Par une requête enregistrée le 12 septembre 2017, Mme A...C..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juillet 2017 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- le préfet ne précise pas les éléments lui permettant d'affirmer qu'elle n'est pas dans l'impossibilité de voyager sans risque vers l'Algérie ;
- le préfet a méconnu les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en refusant de lui délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé ;
- le préfet en refusant l'octroi d'un titre de séjour, a méconnu les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne prenant pas en considération les particularités de sa vie privée et familiale sur le territoire français ;
- le préfet a méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le médecin de l'agence régionale de santé n'a pas examiné sa capacité à voyager sans risque vers son pays d'origine ; le préfet aurait dû solliciter l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sur ce point ;
Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2017.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pommier, président.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante algérienne née le 3 janvier 1977, est entrée en France le 6 mars 2015 munie d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles, selon ses déclarations ; qu'elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par un arrêté du 9 février 2017, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ; que, par un jugement du 6 juillet 2017 dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que, dans son arrêté du 9 février 2017, le préfet du Rhône mentionne notamment les circonstances de l'entrée en France de MmeC..., l'objet de sa demande de titre de séjour, précise le contenu de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, indique les raisons pour lesquelles il estime qu'elle peut bénéficier d'un traitement adapté à sa pathologie dans son pays d'origine, relève qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dans l'impossibilité de voyager sans risque vers son pays d'origine où elle n'est pas dépourvue de toute attache familiale puisque son frère, ses trois soeurs et sa mère y résident ; qu'ainsi il ressort suffisamment des énonciations de cet arrêté que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien, de vérifier, au vu notamment de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, si l'absence de prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et d'apprécier si celui-ci peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
4. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier qu'à la date de la décision en litige, la requérante aurait été dans l'incapacité de voyager vers l'Algérie sans risque pour sa santé ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'appréciation ainsi portée par le préfet, qui n'avait pas à motiver davantage sa décision sur ce point, serait erronée ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...souffre d'un fibrosarcome justifiant un traitement par chimiothérapie pour lequel elle était traitée en France à la date du refus de séjour en litige ; que, par un avis rendu le 27 mai 2016, le médecin de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que les soins nécessités par son état de santé présentent un caractère de longue durée, soit deux ans, et que ces soins ne pouvaient être dispensés dans son pays d'origine ; que, pour s'en écarter, le préfet du Rhône, qui n'était pas lié par cet avis, s'est fondé dans sa décision sur des documents transmis par le consulat général de France à Alger en date du 21 octobre 2013 et sur la déclaration du ministre de la santé du gouvernement algérien, citée dans le rapport du 3 novembre 2011 de l'Agence de gestion des frontières du ministère de l'intérieur britannique ; qu'il a produit à l'instance devant les premiers juges des documents suffisamment précis relatifs à la politique de santé et au système de sécurité sociale en Algérie et à la prise en charge médicale des cancers ; qu'ainsi il apporte des éléments suffisamment étayés relativement à la possibilité pour la requérante de bénéficier effectivement dans son pays des traitements que nécessite son état de santé ; qu'il ressort d'ailleurs d'un certificat médical du 19 février 2015, produit par la requérante, que le diagnostic de fibrosarcome a été établi à la clinique médico diagnostic " El Dey " à Alger ; que si Mme C...a bénéficié d'une chimiothérapie et d'un suivi au centre Léon Bérard de Lyon, centre expert, il ne ressort pas des pièces médicales qu'elle verse au débat qu'elle ne pourrait effectivement faire l'objet d'un suivi médical approprié en Algérie, alors même qu'il ne serait pas équivalent à celui dont elle a bénéficié en France ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en estimant qu'elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un certificat de résidence en qualité d'étranger malade ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance..." ;
7. Considérant que Mme C... n'est entrée en France qu'en mars 2015 ; qu'elle est veuve et sans enfant ; que si elle a rejoint son frère installé sur le territoire français, elle n'est pas dépourvue de toute attache familiale en Algérie où résident plusieurs membres de sa famille ;que si elle a créé une activité de vente en ligne de produits " bio ", cette circonstance ne suffit pas à démontrer une insertion sociale ou professionnelle particulière en France ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressée en France, le préfet en adoptant la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié doivent être écartés ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit aux points précédents, le préfet n'a pas entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'en application des termes mêmes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, le médecin de l'agence régionale de santé n'était pas tenu, à peine d'irrégularité de son avis, d'indiquer si l'état de santé de Mme C...lui permettait de voyager sans risque ; que, d'autre part, et comme il a été dit plus haut, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme C...suscitait, à la date de la décision critiquée, des interrogations sur sa capacité à supporter un voyage à destination de son pays d'origine ; que, dès lors, le préfet du Rhône, auquel aucune disposition n'imposait de solliciter à nouveau le médecin de l'agence régionale de santé afin qu'il complète son avis sur ce point, n'a pas entaché d'irrégularité la décision en litige ;
10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'état de santé de la requérante pouvait faire l'objet d'un traitement approprié en Algérie ; qu'il n'a donc pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au Préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
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N° 17LY03379