Par jugement n° 1905049 lu le 21 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 6 février 2020, Mme B... représentée par Me A... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté susmentionné ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'État.
Elle soutient que :
- le premier juge n'a pas suffisamment examiné les moyens tirés du défaut d'examen de sa situation personnelle et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an n'a pas été précédée d'un examen effectif de sa situation familiale et est insuffisamment motivée ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 8 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;
- et les observations de Me A... pour Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon lu le 21 novembre 2019, qui a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an prononcée à son encontre par le préfet de l'Ain par décision du 27 juin 2019 prise suite à l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en date du 21 novembre 2018.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte du jugement attaqué que le premier juge a répondu aux moyens respectivement tirés du défaut d'examen de la situation personnelle de Mme B... et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet. Dès lors, ledit jugement n'est pas entaché d'irrégularité, alors même que, selon la requérante, dont la critique sur ce point porte sur le bien-fondé de l'appréciation portée par le premier juge, il n'aurait pas correctement répondu à ces moyens.
Sur le fond du litige :
3. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi du 7 mars 2016, en vigueur depuis le 1er novembre 2016 : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. "
4. Il résulte de ces dispositions, que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle.
5. Mme B..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qu'elle n'a pas exécutée dans le délai qui lui est imparti pour satisfaire à cette obligation, soutient qu'elle justifie de circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle à ce qu'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français soit prononcée à son encontre, résultant de ce que son mari, M. B..., est atteint du syndrome myasthénique de Lambert-Eaton et des risques encourus en Albanie liés à une vendetta contre sa famille. Toutefois, la seule circonstance que le préfet ne se prononce expressément que sur les arguments utiles à sa décision ne suffit pas à établir que le préfet de l'Ain aurait négligé d'épuiser sa compétence. La divergence avec l'analyse retenue par le préfet de l'Ain sur l'existence de circonstances humanitaires ne saurait établir le défaut d'examen invoqué. Il ressort de la décision en litige, qui expose de manière suffisante les motifs de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, que, pour fixer à douze mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de Mme B..., le préfet de l'Ain s'est notamment fondé sur le fait que l'intéressée a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 13 décembre 2018, dont la légalité a été confirmée par le juge administratif le 8 avril 2019, qu'elle n'a pas exécutée et sur les éléments propres à la situation familiale de Mme B.... Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier doivent être écartés.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Mme B..., entrée en France en septembre 2017, se prévaut notamment de la présence en France de son mari lequel n'a, toutefois, pas vocation à y demeurer de manière durable dès lors qu'il fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Mme B... fait également valoir, au titre des conséquences de la décision d'interdiction de retour en litige, que son mari est atteint d'une maladie grave, un syndrome myasthénique de Lambert Eaton, qui ne peut pas être traité en Albanie. Toutefois elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, que l'état de santé de son mari nécessite sa présence à ses côtés sur le territoire français. Enfin si elle se prévaut de l'existence d'une vendetta à l'encontre de la famille B..., les attestations et articles de presse produits, qui évoquent le contexte de vendetta depuis la fin des années 1990 entre deux familles dont l'une liée à des membres de la famille B..., ne permettent pas de caractériser une menace dont elle serait personnellement la cible. Ainsi la requérante dont la demande d'asile a été au demeurant rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale d'asile, ne démontre pas l'existence d'un risque actuel, personnel et direct de mauvais traitements en cas de retour en Albanie, ni que les autorités albanaises ne seraient pas à même d'assurer sa protection. Dans ces conditions et compte tenu du caractère provisoire de l'interdiction de retour, le moyen de Mme B... tiré de l'atteinte disproportionnée portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit à toute personne un tel droit, ensemble le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie pour information au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président ;
Mme Djebiri, premier conseiller ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.
N° 20LY00516 2