Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 juin 2017 et des mémoires complémentaires enregistrés le 26 juin 2018 et le 15 janvier 2019, M. H...D..., Mme I...E...et la compagnie MAIF assurances, représentés par MeC..., demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :
1°) à titre principal, de condamner l'Etat à verser à M. D...et Mme E...les sommes de 1 712,93 euros au titre des travaux de nettoyage de leur maison, de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les troubles dans leurs conditions d'existence depuis l'ouverture de la LINO et de 8 000 euros au titre des préjudices liés aux travaux de création de l'écran acoustique sauf à ordonner un complément d'expertise sur ce point ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à verser à M. D...et Mme E...les sommes de 1 712,93 euros au titre des travaux de nettoyage de leur maison, de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les troubles dans leurs conditions d'existence depuis l'ouverture de la LINO et de 30 000 euros au titre de la perte de valeur de leur habitation ;
3°) de dire que la MAIF Assurance sera subrogée dans les droit de M. D...et de Mme E... à hauteur de 5 656,27 euros au titre des travaux de remise en état de leur habitation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de référé et de l'instance au fond ;
Ils soutiennent que :
- M.K..., expert, a établi le lien de causalité entre la poussière du chantier et son incrustation sur l'enduit de façade de leur maison d'habitation compte tenu de ce que les travaux ont eu lieu pendant des périodes de forte chaleur et que les entreprises n'ont pas arrosé régulièrement la chaussée ; la société EPC France explosifs confirme, dans son mémoire, que le dommage anormal et spécial subi a pour cause le défaut d'arrosage des routes en chantier ainsi que les travaux de compactage menés par l'entreprise Roger Martin ; à ce titre, l'Etat devra être condamné à leur verser la somme de 7 369,20 euros et la MAIF se trouve subrogée dans les droits des assurés à hauteur de 5 081,90 euros ; l'expert a précisé que l'incrustation de la poussière du chantier sur la façade est en lien avec le chantier ; il ne s'agit pas de traces laissées par la pollution ou les intempéries ; la DREAL est en possession du constat d'huissier original contenant des photographies en couleurs ; l'administration a commis une négligence en s'abstenant de fixer l'état initial des lieux avant les travaux ;
- l'expertise confirme l'existence de nuisances sonores notamment nocturnes résultant du trafic routier ; ces nuisances provoquent une dépréciation de la valeur de leur habitation ; l'expert préconise la mise en place d'un écran acoustique pour atténuer les nuisances sonores ;
- l'expert indique que la mise en place de cet écran acoustique viendra boucher la vue et sera disgracieux dépréciant ainsi la valeur de la maison ;
- l'acte de vente du terrain ne fait pas état d'une diminution du prix du terrain compte tenu de la situation de celui-ci dans une zone d'exposition aux bruits des infrastructures terrestres ; un isolement acoustique a été réalisé puisque la construction a obtenu un certificat de conformité le 19 janvier 1996 ; l'expert n'a pas pu informer la juridiction sur le respect des normes en cas de vent dominant défavorable ; l'expert et son sapiteur, M. A..., ont relevé l'existence d'une émergence excessive et gênante la nuit au passage de camions et de motos ; si la LINO était prévue en 1995, elle n'était pas encore réalisée et ils avaient satisfait aux contraintes d'isolation acoustique, de sorte qu'ils ne pouvaient raisonnablement pas prévoir que l'émergence nocturne serait importante ; l'Etat n'a pas mis en oeuvre l'écran de protection que M. A...estimait impératif pour les protéger du bruit ; la jurisprudence admet, en l'absence de création d'un écran acoustique, que la dépréciation de la valeur d'une habitation à proximité d'une voie routière passagère puisse être indemnisée ;
- ils ne persistent pas dans leur demande de dommage et intérêt concernant l'atteinte à la vie privée, dès lors qu'un grillage a été installé le long du parapet et empêche le passage des promeneurs ;
