Par un jugement n° 1500971 du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2015, présentée pour Mme A...D..., domiciliée..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1500971 du tribunal administratif de Lyon du 9 juin 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
en ce qui concerne la décision préfectorale de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'incompétence faute pour le préfet de produire la délégation de signature de son auteur ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale garanti par les articles 6-5 de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard au soutien qu'elle porte à son conjoint dont l'état de santé justifie qu'il demeure en France et la délivrance d'un titre de séjour ;
en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de renouveler un titre de séjour ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de renouveler un titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire, enregistré le 22 janvier 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en se référant à ses écritures de première instance et en indiquant que la requérante a volontairement regagné l'Algérie le 12 juillet 2015.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2015, du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2016 le rapport de M. Seillet, président.
1. Considérant que MmeD..., née le 29 octobre 1957 à Béni Saif (Algérie), de nationalité algérienne, est entrée en France le 12 septembre 2012 munie d'un visa C délivré par le consulat de France à Alger, pour rejoindre son époux, lui-même entré en France le 8 mai 2012 muni également d'un visa C, et qui a obtenu un certificat de résidence algérien, eu égard à son état de santé ; qu'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 12 avril 2013 au 7 février 2014, a été délivré, sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, à Mme D..., qui en a sollicité le renouvellement ; que, par des décisions du 15 janvier 2015, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel elle établirait être légalement admissible ; qu'elle fait appel du jugement du 9 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales ;
Sur la légalité des décisions préfectorales :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...)" ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'époux de Mme D..., dont l'état de santé est caractérisé notamment par une pathologie ayant rendu nécessaire une transplantation hépatique, pratiquée le 12 décembre 2013, s'est vu délivrer, eu égard à cet état de santé, un certificat de résidence, valable du 8 février 2013 au 7 février 2014, dont il a sollicité le renouvellement le 19 décembre 2013 ; que le renouvellement de ce titre de séjour lui a été refusé par une décision du préfet du Rhône du 15 janvier 2015 ; que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, le 7 janvier 2014, que l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine, que les soins nécessaires devaient être poursuivis pendant douze mois et que l'intéressé ne pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine, et a fait également état de la nécessité de la présence de son épouse pour sa prise en charge ; que la décision du préfet du Rhône du 15 janvier 2015 refusant à M. D... le titre de séjour qu'il avait sollicité a été annulé par un arrêt de la cour rendu ce jour au motif qu'en l'absence de tout élément permettant de remettre en cause, à la date de la décision en litige, l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé sur l'impossibilité pour l'intéressé de voyager vers ce pays, le préfet du Rhône ne pouvait, sans méconnaître les dispositions du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, refuser d'autoriser son séjour en France ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la nécessité de la présence de Mme D... aux côtés de son époux malade à la date de son édiction, la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour en litige a porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie familiale et privée ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône du 15 janvier 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour et, par voie de conséquence, des décisions dudit préfet du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme D... :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que l'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;
6. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation de Mme D... justifie actuellement que lui soit délivré le titre de séjour prévu par l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, dès lors, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet réexamine sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification de cet arrêt et délivre, durant la période de cet examen, à l'intéressée, sous réserve de sa présence en France, une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par Mme D... et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1500971 du 9 juin 2015 et les décisions du préfet du Rhône du 15 janvier 2015 refusant à Mme D... la délivrance d'un certificat de résidence, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme D..., dans un délai de deux mois suivant la date de notification du présent arrêt, et de lui délivrer, durant la période de cet examen, sous réserve de sa présence en France, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
M. B...et MmeC..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
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N° 15LY02428