Par un jugement n°s 1400930 - 1400932 - 1407733 - 1407734 du 27 janvier 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2015, présentée pour M. D... A...et Mme C... épouseA..., domiciliés 6 rue des Martyrs à Saint Genis Laval (69230), il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n°s 1400930 - 1400932 - 1407733 - 1407734 du 27 janvier 2015 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer une carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à leur conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 600 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- s'agissant des décisions de refus de titre du 20 septembre 2013 :
- les décisions sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation ;
- la décision concernant Mme A...méconnait l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, en l'absence en particulier de disponibilité du traitement au Kosovo ;
- s'agissant des décisions de refus de titre du 3 juin 2014 :
- les décisions sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation ;
- le refus de titre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ce refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- s'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français du 3 juin 2014 :
- ils sont fondés à exciper de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour au soutien de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français ;
- les décisions sont insuffisamment motivées ;
- les décisions méconnaissent les dispositions des articles L. 511-4-10°, R. 511-1 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- s'agissant des décisions fixant le pays de destination du 3 juin 2014 :
- les décisions méconnaissent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. et Mme A...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2015, du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Par un mémoire, enregistré le 1er février 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'un traitement semblable au Plaquenil, approprié à l'état de santé de Mme A..., est disponible au Kosovo, et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.
Par un mémoire enregistré le 2 février 2016, présenté pour M. et MmeA..., ils maintiennent les conclusions de leur requête par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 11 février 2016 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- et les observations de Me Jayle, avocat de M. et MmeA....
1. Considérant que MmeA..., ressortissante du Kosovo née en 1976, est arrivée en France, le 12 décembre 2011 selon ses déclarations, afin d'y solliciter l'asile ; que sa demande d'asile, présentée le 9 janvier 2012 a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 24 janvier 2012 ; que son époux, également ressortissant du Kosovo, entré en France à son tour, le 28 février 2012, selon ses déclarations, a aussi sollicité le bénéfice de l'asile politique, le 23 mars 2012 ; que sa demande a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 30 mars 2012 ; que des récépissés ont été délivrés, respectivement les 2 et 4 avril 2012, à M. et MmeA..., en raison des recours qu'ils avaient formés contre les décisions de l'OFPRA ; qu'ils ont également sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire, le 6 septembre 2012, en se prévalant de l'état de santé de Mme A...et de la nécessité pour son époux d'être présent à ses côtés ; que par des décisions du 20 septembre 2013, le préfet du Rhône a rejeté leurs demandes ; qu'après le rejet, par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 31 mars 2014, des recours formés par M. et Mme A...contre les décisions de l'OFPRA rejetant leurs demandes d'asile, le préfet du Rhône, par des décisions du 3 juin 2014, a refusé de délivrer un titre de séjour aux intéressés et a assorti ces refus de titre de séjour de décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ; que M. et Mme A...font appel du jugement du 27 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes d'annulation de ces décisions préfectorales des 20 septembre 2013 et 3 juin 2014 ;
Sur la légalité des décisions préfectorales du 20 septembre 2013 :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). " ;
3. Considérant que, si le préfet n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à considérer, nonobstant cet avis médical, que les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies ;
4. Considérant que, par un avis du 22 octobre 2012, le médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes a estimé que l'état de santé de Mme A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existait pas dans le pays dont elle était originaire, que les soins devaient, en l'état actuel, être poursuivis pendant 12 mois mais qu'elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...souffre d'une pathologie identifiée comme un " lupus érythémateux disséminé ", maladie auto-immune qui associe une asthénie chronique et des douleurs articulaires, pouvant évoluer, du fait d'une pathologie de la coagulation, vers des maladies thrombo-emboliques veineuses et/ou artérielles, nécessitant un suivi régulier et une possibilité d'accès à des services d'urgence en cas d'accident thrombotique ; qu'il ressort également des pièces, en particulier d'un certificat médical du 6 février 2014 du DrB..., praticien hospitalier du service de médecine interne de l'hôpital Edouard Herriot de Lyon, que le traitement de fond de l'état de santé de Mme A...implique la prise quotidienne de Plaquenil, ou sulfate d'hydroxychloroquine, médicament anti-inflammatoire et anti-paludéen de type immunomodulateur, dont il n'est pas contesté qu'il ne figure pas sur la liste des médicaments essentiels disponibles au Kosovo, ainsi d'ailleurs que l'indiquent également tant le Dr B...qu'une lettre du ministère de la santé du Kosovo du 14 juillet 2014 produite par les requérants ; que les circonstances que d'autres anti-inflammatoires ou des immunosuppresseurs tels que le mycophénolate mofetil sont disponibles au Kosovo ou que la polyarthrite rhumatoïde, dont le traitement comporte des molécules également utilisées pour le traitement du " lupus érythémateux disséminé ", pourrait être prise en charge dans ce pays ne suffisent pas à établir que Mme A...pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement adapté à son état de santé ; que, par suite, le préfet du Rhône a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer le titre de séjour demandé par Mme A... ;
6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le préfet du Rhône ne pouvait, sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser d'autoriser le séjour de Mme A... en France ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la nécessité de la présence de M. A... aux côtés de son épouse malade, la décision portant refus de délivrance du titre de séjour en litige a porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale et privée ;
Sur la légalité des décisions préfectorales du 3 juin 2014 :
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit que l'état de santé de MmeA..., dont il n'a pas été soutenu qu'il aurait évolué entre le 20 septembre 2013 et le 3 juin 2014, rendait nécessaire une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays dont elle est originaire ; que, dès lors, en refusant, par la décision en litige du 3 juin 2014, de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, le préfet du Rhône a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée ; qu'eu égard à la nécessité de la présence de M. A... aux côtés de son épouse malade, la décision portant refus de délivrance à ce dernier d'un titre de séjour a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale et privée ; que le préfet a également, par voie de conséquence, entaché d'illégalité les décisions faisant obligation à M. et Mme A...de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, ainsi que celles fixant le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office à l'expiration de ce délai ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône en litige ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que l'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;
10. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;
11. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation de santé de Mme A... justifie actuellement que lui soit délivré un titre de séjour ; que, dès lors, les annulations prononcées par le présent arrêt impliquent seulement que le préfet délivre à M. et Mme A...une autorisation provisoire de séjour et réexaminent leur situation dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification de cet arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que M. et Mme A...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Frery, avocat de M. et MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n°s 1400930 - 1400932 - 1407733 - 1407734 du 27 janvier 2015 et les décisions du préfet du Rhône des 20 septembre 2013 et 3 juin 2014 refusant à M. et Mme A...la délivrance d'un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de munir M. et Mme A...d'une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer leurs demandes de titre de séjour, dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Frery la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A...est rejeté
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et Mme C...épouse A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 février 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mars 2016.
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N° 15LY01445