Par un mémoire, enregistré le 2 octobre 2017, la société Alpharoc EPC France explosifs, représentée par MeJ..., conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que la société Roger Martin la garantisse des condamnations prononcées à son encontre et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M.D..., MmeE..., la compagnie MAIF assurances et de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est intervenue pour des opérations de minage qui se sont déroulées du 24 juin au 25 novembre 2009 ; elle n'a pas participé aux opérations d'expertise de sorte qu'il ne lui est pas possible d'établir un lien entre les désordres allégués et les travaux de minage ;
- les désordres dont se plaignent les requérants ne sont pas en lien avec les travaux de tirs de mines mais avec le défaut d'arrosage des routes en chantier ; il n'est pas possible de déterminer au vu des seuls éléments communiqués par les demandeurs à quel moment exact sont apparus les désordres et où ont été réalisés les travaux de minage par rapport à leur maison ; ce n'est que trois ans après la fin des travaux réalisés par ses soins que les requérants se sont plaints des désordres ;
- les travaux de compactage ont été réalisés par la société Roger Martin ; toute condamnation éventuelle prononcée à son encontre ne pourra qu'être mise à la charge définitive de la société Roger Martin au titre des désordres trouvant leur origine dans le défaut d'arrosage des pistes ;
- il n'y a pas de lien de causalité entre les tirs de mines et les nuisances sonores alléguées résultant de l'ouverture de la voie de circulation ;
- elle n'est pas à l'origine de l'atteinte à la vie privée dont se plaignent les requérants ;
Par un mémoire, enregistré le 2 février 2018, l'entreprise Roger Martin, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête et de l'appel en garantie de la société Alpharoc EPC France explosifs et de l'Etat, à titre subsidiaire, si sa responsabilité devait être retenue, à ce qu'un taux de vétusté de 40 % a minima soit retenu sur la réparation des préjudices et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat ou de M.D..., Mme E...et la MAIF en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'appel en garantie ne saurait prospérer dès lors que la réception de la tranche intitulée TOARC1 entre la DREAL et l'entreprise Roger Martin l'a été sans réserve le 2 août 2012 ;
- le rapport d'expertise de M. K...n'a pas été réalisé au contradictoire de l'entreprise ; ce rapport d'expertise est insuffisant pour apporter la preuve des préjudices allégués et du lien de causalité entre les préjudices et les travaux ; les travaux de terrassement dit TOARC1 se sont achevés en 2011 et les appelants ne se sont plaints des dégâts qu'en novembre 2013 ; le tableau de pointage du matériel démontre qu'elle a procédé sur les années 2009 et 2010 à l'arrosage des pistes à l'aide d'un matériel adapté ;
- le préjudice de 300 euros au titre du nettoyage des menuiseries PVC n'est pas établi par les pièces versées au dossier ; le taux de vétusté à appliquer ne saurait être inférieur à 40 % ;
Par un mémoire, enregistré le 29 mai 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 2 août 2018, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- en application de la jurisprudence OPHLM Ville de Caen, la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne présente aucun moyen spécifique d'appel ;
- les requérants soulèvent une conclusion nouvelle tendant à obtenir que l'injonction d'édifier un mur anti-bruit soit assortie d'une indemnité de compensation pour l'édification de l'écran acoustique à hauteur de 8 000 euros ; des conclusions indemnitaires additionnelles présentées après l'expiration du délai d'appel sont irrecevables ; dans l'hypothèse où la cour admettrait la recevabilité de cette demande, l'expert a remis en cause l'efficacité d'un tel mur compte tenu de ce que cet écran conduirait à une atténuation de la nuisance et déprécierait la valeur de la maison ;
- l'expert a sollicité la DREAL et les requérants pour obtenir un exemplaire couleur des photos des façades et du muret ; aucune des parties n'a été en mesure de produire ces éléments ; l'expert s'appuie sur des photographies qui n'ont pas été soumises au principe du contradictoire et qui ne revêtent pas un caractère probant ; le constat d'huissier réalisé en mai 2009 ne saurait davantage constituer une preuve suffisante de l'état antérieur de la maison dès lors que ce constat était circonscrit aux éléments structurels du bien immobilier ; les premiers juges ont relevé que le ravalement des façades n'a pas été fait depuis plus de 20 ans ;
