte appréciation des dispositions citées ci-dessus que le préfet a estimé que l'intéressée pouvait faire l'objet d'une interdiction de retour d'une durée limitée à six mois sur le fondement du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme B... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
Le président,
F. PournyLa greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01597