- la demande des requérants ne se rattache pas au même fait générateur puisque l'indemnité liée à la perte de la valeur vénale de la maison, en première instance, était rattachée à l'édification éventuelle d'un écran acoustique tandis que la majoration sollicitée est rattachée à la persistance des nuisances sonores en l'absence d'édification du mur anti-bruit ; la demande chiffrée liée à la perte de la valeur vénale de la maison n'est étayée d'aucun élément précis permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
- concernant les nuisances sonores, le permis de construire délivré par le maire de Daix à M. D...et Mme E...précisait que le projet était situé dans une zone d'exposition aux bruits par les infrastructures terrestres et que les dispositions de l'arrêté interministériel du 6 octobre 1978 relatif à l'isolement acoustique des immeubles d'habitation devaient être respectées ; à la date de construction de leur maison en 1995, les propriétaires ne pouvaient ignorer l'existence du projet de construction de la liaison nord de l'agglomération dijonnaise compte tenu de ce que les premières études pour le projet datent de 1967 et que la direction départementale de l'équipement avait présenté au public en mai 1976 une étude de synthèse selon le tracé actuel ; il n'appartient pas au juge de prononcer à l'encontre de l'administration l'injonction de réaliser un écran acoustique ;
- les requérants semblent demander en même temps la réalisation d'un mur anti-bruit pour lutter contre les nuisances sonores et une indemnisation au titre de la perte de la valeur vénale de leur maison en raison de la présence d'un mur anti-bruit disgracieux ; le préjudice de perte de valeur vénale du bien en raison de la présence d'un mur anti-bruit n'est pas établi ;
- concernant l'atteinte à la vie privée, les éléments de preuve de la fréquentation du chemin en surplomb antérieurement à la pose de la barrière n'ayant pas été fournis, le tribunal administratif a pu légitimement considérer que le trouble de jouissance n'était pas établi ;
- si la cour annule le jugement contesté, il convient de se rapporter aux écritures produites en première instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des assurances ;
- l'arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant la société EPC France venant aux droits de la société Alpharoc.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme E...sont propriétaires d'une maison d'habitation construite en 1995, située 10 rue des Alisiers à Daix (département de la Côte d'Or). Dans le cadre des travaux de la liaison nord de l'agglomération dijonnaise (LINO) dont l'Etat est maître d'ouvrage, une tranchée souterraine couverte sur le territoire de la commune de Daix a été réalisée et a nécessité l'utilisation d'explosifs. Le marché a été attribué à un groupement conjoint, dont le mandataire était la société Roger Martin, formé des sociétés Roger Martin, SNCTP, CBR TP et la société STIPS aux droits de laquelle vient la société Alpharoc. Il a été procédé à des tirs de mines, à proximité immédiate de la maison d'habitation des consorts D...et E...du 24 juin 2009 au 27 avril 2010. Le 4 novembre 2013, M. D... et Mme E...ont saisi la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) d'une réclamation indemnitaire tendant à obtenir réparation des désordres et désagréments qu'ils estiment avoir subis du fait de ces travaux. Cette réclamation a été rejetée le 21 novembre 2013. L'assureur des requérants, la MAIF, leur a versé la somme de 10 264,18 euros au titre des travaux de nettoyage des façades, du store, de la toiture et des volets roulants. Par ordonnance du 8 janvier 2015, le président du tribunal administratif de Dijon a désigné M.K..., architecte, en qualité d'expert, lequel, assisté d'un sapiteur acousticien, a déposé son rapport le 9 juillet 2015. Les consorts D...et E...et la compagnie MAIF assurances relèvent appel du jugement du 17 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l'Etat à les indemniser des préjudices imputés aux travaux litigieux.
Sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de la cohésion des territoires :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) ".
3. Contrairement à ce que soutient le ministre de la cohésion des territoires, la requête d'appel présentée par les consorts D...-E... et la MAIF ne constitue pas la reproduction littérale de leur demande de première instance mais énonce à nouveau, de manière partiellement différente, des moyens tendant à la condamnation de l'Etat à les indemniser des préjudices subis résultant des travaux litigieux. Par suite, la fin de non recevoir soulevée par le ministre de la cohésion des territoires doit être écartée.
Sur la responsabilité :
4. Les dommages entraînés par l'exécution de travaux publics ouvrent droit à réparation à l'égard des tiers, sans que ceux-ci aient à prouver l'existence d'une faute, ni que l'auteur des travaux puisse s'exonérer de sa responsabilité en invoquant le fait d'un tiers, dès lors qu'est établie l'existence d'un lien de cause à effet entre les travaux en cause et le préjudice allégué. Par suite, la responsabilité sans faute de l'Etat, maître d'ouvrage des travaux de la LINO, est susceptible d'être engagée à l'égard des consorts D...etE..., tiers par rapport à ces travaux, dans la mesure toutefois où les désordres affectant l'immeuble leur appartenant et les désagréments occasionnés seraient la conséquence directe desdits travaux.
S'agissant de l'incrustation des poussières sur la façade de la maison d'habitation des consorts D...-E... :
5. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie étant seule en mesure de détenir ne pouvant être réclamés qu'à celle-ci.
6. Il résulte de l'instruction que l'expert, M.K..., a retenu le lien de causalité entre l'incrustation de poussières sur l'enduit de la façade de la maison d'habitation des consorts D...-E... et les travaux du chantier, qui ont été menés en contrebas immédiat de cette maison, en se fondant, pour apprécier l'état antérieur de cette façade, sur des photographies produites par les requérants. Ces photographies font apparaître qu'antérieurement aux travaux, la façade de cette maison ne présentait pas de salissure particulière. Si l'Etat soutient que ces photographies " amateur " ne permettent pas d'établir avec certitude l'état antérieur de la façade litigieuse, n'a lui-même pas été en mesure de produire, à la suite de la mesure d'instruction diligentée par le tribunal administratif de Dijon, le constat de l'huissier, MeB..., réalisé à la demande de l'administration avant les travaux litigieux en mai 2009 et qui comportait des photographies en couleur de cette façade. Les photographies prises par les requérants et qui comportent des dates de prise de vue n'apparaissent pas dépourvues de valeur probante quant à l'état de la façade avant les travaux en cause. Par suite, compte tenu de la situation de la maison, de la granulométrie importante de l'enduit qui facilite le dépôt des poussières et de la nature des travaux entrepris qui dégageaient nécessairement des poussières importantes, le lien de causalité entre les dommages résultant de l'incrustation des poussières sur la façade de la maison des consorts D...-E... et les travaux publics litigieux doit être regardé comme suffisamment établi.
S'agissant des nuisances sonores :
7. Si le propriétaire d'une maison d'habitation ne peut ignorer, à la date de l'acquisition de l'immeuble, les inconvénients résultant de la proximité d'un ouvrage public préexistant et ne peut dès lors prétendre obtenir une indemnisation des préjudices subis à ce titre, il en va toutefois différemment d'un dommage résultant pour lui du non-respect des prescriptions légales ou réglementaires régissant le fonctionnement de l'ouvrage public, dans le cas où il ne pouvait en avoir connaissance lors de l'acquisition de son habitation ou qu'il ne pouvait raisonnablement le prévoir.
8. Il résulte de l'instruction que le projet de liaison nord de l'agglomération dijonnaise faisait l'objet d'études depuis 1967 et que son tracé avait été présenté au public en 1976. L'arrêté du maire de Daix accordant en 1995 le permis de construire aux consorts D...et E...précisait que ce projet était situé dans une zone d'exposition aux bruits par les infrastructures terrestres. Par suite, les requérants ne pouvaient ignorer, à la date de la délivrance du permis de construire, les inconvénients résultants de la proximité de cette route.
9. Si les requérants soutiennent encore que les nuisances résultent du non-respect des prescriptions fixées par l'arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières, le rapport d'expertise fait état de ce que " les mesures réalisées montrent que le niveau sonore réglementaire de 55dB en façade des bâtiments, de 22 heures à 6 heures, imposé par l'arrêté du 5 mai 1995 est respecté ". Le rapport d'expertise précise encore que " le bruit résiduel ou bruit de fond relativement bas en pleine nuit engendre une émergence sonore importante " de nature à entraîner une gêne en période estivale lorsque les fenêtres sont ouvertes. Toutefois, il n'est pas établi que cette émergence sonore méconnaitrait les dispositions de l'arrêté du 5 mai 1995. En conséquence, les consorts D...et E...ne peuvent se prévaloir des inconvénients résultant de la proximité de l'ouvrage public litigieux.
S'agissant de la perte de la valeur vénale de la propriété des consorts D...et E...résultant de la construction d'un écran acoustique :
10. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir que l'éventuelle construction d'un écran acoustique entrainerait une dépréciation de la valeur de leur bien compte tenu de sa situation.
Sur l'action subrogatoire de la MAIF :
11. L'article L. 121-12 du code des assurances dispose dans son premier alinéa que : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ". Il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré.
12. Il résulte de l'instruction que l'indemnité versée au titre du nettoyage de la façade par la MAIF a été fixée à la somme non contestée de 6 549,08 euros après application d'un coefficient de vétusté de 20 %. Par suite, la MAIF justifie être subrogée dans les droits des victimes à hauteur de cette somme.
Sur l'évaluation des préjudices en lien avec l'incrustation de poussières :
13. La réparation d'un dommage de travaux publics ne se voit pas imputer de coefficient de vétusté, sauf si cela aboutit à procurer un avantage manifestement injustifié à la victime. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci peuvent cependant être retenus pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.
14. Il ne résulte pas de l'instruction que la maison d'habitation des requérants présentait une vulnérabilité ou une fragilité de nature à réduire le montant du préjudice indemnisable. Il ressort du rapport d'expertise que la façade n'a pas fait l'objet d'un ravalement et que l'enduit date de 20 ans. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de retenir un coefficient de vétusté de 10 % pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.
15. Il résulte de l'instruction que le montant du nettoyage des façades a été évalué par l'expert à la somme de 7 888 euros et que le montant du nettoyage des menuiseries en PVC a été évalué à la somme de 300 euros. Il s'ensuit que le montant du préjudice indemnisable s'élève à un total de 7 369,20 euros, compte tenu du coefficient de vétusté retenu de 10 %. Par suite, la MAIF est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 5 656,27 euros et les consorts D...-E... sont fondés à demander la condamnation de l'Etat à leur verser les sommes de 135 euros représentant le coût de la franchise prévue dans leur contrat d'assurance et de 1 577,93 euros représentant l'indemnité restée à leur charge sur le poste " nettoyage des façades ".
16. Il résulte de ce qui précède que les consorts D...-E... et la MAIF sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande d'indemnisation au titre de l'incrustation de poussières sur la façade de leur maison d'habitation. Par suite, l'Etat doit être condamné à verser à la MAIF la somme de 5 656,27 euros et aux consorts D...-E... la somme de 1 712,93 euros. Le surplus des conclusions de la requête des consorts D...-E... et de la MAIF, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, doit être rejeté.
Sur les frais d'expertise :
17. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./.Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties./. L'Etat peut être condamné aux dépens. ".
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge définitive de l'Etat le montant des frais d'expertises liquidés et taxés par ordonnances en date du 8 novembre 2015 du président du tribunal administratif de Dijon.
Sur l'appel en garantie :
19. En l'absence de condamnation de la société Alpharoc EPC France explosifs, ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre la société Roger Martin et présentées d'ailleurs à titre subsidiaire sont sans objet.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des consorts D...-E... et de la MAIF, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement de la somme que la société Alpharoc EPC France explosifs et la société Roger Martin demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions formulées par ces dernières à l'encontre de l'Etat à ce même titre.
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts D...-E... et la MAIF et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 mai 2017 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser aux consorts D...-E... la somme de 1 712,93 euros et à la MAIF la somme de 5 656,27 euros.
Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de l'Etat.
Article 4 : L'Etat versera aux consorts D...-E... et à la MAIF la somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la société EPC France et de la société Roger Martin tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... D..., à Mme I...E..., à la compagnie MAIF assurances, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la société EPC France venant aux droits de la Société Alpharoc et à la société Roger Marin.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 mars 2019.
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N° 17LY02569